Les musulmans ne devraient pas être les seuls à se sentir offensés. Toute personne intéressée par le dialogue et la coexistence devrait se joindre à la condamnation du récent autodafé d’un exemplaire du Coran par des militants d’extrême droite en Suède.
En soi, ce qui s’est passé est un acte terrible et provocateur, conçu uniquement pour infliger de la douleur aux musulmans pratiquants. Prétendre qu’il s’agit d’une forme de «liberté d’expression» n’est qu’une excuse qui exacerbe l’insulte.
De telles atteintes à la dignité humaine peuvent avoir des conséquences. Rien ne justifie le recours à la violence en guise de réponse, mais il n’est guère surprenant que des extrémistes, où qu’ils soient, tentent d’utiliser cet événement pour réaliser leurs objectifs. L’avertissement lancé cette semaine par le département d’État américain concernant la possibilité d’une attaque terroriste contre des synagogues, des églises et des missions diplomatiques à Istanbul vient nous le rappeler.
Les tensions restent vives depuis la profanation, le mois dernier, du livre le plus sacré de l’islam lors d’une manifestation politique devant l’ambassade de Turquie à Stockholm, qui s’est déroulée dans le cadre des délibérations en cours entre les deux pays concernant la candidature de la Suède à l’Otan. Le débat n’est pas de nature religieuse et le fait d’en faire une affaire de religion révèle tout sur les intentions des provocateurs.
Rasmus Paludan, qui a brûlé le Coran, est le chef du parti politique danois d’extrême droite «Ligne dure» . Il s’est déjà livré à des actes similaires, principalement destinés à susciter l’indignation et à attirer l’attention. Les groupes musulmans, ainsi que les organisations chrétiennes, juives et autres en Occident, ont tous décrié sans ambiguïté son comportement. Parmi les communautés juives, celles de Suède et du Danemark ont condamné Paludan, de même que plusieurs organisations basées aux États-Unis, telles que l’Anti-Defamation League (ADL) et le B’nai B’rith International.
Cependant, certains se sont montrés plus virulents dans leurs critiques.
«Le débat n’est pas de nature religieuse et le fait d’en faire une affaire de religion révèle tout sur les intentions des provocateurs.»
Rabbi Marc Schneier
Le chef du gouvernement suédois ne s’est pas couvert de gloire. Sa déclaration semblait privilégier le fait que «la liberté d’expression constitue un élément fondamental de la démocratie». Certes, mais brûler le Coran dans le seul but d’attaquer l’identité religieuse des musulmans de Suède et d’ailleurs ne devrait pas être considéré comme une liberté d’expression. Il est étrange qu’en Suède, il soit illégal de brûler des drapeaux mais pas des textes religieux sacrés.
Le Premier ministre Ulf Kristersson a noté que brûler des livres saints est un «acte profondément irrespectueux» et a compati avec les musulmans offensés. Toutefois, cela minimise la gravité de l’incident. Brûler un Coran, comme une Bible ou une Torah, s’apparente davantage à un acte de violence. Il devrait donc compatir avec toutes les personnes qui chérissent le respect et l’acceptation de chacun dans leur société et dans le monde.
Malheureusement, de tels actes n’ont fait que se multiplier dans les jours qui ont suivi.
Aux Pays-Bas, un autre politicien d’extrême droite a déchiré et profané un Coran. De son côté, Paludan a brûlé des exemplaires du Coran devant une mosquée et devant l’ambassade de Turquie à Copenhague, jurant de recommencer jusqu’à ce que la Suède intègre l’Otan.
Ces actions sont tout à fait nuisibles à son adhésion à l’Otan, qui requiert le soutien unanime des membres actuels de l’alliance. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré qu’il s’opposerait à l’adhésion de la Suède en raison de ce qui s’est passé.
Les retombées finales pourraient être pires. Au-delà des tensions diplomatiques, cette intensification des attaques contre l’islam et ses adeptes peut menacer la stabilité régionale à un moment où l’Otan devrait être unie face à l’agression de la Russie en Ukraine.
Les non-musulmans d’Europe et d’ailleurs doivent se mobiliser. Ils doivent réfléchir profondément à la manière dont nous traitons l’autodafé d’un livre qui a une si grande signification pour les 1,8 milliard de musulmans dans le monde, et ils doivent comprendre que l’acceptation de leurs croyances est tout autant en jeu.
Le terme «irrespectueux» ne traduit pas la douleur et les dommages causés par de tels actes. Il ne m’appartient pas de déterminer le statut criminel de tels comportements dans différents pays, mais nous avons certainement besoin d’un état d’esprit et d’une approche différents. J’applaudis les autorités finlandaises pour avoir déclaré qu’elles n’autoriseront aucun autodafé de Coran sur leur territoire.
La condamnation est un bon début. L’éducation va un peu plus loin, en démontrant que cela n’entre pas dans le cadre d’une protestation légitime. Cependant, le mieux serait peut-être d’adopter une approche plus globale visant à protéger des groupes entiers de personnes contre les insultes haineuses.
Le rabbin Marc Schneier est président de la Foundation for Ethnic Understanding. Il est co-auteur avec l’imam Shamsi Ali de l’ouvrage Sons of Abraham: A Candid Conversation About the Issues that Divide and Unite Muslims and Jews.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com