«Au cours des étés 1953 et 1954, j’ai fait deux voyages en Algérie avec Colette, ma compagne de l’époque, photographe comme moi, dont le père, un entrepreneur d’origine grecque, était installé depuis longtemps en Algérie. […] J’ai découvert là-bas les graves problèmes que posait la colonisation. J’ai ressenti très fortement la distinction entre les catégories de population, les Français d’une part et les “Français musulmans d’Algérie” — comme on disait à l’époque quand on était poli, bien que le mot “Arabes” sorte plus machinalement des bouches — d’autre part. J’ai vu le racisme, les discriminations et les humiliations publiques. J’ai vu les Algériens qu’on tutoyait et les Français qu’on appelait “Monsieur”. Face à des scènes qui me mettaient très mal à l’aise, j’ai souvent eu honte d’être à ma place de Blanc.
J’ai eu honte pour la France. (...) Ce magnifique pays, à la culture infiniment riche, je l’ai vu comme une cocotte-minute prête à exploser. Le comportement condescendant de la plupart des Français d’Algérie vis-à-vis des Algériens, cette relation paternaliste de propriétaires à quasi-esclaves ne pouvaient qu’enflammer un brasier déjà bien attisé. Colette et moi photographions Alger et les très beaux visages d’enfants qui nous regardaient derrière les grilles. Ces photos montraient de l’Algérie toute sa beauté et sa gravité.
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