PARIS: Au procès de l'attentat de Nice, qui a fait 86 morts le 14 juillet 2016, une psychiatre et psychanalyste s'est livrée mercredi à une tentative de diagnostic de "science-fiction" de l'assaillant décédé, voyant dans les éléments à sa disposition des indices d'une possible "psychose".
La question, lancinante depuis le début du procès, d'éventuels troubles psychiques de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ne trouvera pas de réponse, puisque le conducteur du camion qui avait pris pour cible la foule sur la Promenade des anglais a été abattu par la police pour mettre fin à sa course meurtrière.
Venue témoigner à la barre à la demande d'avocats de la défense, la psychiatre et psychanalyste Francesca Biagi-Chai a souligné plusieurs fois les limites de l'exercice: "on est dans la science-fiction", "je ne fais pas d’expertise".
"D'après moi, il est rentré comme mort dans le camion", a-t-elle toutefois avancé, après avoir expliqué que lorsque un individu atteint de psychose passe à l'acte, "il est déjà mort comme sujet, il agit comme objet (...) de quelque chose qui le gouverne de l’extérieur".
Interrogée sur l'unique consultation chez un psychiatre de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, en Tunisie en 2004, elle a estimé que le mutisme du jeune homme alors âgé de 19 ans, face au médecin et à son père qui évoquait son comportement violent pouvait être un indice "à explorer" de la "rupture langagière" qu'on constate dans les psychoses.
La prescription du médecin à cette unique consultation - un anxiolytique, un anti-dépresseur mais aussi un anti-psychotique, de l'Haldol - l'a aussi interpellée.
"S'il a prescrit de l’Haldol, c’est qu’il a détecté une faille. On ne donne pas facilement de l’Haldol à un adolescent. S’il lui en a donné, c’est que le psychiatre a été alerté par quelque chose", a estimé Francesca Biagi-Chai.
L'enjeu n'est pas de "solliciter une expertise post-mortem d’un individu dont vous ne savez rien", a assuré Chloé Arnoux, l'une des avocats de Chokri Chafroud, l'un des trois accusés poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste.
Alors que l'interrogatoire du Tunisien de 43 ans, débuté mardi, doit se poursuivre jeudi, il s'agit plutôt de convaincre la cour qu'on peut côtoyer une personnes atteinte de "troubles psychiques" sans que ça soit "perceptible pour l'oeil du profane".
"Ce n'est pas toujours perceptible", confirme la psychiatre, même si, après les faits, "si on interroge les proches, énormément de choses vont apparaître de la bizarrerie".
Peut-on qualifier ça de "signal faible qu'on ne peut comprendre qu'a posteriori?", poursuit Me Arnoux.
"On peut l’appeler comme ça, oui", acquiesce Francesca Biagi-Chai.