Nour Cadour, une «porte-parole poétique»

Couverture de L'âme du luthier,  de Nour Cadour (fournie)
Couverture de L'âme du luthier, de Nour Cadour (fournie)
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Publié le Dimanche 27 novembre 2022

Nour Cadour, une «porte-parole poétique»

  • Nour Cadour exerce le métier de docteur en médecine nucléaire à Montpellier, en Occitanie, non loin de la Méditerranée. Sa passion pour la littérature remonte à son enfance
  • «J'ai ce besoin d'écrire parce que, pour moi, la poésie est comme une arme, mais une arme pacifique»

PARIS: «Fait-il toujours aussi froid en Syrie?» Nour Cadour a pris du temps avant de comprendre le sens de cette question. Son malheureux interlocuteur français avait confondu la Syrie avec la Sibérie. Pays longtemps méconnu avant d’être au cœur de l'actualité internationale à partir de 2011, la Syrie mérite d'être vue autrement, selon la romancière, poétesse et peintre Nour Cadour. Arab News en français s'est entretenu avec celle qui se considère comme étant une «porte-parole poétique».

Nour Cadour (fournie)
Nour Cadour (fournie)

De l'importance de la poésie

Nour Cadour exerce le métier de docteur en médecine nucléaire à Montpellier, en Occitanie, non loin de la Méditerranée. Sa passion pour la littérature remonte à son enfance. Déjà, elle notait dans son carnet les critiques des livres qu'elle avait lus. Son goût pour la poésie naît après une remarque de sa professeure de français en seconde qui lui confie que son style est «poétique».

L’enseignante a vu juste. Nour Cadour remporte la mention spéciale du jury du concours international Poésie en liberté en 2014 dans la catégorie «Étudiants de France». Dès lors, celle qui défend la poésie contemporaine et la liberté qu'elle procure fait de belles rencontres et, surtout, rencontre le succès. Son recueil de poèmes Larmes de lune a reçu en 2021 le prix Jacques Raphaël-Leygues de la Société des poètes français et, en novembre 2022, le prix de poésie de la Fondation Saint-John Perse.

La force de la poésie est de dénoncer des choses en quelques vers tout en transmettant un message de beauté et d'espoir.

Elle est guidée par ce qu'elle appelle un «besoin d'écrire»: «J'ai ce besoin d'écrire parce que, pour moi, la poésie est comme une arme, mais une arme pacifique. Il y a des choses dans le monde dans lequel on vit qui me rendent triste et me mettent en colère. Ma poésie est engagée, elle pousse les gens non à adhérer à ce que j'écris, mais au moins à réfléchir sur certaines idées sur lesquelles ils ont des préjugés.»

La poésie est selon elle la forme artistique la mieux adaptée à son engagement: «La force de la poésie est de dénoncer des choses en quelques vers tout en transmettant un message de beauté et d'espoir. Cela apaise ce que l'on veut dénoncer, qui est parfois violent.»

La Syrie, un thème majeur de son œuvre

À travers son engagement, Nour Cadour souhaite changer les regards et les représentations qui pèsent sur son pays d'origine. La moitié de l'intrigue de son premier roman, L’Âme du luthier, publié chez Hello Éditions en février 2022, se déroule en Syrie. «J'ai publié ce roman parce que j'avais envie de montrer que la Syrie n'est pas seulement le pays que l'on est en train de découvrir aujourd’hui avec la guerre. Je voulais montrer, avec mes personnages et leur vie quotidienne, que c'est une terre de culture.» Ce roman possède une part autobiographique: «Je me suis inspirée de mes beaux souvenirs de vacances avec mes grands-parents.»

Sa démarche ne consiste pas simplement à changer les regards des gens, mais aussi à transmettre et à partager, dans la bienveillance. C’est dans ce but qu’elle a cofondé l’association de poésie montpelliéraine intitulée «L’Appeau’Strophe», qui organise une fois par mois une soirée de poésie en musique.

Logo de L'Appeau Strophe (fourni)
Logo de L'Appeau Strophe (fourni)

Son prochain projet littéraire est consacré à ce désir de partage et de transmission: «Je vais publier en janvier 2023 un recueil qui se partage en différents poèmes et chacun d’eux sera la voix d'une femme d'un pays ou d'une ville du monde. Ce sont des femmes que je connais ou que j'ai rencontrées lors de mes voyages. Il s'agit pour moi d'être leur “porte-parole poétique”, de parler des difficultés qu'elles rencontrent au quotidien. Les mêmes problématiques reviennent, quelles que soient les cultures ou les religions.»

Nour Cadour continue ainsi à faire passer un message universel de convivialité et de bienveillance, tout en exposant l’âpreté de la réalité. Un travail de poète et, surtout, d’alchimiste!


Alkhobar offre un panorama visuel avec 56 œuvres explorant de nouvelles réalités

Organisé par la Société saoudienne pour la culture et les arts, en collaboration avec l'Association du cinéma, le Forum de l'art vidéo présentera des œuvres d'art vidéo du monde entier. (Photo Fournie)
Organisé par la Société saoudienne pour la culture et les arts, en collaboration avec l'Association du cinéma, le Forum de l'art vidéo présentera des œuvres d'art vidéo du monde entier. (Photo Fournie)
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  • Des artistes d'Arabie saoudite et du monde entier présentent leurs créations
  • Lina Saeed Qattan, artiste saoudienne, présente « Lena and the Magic Carpet » (Lena et le tapis magique)

ALKHOBAR : Le sixième Forum international de l'art vidéographique s'est ouvert cette semaine au siège de la Société cinématographique d'Alkhobar, offrant un festin visuel aux afficionados.

Organisé par la Société saoudienne pour la culture et les arts, en collaboration avec la Société du cinéma, l'événement durera dix jours et présentera des œuvres d'art vidéo révolutionnaires provenant du monde entier.

Un jury d'experts a sélectionné 56 œuvres parmi 127. L'espace présente des œuvres provenant de 29 pays, contre 41 auparavant.

Le forum est devenu l'une des principales plateformes internationales d'art vidéo de la région, ayant présenté plus de 823 œuvres d'art provenant de plus de 70 pays. (Photo Fournie)
Le forum est devenu l'une des principales plateformes internationales d'art vidéo de la région, ayant présenté plus de 823 œuvres d'art provenant de plus de 70 pays. (Photo Fournie)

Il n'y a pas de thème particulier cette année, si ce n'est qu'il s'inscrit dans le cadre de « l'imagination incarnée, la réalité transformée », a déclaré à Arab News Yousif Al-Harbi, directeur de la branche de Dammam de la SASCA et superviseur général du forum.

« Les œuvres de cette année continuent d'exprimer la transformation d'idées et de perceptions imaginatives en œuvres d'art tangibles qui peuvent avoir un impact sur la réalité dans laquelle nous vivons.

Les vidéos peuvent être visionnées dans l'espace situé à l'étage, dont l'entrée est recouverte d'une porte en tissu noir. Seules trois personnes peuvent regarder les courts-métrages qui passent en boucle.

La vidéo la plus longue dure 7 minutes et la plus courte moins d'une minute.

Parmi les vidéos remarquables, citons « Chorégraphie de l'espace et du temps », une production de 3 minutes de l'artiste égyptien Ehab Aziz, basé en Allemagne, qui mêle images abstraites et mouvements dynamiques.

Par ailleurs, la vidéo d'une minute « Lena and the Magic Carpet » de l'artiste saoudienne Lina Saeed Qattan utilise l'intelligence artificielle pour présenter des couleurs vibrantes tandis que Lena voyage à travers le désert.***

Organisé par la Société saoudienne pour la culture et les arts, en collaboration avec l'Association du cinéma, le Forum de l'art vidéo présentera des œuvres vidéo du monde entier. (Photo fournie)
Organisé par la Société saoudienne pour la culture et les arts, en collaboration avec l'Association du cinéma, le Forum de l'art vidéo présentera des œuvres vidéo du monde entier. (Photo fournie)

Arab News a interrogé le réalisateur yéménite Yousef Ahmed, âgé de 21 ans, qui a passé sa vie dans la province orientale, à propos de son court métrage, « Dose ».

« Le film raconte l'histoire d'une personne déprimée qui remplace ses médicaments par des bonbons après avoir lu un article de journal », explique-t-il.

« Il explore son parcours de changement de perspective, de sortie de sa tristesse, et parfois de retour à celle-ci. Nous avons tous connu des jours comme celui-ci, et c'est tout à fait normal. »

Le film, qui dure moins d'une minute, a été entièrement tourné et monté sur un téléphone portable pendant un mois, spécialement pour le forum. « Le téléphone est toujours disponible et accessible », a-t-il déclaré.

Il a ajouté que trouver la bonne musique et l'adapter à un format plus grand, comme un écran de télévision, avait été un défi.

Des ateliers consacrés à l'intelligence artificielle et à la peinture par la lumière faisaient également partie de la programmation, de même que des tables rondes avec des cinéastes et des artistes.

Le forum est devenu l'une des principales plateformes internationales d'art vidéo de la région, ayant présenté plus de 823 œuvres provenant de plus de 70 pays.

Il a également accueilli 31 conférences et ateliers, offrant aux artistes une occasion unique de se connecter et de partager leur travail avec un public mondial.

Les lauréats seront annoncés à la fin de l'événement.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 

 

 

 


Notre-Dame de Paris: l'artiste Claire Tabouret réalisera les controversés nouveaux vitraux

L'artiste française Claire Tabouret pose après une conférence de presse après avoir remporté avec l'Atelier Simon-Marq, la sélection pour créer de nouveaux vitraux dans six chapelles du bas-côté sud de la cathédrale Notre-Dame de Paris, à Paris, le 18 décembre 2024. (AFP)
L'artiste française Claire Tabouret pose après une conférence de presse après avoir remporté avec l'Atelier Simon-Marq, la sélection pour créer de nouveaux vitraux dans six chapelles du bas-côté sud de la cathédrale Notre-Dame de Paris, à Paris, le 18 décembre 2024. (AFP)
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  • Avec ses propositions turquoise, jaune, rose ou rouge et son message d'"unité", l'artiste peintre française Claire Tabouret a été choisie pour réaliser les controversés vitraux contemporains de la cathédrale Notre-Dame de Paris
  • Ces nouveaux vitraux doivent remplacer fin 2026 six des sept baies du bas-côté sud (côté Seine) de l'architecte du XIXe siècle Eugène Viollet-le-Duc

PARIS: Avec ses propositions turquoise, jaune, rose ou rouge et son message d'"unité", l'artiste peintre française Claire Tabouret, associée à l'atelier verrier rémois Simon-Marq, a été choisie pour réaliser les controversés vitraux contemporains de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Souhaités par le président de la République Emmanuel Macron et l'archevêque de Paris Mgr Laurent Ulrich, qui veulent laisser une trace contemporaine dans l'édifice dévasté par un incendie en 2019 et entièrement restauré, ces nouveaux vitraux doivent remplacer fin 2026 six des sept baies du bas-côté sud (côté Seine) de l'architecte du XIXe siècle Eugène Viollet-le-Duc.

Lors d'une conférence de presse mercredi, Claire Tabouret, qui vit et travaille entre la France et Los Angeles, a souhaité que ces oeuvres "puissent être comprises par tous" et "au service de l'unité". "Il fallait de l'audace pour oser apporter ce mouvement (contemporain) essentiel à notre pays, à notre religion, à notre culture", a-t-elle ajouté.

Dans un communiqué, l'Elysée et le diocèse de Paris soulignent, eux, la "très grande qualité artistique" de sa proposition, son "adéquation" avec le vitrail représentant l'arbre de Jessé (1864), qui restera en place, ainsi que "le respect du programme figuratif choisi (...) relatif à la Pentecôte".

A compter de la passation du marché par l'établissement public chargé de rebâtir Notre-Dame, six mois d'étude sont prévus et environ un an et demi de réalisation, selon l'Elysée et le diocèse. Pour un budget de 4 millions d'euros alloués par le ministère de la Culture, a indiqué Philippe Jost, patron du chantier de restauration.

- Pétition -

Nombre de défenseurs du patrimoine à l'origine d'une pétition (près de 245.000 signatures), lancée par le patron du site La Tribune de l'Art Didier Rykner, s'opposent au projet, les anciens vitraux (appelés grisailles) n'ayant pas été endommagés par l'incendie.

Colorés et, pour la plupart, composés de motifs floraux et géométriques, ils pourraient trouver place dans un musée ou un autre édifice religieux. La question sera examinée dans les prochains mois.

Les anti-vitraux contemporains mettent notamment en avant la charte internationale de Venise, interdisant en principe le remplacement d'oeuvres existantes par de nouvelles mais qui n'est pas contraignante.

L'association de défense du patrimoine Sites & Monuments entend saisir la justice, ce qui ne pourra intervenir qu'une fois déposée l'autorisation de travaux, équivalent d'un permis de construire.

"Ces vitraux sont importants pour l'architecture et vont disparaître alors que, dans les beffrois nord et sud, existent des verrières blanches (non décoratives et récentes) qui pourraient accueillir des vitraux contemporains", fait valoir Julien Lacaze, président de cette association, auprès de l'AFP.

- Avis défavorable -

Huit artistes associés à un atelier verrier étaient finalistes pour la réalisation des nouveaux vitraux à la suite d'un appel à candidatures en avril, auquel 110 équipes ont postulé.

Parmi eux, Jean-Michel Alberola, Daniel Buren, Yan Pei-Ming, Gérard Traquandi, Christine Safa, Flavie Serrière Vincent-Petit et Philippe Parreno, qui s'est finalement retiré en raison de sa charge de travail.

Après la dépose d'un panneau d'essai, les candidats ont passé un grand oral.

Un comité artistique composé de 20 membres (conservateurs du patrimoine, artistes, membres du diocèse de Paris, de l'établissement public chargé du chantier de reconstruction et du ministère de la Culture) a été chargé par la ministre de la Culture Rachida Dati de choisir. Ce choix s'est fait "à l'unisson", selon son président Bernard Blistène.

Notre-Dame de Paris a rouvert le 7 décembre, après un chantier colossal de cinq années.

Le projet de vitraux contemporains a reçu un avis défavorable de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture, qui reste consultatif. Par le passé, cette commission s'était opposée à la pyramide du Louvre ou aux colonnes de Buren au Palais-Royal.

En 1965, des vitraux abstraits de Jacques Le Chevallier (1896-1987) avaient intégré la cathédrale avec le soutien d'André Malraux, alors ministre de la Culture.


La chanteuse saoudienne Fulana : “La musique est ma clé pour comprendre le monde”

Nadine Lingawi est plus connue sous son nom de scène Fulana. (Fourni)
Nadine Lingawi est plus connue sous son nom de scène Fulana. (Fourni)
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  • Lingawi, plus connue sous son nom de scène Fulana, parle de son tout premier album, le projet collaboratif “ground:from”
  • Pour cette artiste née à Vancouver et ayant grandi à Djeddah, ce moment marque un véritable tournant

Dubaï : “Je suis nerveuse, mais aussi très excitée”, confie Nadine Lingawi, chanteuse, compositrice et productrice. “Je sais qu’il faut donner l’impression d’être totalement maître de la situation et parfaitement préparée. Mais c’est mon tout premier album, mon premier véritable projet. Ce n'est pas une œuvre très commerciale, et l'on se demande toujours si cela va trouver son public. Pourtant, au plus profond de moi, une étrange sérénité m’habite. Je n’ai pas le moindre doute : cela marchera, parce que je fais ce que j’aime avec passion”.

Lingawi, plus connue sous son nom de scène Fulana, parle de son tout premier album, le projet collaboratif “ground:from”. Conçu en partenariat avec le duo de musique électronique Input/Output, cet opus marque le premier chapitre d’un album conceptuel en deux volets. Il est décrit avec une allure sombre et intrigante, comme une “lettre à la mort”.

Pour cette artiste née à Vancouver et ayant grandi à Djeddah, ce moment marque un véritable tournant. Ces trois dernières années, elle a consacré son énergie à faire découvrir des titres tels que “Minarets”, “Lore”, “Trouble” et “Reprobate” sous le label indépendant “Wall of Sound”. Principalement anglophone dans ses compositions, elle s’inscrit dans un univers profondément introspectif et empreint d’existentialisme. Malgré cette dimension intimiste, elle a brillé sur certaines des plus grandes scènes musicales d’Arabie saoudite, notamment au premier Festival international de jazz de Riyad en début d’année et lors de l’événement incontournable “MDLBeast XP”.


“Je n’ai jamais vraiment eu l’idée — ou même l’envie — de me produire sur scène ; pour moi, c’était plutôt un passe-temps en grandissant”, confie Lingawi, dont la famille est originaire du quartier historique d’Al-Balad, à Djeddah. “La musique était simplement un moyen d’exprimer des sentiments ou des émotions. Je n’ai jamais été très douée avec les mots ou dans les confrontations. Avec les gens de mon âge, je ressentais souvent les choses plus intensément, mais j’avais du mal à les exprimer. La musique est donc devenue mon refuge, ma clé pour comprendre le monde”. 

À l’origine, “ground:from” n’était qu’un recueil de chansons écrites par Lingawi. Elle avait demandé à Abdulmajeed Alwazna, l’un des membres du duo Input/Output, de produire une seule piste pour un album partiellement écrit. Alwazna a ensuite contacté Husam Al-Sayed, le second membre d’Input/Output et ami de Lingawi. Ensemble, les trois artistes ont revisité l’intégralité de l’album, tandis que Lingawi partageait sa vision et ses aspirations pour ce projet musical.  

“C'est un moment magique, car il est déjà incroyable que des gens veuillent vous aider à créer quelque chose”, explique Lingawi. “Mais c'est encore plus extraordinaire quand ces mêmes personnes cherchent à s'approprier le projet, car elles y mettent alors tout leur cœur”.


Les trois musiciens ont collaboré intensivement pendant deux mois et demi, avec Lingawi faisant régulièrement le trajet entre Djeddah et Riyad pour les sessions d'enregistrement. Ils se réunissaient deux à trois fois par semaine, parfois uniquement pour échanger sur la direction artistique de l’album. Ensemble, ils ont minutieusement analysé chaque sonorité qu’elle avait apportée au studio, décidant avec soin de ce qui méritait d’être conservé et de ce qui devait être écarté.

“Nous avons déconstruit chaque chanson pour en examiner l’essence, prenant ensemble des décisions comme : 'Cela ne fonctionne pas ici, il faut le changer' ou 'Ce son ne convient pas, créons-en un nouveau'“, se souvient Lingawi. “Nous avons écrit, produit et expérimenté main dans la main, et c’est grâce à cette synergie créative que ce projet a vu le jour”.

Le résultat est une œuvre atmosphérique et contemplative, une exploration profonde de la mortalité. Conçu comme un dialogue intime avec la mort, le premier chapitre invite les auditeurs à un voyage au-dessus du sol, intégrant des éléments sonores tels que le chant des grillons, le gazouillis des oiseaux, le grondement du tonnerre et d'autres sons naturels. Ces textures sonores se combinent pour évoquer une impression de “début de décomposition”, tandis que Lingawi, fidèle à son style introspectif et lyrique, s’adresse directement à la mort elle-même. 

“J'ai toujours été fascinée par la dichotomie de la vie”, confie-t-elle. “J'aime créer des sons qui semblent joyeux alors que mes paroles sont sombres, ou l'inverse. Je pense que cette dualité crée un équilibre, celui que nous cherchons constamment à atteindre dans la vie. Depuis mon plus jeune âge, l'idée de fin et de début m'intrigue profondément. Cela a toujours façonné ma perception du monde et nourrit les réflexions qui occupent souvent mon esprit”. 

“Mais dans cet album, la mort ne se limite pas à l’idée de décomposition ou à nos âmes qui nous quittent. Elle incarne aussi la mort des causes, de l’humanité, des sentiments, ou encore des chapitres de nos vies. C’est davantage une exploration de la fin et du romantisme qui l’entoure. D’une certaine manière, c’est un reflet de moi-même, car j’ai tendance à idéaliser les fins bien plus qu’à savourer les bons côtés des choses. Le premier chapitre exprime ce désir de tension, cette quête de l’unique chose que je ne pourrai jamais atteindre. Dans le deuxième chapitre, cependant, nous faisons un pas en arrière et prenons conscience des conséquences de cette quête : celle de ne pas avoir su apprécier les moments pour ce qu’ils étaient, tant qu’ils étaient encore vivants”.

Le chant de Lingawi, souvent hypnotique par sa clarté émotionnelle, s’entrelace harmonieusement avec les synthés profonds et les guitares ambiants d’Input/Output. Le duo, connu pour sa maîtrise des structures rythmiques et des paysages sonores cinématographiques, contribue à créer un univers musical intensément ancré dans les thèmes profonds de l’album. Le premier chapitre explore principalement la mélancolie de l’amour, la fugacité de la vie et les cycles de perte et de renaissance. Dans le second chapitre, prévu pour le début de l’année prochaine, le trio plonge sous terre, abordant une conversation avec la mort plus sombre, plus brute et intensément honnête.

Le parcours musical de Lingawi a débuté dès son enfance, bercée par les chansons diffusées à la radio lors des trajets en voiture avec sa mère. À 17 ans, elle a commencé à partager sa propre musique en ligne, fruit de ses premières expérimentations avec GarageBand et d’un amour profond pour la poésie slam, qui l’accompagne depuis l’âge de 14 ans.

Pour préserver son anonymat, elle a choisi le nom Fulana, qui signifie “femme anonyme” en arabe.  

“Fulana, c’était ma façon un peu impertinente de dire : ‘Je vais mettre ma musique en ligne, et personne ne saura que c’est moi’”, explique-t-elle. “J’ai voulu garder ce nom, car il m’a permis, non pas de me dissocier, mais d’encourager les gens à se concentrer sur ce que je dis et sur les histoires que je raconte, plutôt que sur ma personne. Cela reste une partie essentielle de qui je suis en tant que musicienne. Je n’ai pas vraiment envie que l’attention soit portée sur moi en tant qu’individu. Cela ne m’intéresse pas tellement”, confie-t-elle. “Ce qui compte, c’est la musique. Si nous pouvions nous concentrer uniquement sur elle, et non sur moi, ce serait parfait”.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com