PARIS: "Le préjudice de ma cliente est attestée", assène une avocate. "Elle ne se trouvait pas dans le périmètre retenu", conteste l'avocat général. Mercredi, au deuxième jour de l'audience civile du procès de l'attentat de Nice, c'est une lutte pied à pied qui oppose avocats des parties civiles et parquet.
Durant cette audience doit être examinée jusqu’à jeudi la recevabilité des quelque 2 600 parties civiles constituées.
Si le statut de partie civile des familles endeuillées ou des personnes blessées dans le sillage du camion-bélier ne fait pas débat, le Parquet national antiterroriste (Pnat) propose de retirer 224 personnes de la liste des victimes et exige des précisions pour 369 autres.
En cas d'irrecevabilité, ces personnes ne pourraient prétendre à bénéficier d'éventuelles réparations devant la Juridiction d'indemnisation des victimes d’actes de terrorisme (Jivat). Surtout, ont mis en garde de nombreux avocats, elles se verraient priver du droit à être reconnues comme "victimes" alors même que nombre de ces personnes ont souffert et souffrent toujours de ce qu'elles ont ressenti le 14 juillet 2016.
Ce soir-là, alors que 25 000 personnes étaient rassemblées sur la promenade des Anglais, le Tunisien Mohamed Lahouaiej Bouhlel a foncé délibérément et à vive allure sur la foule avec un camion de 19 tonnes.
Il a tué 86 personnes, en a blessé plus de 400 et en a traumatisé plusieurs milliers, avant d'être abattu par les forces de l'ordre.
Les avocats des parties civiles qui se succèdent à la barre, dans une salle d'audience quasi vide, évoquent la vie en miettes de leurs clients. Des couples ont explosé, certains sont incapables de travailler ou de retrouver la moindre vie sociale. "Il ne supporte plus rien", résume l'avocate Sabria Mosbah en parlant d'un de ses clients.
Le Pnat ne nie pas les souffrances évoquées par les avocats mais conteste le statut de victime pour les personnes qui se trouvaient sur la plage, dans les rues adjacentes, dans les restaurants ou les immeubles qui longent la promenade des Anglais.
Pas question non plus, soutient le Pnat, d'accorder le statut de partie civile aux primo-intervenants qui ont porté secours aux victimes après l'immobilisation définitive du camion. "Mais, s'insurge l'avocate niçoise Houdé Khadraoui-Zgaren, tout le monde ignorait alors que l'attentat était vraiment terminé". Le Pnat souhaite retoquer l'un de ses clients, pompier volontaire, qui est intervenu dans les minutes qui ont suivi la neutralisation du camion.
Ce sera à la cour d'assises spéciale présidée par Laurent Raviot de déterminer, dans les prochains mois, quelles sont les constitutions de parties civiles recevables et celles qui ne le sont pas.