Les manifestations en Iran sont entrées dans leur quatrième mois et les autorités iraniennes semblent recourir à tous les moyens de répression possibles pour faire taire les manifestants.
La répression violente se traduit notamment par des tirs sur les manifestants, des blessures et des meurtres, des exécutions de manifestants, des milliers d’arrestations, des tortures physiques et mentales et des violences sexuelles, y compris des viols.
L’une des mesures importantes que la communauté internationale devrait prendre pour obliger les auteurs de ces crimes à rendre des comptes est d’imposer des sanctions sévères à l’une des principales forces à l’origine de la répression: le Basij, groupe paramilitaire violent du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI). En 1981, deux ans après sa création, le Basij est devenu une partie officielle du CGRI et a établi des centres dans tout le pays.
Ce groupe paramilitaire agit en toute impunité. Le CGRI lui a accordé des pouvoirs étendus qui permettent à ses membres d’agir en tant que police religieuse et morale, de faire appliquer les lois révolutionnaires du régime, de surveiller les activités quotidiennes des citoyens, de réprimer les manifestations contre le régime, d’opérer dans des pays étrangers, d’organiser des événements religieux dans tout l’Iran et de recruter et former des enfants soldats pour le CGRI. Des centres du Basij sont présents dans presque toutes les villes, villages, écoles et universités d’Iran. En retour, le Basij a considérablement renforcé et enhardi le régime iranien. Comme l’a souligné le département du Trésor américain: «En plus de sa participation à des répressions violentes et à de graves violations des droits de l’homme en Iran, le Basij recrute et forme des combattants (...) y compris des enfants iraniens, qui sont ensuite déployés en Syrie pour soutenir le brutal régime d’Assad.»
Lors de chaque vague de manifestations, y compris la dernière en date, les membres du Basij ont joué un rôle essentiel dans la répression des manifestants et de ceux qui osent critiquer la République islamique et le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. De nombreuses vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent comment les officiers du Basij tirent sur les manifestants et les passent à tabac.
Bien que le régime iranien affirme que le Basij est un groupe de résistants bénévoles, nombre de ses membres sont rémunérés
Les membres du Basij apparaissent en civil (lebas shakhsi) en public, ce qui rend extrêmement difficile pour les gens ordinaires de les identifier avant d’être attaqués. L’agence de presse Iran International a rapporté que «selon le site d’information Rouydad24 à Téhéran, lorsque des personnes produisent des preuves qu’elles ont été battues ou arrêtées par des individus en civil ou même lorsque des vidéos d’officiers en civil arrêtant, battant ou tirant sur des manifestants apparaissent, le gouvernement prétend toujours que ces manifestants sont des “éléments dissidents”.»
Tant que tous les officiers de police en Iran ne portent pas d’uniformes, le gouvernement peut s’en tirer avec les actes criminels qu’ils commettent. Depuis 1999, lorsque des agents en civil ont violemment réprimé un soulèvement étudiant à Téhéran, tuant plusieurs étudiants, certains initiés du régime tentent de convaincre les forces de sécurité de fournir des uniformes à tous les officiers de police, mais en vain. Les forces de sécurité sont sous le commandement de Khamenei, qui a besoin d’agents en civil pour sauver le régime du peuple.
Bien que le régime iranien affirme que le Basij est un groupe de résistants bénévoles, nombre de ses membres sont rémunérés. En fait, le régime alloue chaque année un budget important au groupe. Le Basij est devenu un acteur important dans les secteurs privé et public, et serait l’un des plus grands investisseurs de la bourse iranienne. Ceux qui rejoignent le groupe bénéficient d’incitations financières et non monétaires telles qu’une entrée plus facile dans les universités, l’accès aux prêts bancaires, aux subventions et à l’emploi.
Alors que l’establishment théocratique de l’Iran nie que le Basij soit impliqué dans la répression, un membre du Basij a étonnamment révélé à France 24 International dans une rare interview: «Dans notre unité, nous avons des fusils de chasse, des gaz lacrymogènes, des matraques, des fusils de paintball et des pistolets paralysants. Nous avons eu quelques heures d’introduction et de formation sur ces armes “non combattantes” (…) Personnellement, j’essaie de ne pas toucher les manifestants (...) Les autres membres de mon unité visent les gens pour les toucher à la poitrine ou à la tête, pour les tuer. Si vous tuez quelqu’un, vous n’aurez pas d’ennuis, alors les têtes brûlées ou les officiers qui ne s’en soucient pas tirent sur la tête des gens. Cela peut être mortel. Nous avons aussi quelques kalachnikovs dans notre arsenal, mais nous ne les avons pas encore utilisées. Les kalachnikovs sont maintenant utilisées par les membres du CGRI et la police. Pour autant que je sache, l’arsenal du Basij est le même dans toutes les grandes villes. En tant que Basij, nous n’avons pas encore reçu l’ordre d’utiliser les kalachnikovs, mais notre unité les a utilisées en 2019. Nous utiliserons à nouveau les kalachnikovs lorsque nous recevrons les ordres.»
Il est impératif que l’ONU prenne des mesures pour tenir le régime iranien pour responsable. Le groupe paramilitaire du CGRI est l’un des principaux acteurs de la répression brutale des manifestants. La communauté internationale doit imposer des sanctions sévères à ce groupe. L’un des moyens les plus efficaces de l’affaiblir est de couper les flux financiers destinés au CGRI et à son groupe de mercenaires, le Basij.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com