PARIS: Le Franco-Tunisien Ramzi Arefa, accusé d'avoir fourni une arme à l'auteur de l'attentat djihadiste de Nice (France) en juillet 2016, a assuré mercredi devant la cour d'assises n'avoir rien vu et pas cherché à se renseigner sur le massacre perpétré par un camion-bélier sur la promenade des Anglais.
Le soir de l'attentat du 14 juillet 2016, "j'étais sur la Promenade mais je n'ai entendu aucun coup de feu (...), j'ai pensé à des pétards", a dit, au dernier jour de son interrogatoire, M. Arefa, 27 ans, l'un des trois accusés poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste et le seul qui encourt une peine de réclusion à perpétuité car en état de récidive légale.
"J'ai vu des gens en panique se cacher sous des voitures... Mais c'était l'anniversaire de mon frère, on a essayé de continuer la soirée (...). On essayait d'en profiter un max", a poursuivi l'accusé provoquant quelques réactions sur les bancs des parties civiles.
L'accusé qui risque gros s'efforce depuis le début du procès de faire preuve d'empathie avec les victimes. Il a reconnu sans difficulté avoir fourni un pistolet à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, le Tunisien auteur du massacre qui a fait 86 morts et plus de 400 blessés.
Il nie catégoriquement en revanche avoir eu connaissance des intentions meurtrières de l'assassin, tué par la police le soir de l'attentat.
Face à l'effet potentiellement dévastateur des dernières déclarations de son client, son avocate tente de lui faire préciser sa soirée du 14 juillet.
"Avec mes deux frères nous n'avions pas été ensemble depuis trois ans (à cause des séjours en prison des uns et des autres, ndlr)... On était heureux", explique M. Arefa en reconnaissant que ce discours "peut blesser" les familles des victimes.
Le lendemain du 14 juillet, ignorant toujours tout du massacre - "j'avais un téléphone sans accès à internet", se justifie-t-il -, il se rend avec ses frères et des amies sur une plage de Juan-les-Pins, à quelque 25 km de Nice. Ce n'est qu'en garde à vue, à partir du 16 juillet, qu'il prend connaissance de l'attentat et du nom de son auteur.
"C'est en voyant la photo présentée par les policiers que j'ai reconnu +Momo+", le nom sous lequel il connaissait Mohamed Lahouaiej-Bouhlel.
Perdu la boule
En garde à vue, les déclarations de M. Arefa vont souvent varier. "J'avais peur, j'étais en état de panique totale", dit-il.
Le président de la cour d'assises spéciale de Paris Laurent Raviot l'interrompt. "Je veux bien qu'on perde la boule lors d'une garde-à-vue. La garde à vue, c'est fait pour ça", tempère-t-il.
La cour n'en a pas fini avec M. Arefa et s'intéresse aux deux SMS que lui a envoyés Mohamed Lahouaiej-Bouhlel quelques minutes avant l'attentat.
"Salam Ramzi (...), le pistolet que tu m'as donné hier, c'est très bien. Alors ramène cinq" supplémentaires, "c'est pour Chokri (Chafroud) et ses amis" , indique un des SMS.
Une note vocale quasiment identique, envoyée quelques heures plus tôt, précisait "Chokri et ses amis sont prêts pour le mois prochain, maintenant ils sont chez Walid", deuxième prénom de Mohamed Ghraieb, le troisième accusé renvoyé pour association de malfaiteurs terroriste, aux côtés de Ramzi Arefa et Chokri Chafroud.
Un autre attentat était-il prévu pour le 15 août ? Pourquoi l'assaillant a-t-il laissé tant d'indices sur un téléphone non verrouillé ?
"La seule hypothèse c'est qu'il a essayé de me piéger. Il a cherché à m'entraîner avec lui (...). J'ai essayé de l'escroquer une fois (en lui proposant une arme factice, ndlr) et plusieurs fois je lui ai parlé froidement", répond l'accusé.
"Quand je vois la haine que cette personne avait contre l'humanité, c'est peut-être un peu logique", poursuit-il sans convaincre totalement.
Car une autre question taraude la cour. A quoi devait servir la kalachnikov trouvée dans sa cave ?
Était-elle l'une des cinq armes qui devaient servir pour l'action du 15 août évoquée par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ?
"C'était une arme complètement rouillée, une épave", se défend M. Arefa en mettant en cause l'Albanais Artan Henaj, autre accusé au procès, qui lui aurait confié, sans qu'il la demande, cette "kalach invendable".