Depuis le 31 octobre dernier, le Liban est sans président de la République. En effet, c’est à neuf reprises que les 128 députés que compte le Parlement libanais ont été convoqués afin d’élire un président, en vain. Les députés sont à chaque reprise sortis du siège du Parlement sans avoir réussi à combler ce vide au niveau de la magistrature suprême, tandis que l’appareil de l’État souffre aussi de ne pas avoir à ses commandes un gouvernement en bonne et due forme.
Le Liban se retrouve donc, en cette fin d’année 2022, sans président de la République, avec un gouvernement démissionnaire dont l’action se limite selon la Constitution à expédier les affaires courantes. Mais le fait est que le Liban, en pleine crise politique, financière et économique, ne peut se contenter d’un pouvoir exécutif ayant les mains liées faute de ne pas avoir élu un nouveau président. C’est une situation dramatique à laquelle se trouve confronté tout un pays qui vit dans l’attente d’un compromis entre les forces politiques qui tiennent en main le vrai pouvoir au Liban.
Un mois et demi après le départ de l’ancien président M. Michel Aoun du palais présidentiel situé sur la colline de Baabda surplombant la capitale Beyrouth, le Parlement est totalement paralysé par des luttes de pouvoir entre rivaux et alliés politiques confondus. De quoi créer une situation floue où on ne sait plus exactement qui sont les alliés des uns ou les rivaux des autres. C’est un tableau politique surréaliste qui se dessine devant les yeux des Libanais. Ces derniers se rendent encore une fois à l’évidence que cette classe politique qui gouverne le pays, sous l’œil bienveillant de la milice pro-iranienne qu’est le Hezbollah, est responsable de ce blocage politique qui joue en faveur de cette milice incapable d’agir dans l’intérêt du pays et de son peuple.
Personne hormis le patriarche maronite, Bechara el-Raï, ne semble pressé d’élire un président
Ali Hamade
De son côté, la classe politique, qui est tenue pour responsable de la crise sans précédent qui secoue le pays depuis plus de trois ans, a réussi à se maintenir au pouvoir tout en se gardant de ne jamais déranger le Hezbollah. En somme, cette classe politique qui a été à maintes reprises pointée du doigt par la communauté internationale pour avoir précipité le pays du Cèdre dans cette crises si violente, a réussi à préserver l’essentiel de son pouvoir, en tournant les yeux quand il s’agit des intérêts du Hezbollah qui continue à utiliser le Liban comme avant-poste au service du projet expansionniste iranien. Tout cela finit par paralyser l’État de droit, au grand bonheur du Hezbollah qui remporte le pari de jouer le rôle de catalyseur entre les différents acteurs politiques locaux. Ces derniers finissent par jouer le jeu qui consiste à toucher à tout sauf aux sujets délicats qui importent au parti pro-iranien. Autrement dit, on n’entend plus parler des armes illégales que détient la milice, ni de son agissement à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. C’est un deal qui reste jusqu’aujourd’hui en vigueur. Et rien ne laisse présager un changement proche.
C’est dans cette atmosphère que le Liban coule ses jours, dépourvu de pouvoir exécutif. Or personne hormis le patriarche maronite, Bechara el-Raï, ne semble pressé d’élire un président. Cependant, on parle beaucoup ces derniers temps du facteur extérieur. Je veux dire par là l’intervention des capitales étrangères influentes qui jouent un rôle sur la scène politique libanaise. Ces acteurs, qu’ils soient arabes, européens ou américains, semblent garder leurs distances, tout en tenant compte du rôle dangereux que la milice pro-iranienne serait en train de jouer en œuvrant à faire élire un nouveau président représentant une continuité du mandat de M. Aoun. Si cela arrivait à se réaliser, le Liban serait reparti pour un nouveau mandat sous l’hégémonie iranienne. D’où l’urgence d’encourager la communauté internationale, à commencer par les grands pays arabes, à se mobiliser afin d’aider les Libanais à se défaire de l’emprise iranienne via sa milice locale. Rien ne serait plus dramatique que de laisser le Liban sombrer dans cet abîme. Le temps est peut-être venu pour que les amis de ce pays martyrisé, que ce soit dans le monde arabe, en Europe ou sur la scène internationale, se mobilisent et interviennent avec fermeté afin de l’aider à regagner sa liberté.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
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