Quelque cent vingt dirigeants mondiaux sont attendus à Charm el-Cheikh ce mois-ci. Il est temps de se demander comment se porte la planète et comment les efforts déployés à l’échelle mondiale ont progressé depuis la COP26 à Glasgow.
Malgré tous ses détracteurs, la COP26 a favorisé la mise en place d’accords primordiaux. Les États se sont engagés à maintenir le réchauffement climatique à seulement 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels. Quelque trente-quatre pays ont également mis fin au financement public des combustibles fossiles à l’étranger. Par ailleurs, les pays sont convenus de mettre fin à la déforestation d’ici à 2030, un objectif peut-être plus atteignable à la suite du résultat de l’élection présidentielle brésilienne de la semaine dernière.
Accepter tout cela et y parvenir sont cependant deux choses totalement différentes. Pour se rapprocher de l’objectif d’1,5 degré, les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites de moitié d’ici à la fin de cette décennie. La réalité est que cet objectif ne sera tout simplement pas atteint. Sommes-nous cependant préparés aux conséquences?
La COP26 était sans doute la dernière fois – probablement avant longtemps – où la majeure partie de la communauté internationale s’est réunie pour s’attaquer sérieusement à un problème planétaire majeur. Cela marque la fin d’une époque, ensevelie sous les ruines de l’Ukraine. Quelques semaines après la conclusion de la COP26, les troupes russes se rassemblaient à la frontière ukrainienne. La Russie est un pays de plus en plus marginalisé, mais sur la question du changement climatique, le plus grand défi est la détérioration des relations entre les États-Unis et la Chine, les deux plus grandes économies et les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au monde.
Ainsi, au moment où des centaines de jets privés se dirigent vers l’Égypte, l’optimisme n’est pas de mise. L’avion de Joe Biden ne se posera que plus tard cette semaine, lorsque les élections américaines de mi-mandat prendront fin. Trois dirigeants essentiels seront totalement absents: Xi Jinping pour la Chine, Vladimir Poutine pour la Russie et Narendra Modi pour l’Inde.
Dans le même temps, face aux pénuries d’énergie et aux inquiétudes en lien avec l’approvisionnement, divers pays abandonnent leurs engagements en matière de changement climatique. Le Royaume-Uni, à titre d’exemple, a délivré de nouveaux permis pour l’exploitation pétrolière et gazière en mer du Nord.
La crise ukrainienne a également rendu certains pays moins disposés à dépendre du pétrole et du gaz. L'Allemagne a reconsidéré le nucléaire. Compte tenu des prix élevés de l’énergie, les énergies éolienne et solaire, entre autres énergies renouvelables, semblent bien plus attrayantes. Les véhicules électriques sont également adoptés. Les énergies renouvelables répondent aussi aux préoccupations concernant la sécurité énergétique.
Cette année a été exceptionnelle pour les compagnies pétrolières et gazières. Les prix élevés ont conduit à des niveaux de profit considérables. Jusqu’à présent en 2022, les cinq plus grandes compagnies ont réalisé un bénéfice de 170 milliards de dollars (1 dollar = 1 euro). Cela pourrait inciter certains gouvernements à imposer des taxes exceptionnelles à ces entreprises, mais les fonds récoltés seront-ils consacrés aux problèmes liés au climat?
Nombreux sont ceux qui plaident pour l’exploitation accrue du pétrole et du gaz pour contrer l’insécurité énergétique. Certains affirment qu’il s’agirait d’une mesure temporaire. L’Allemagne semble sur le point de rompre son engagement de Glasgow de ne pas investir dans le pétrole et le gaz à l’étranger, au moment où elle débat de la possibilité d’investir dans les gisements de gaz offshore au Sénégal.
Cependant, le monde a-t-il vraiment accepté les sacrifices requis? La science est infaillible: la planète se réchauffe. Les sceptiques ont peu de marge. Les expériences vécues par les gens confirment également cette analyse scientifique.
Les sceptiques, ceux qui sont dans le déni et les fraudeurs sont toujours nombreux. Le scepticisme est important puisqu’il permet aux gens de rester sur leurs gardes. Nous devons toujours remettre en question les hypothèses, y compris celles relatives au changement climatique. Mais le scepticisme doit s’accompagner d’un débat raisonné; ceux qui sont dans le déni n’y sont pas prêts. Quant aux fraudeurs, ils sont carrément dangereux.
Il suffit de s’attarder sur les douze derniers mois. Qu’en est-il des inondations du mois d’août au Pakistan, les pires dans l’Histoire du pays? Souvenez-vous des typhons au Bangladesh, des vagues de chaleur en Europe entraînant la pire sécheresse depuis cinq cents ans, des incendies de forêt en Amérique du Nord et des sécheresses en Afrique. À l’heure actuelle, 146 millions de personnes en Afrique sont confrontées à la faim extrême en raison de la pire sécheresse en quarante ans. Le Royaume-Uni a connu des températures supérieures à 40°C pour la première fois de son Histoire cet été. Les fleuves européens comme le Pô et la Loire se sont asséchés au point où on pouvait les traverser à pied par endroits. L’Ouest américain a connu ce que les scientifiques appellent une «mégasécheresse» – la plus marquée depuis mille deux cents ans.
Quel sera le coût total? Un assureur de premier plan estime qu’il s’élève, jusqu'à présent, à 229 milliards de dollars. C’est probablement plus.
Le temps presse. Parlons du niveau de la mer. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) constate que le niveau de la mer monte désormais de cinq millimètres par an. Dans les années 1990, le taux annuel était de 2,1 mm. Pour les zones de faible altitude, ce taux sera dévastateur.
Les pays les plus riches seront-ils disposés à aider les pays les plus pauvres? Cela semble moins probable désormais, compte tenu de la situation économique, mais c’est nécessaire. À Glasgow, les États les plus riches ont promis d’augmenter l’aide à l'adaptation à 40 milliards de dollars d’ici à 2025, contre 29 milliards de dollars en 2020. Nombreux sont ceux qui critiquent la performance de la Banque mondiale dans la collecte de fonds pour le climat. Le président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass, qui a été nommé par le président américain, Donald Trump, esquive les questions quant à sa position sur le changement climatique. Le secrétaire général de l’Organisation des nations unies (ONU), Antonio Guterres, a appelé les banques multilatérales de développement à «passer à l’action pour mener à bien les objectifs».
C'est pourquoi, à la COP27, les réparations climatiques – connues sous le nom de «pertes et dommages» – seront un sujet brûlant. Les nations les plus pauvres ont besoin d’investissements pour défendre leurs territoires et leurs peuples contre les inondations, les tempêtes et la sécheresse.
La COP27 se tient également sur le continent africain. C’est le continent ayant le moins contribué au changement climatique d’origine humaine, avec seulement 3 % de toutes les émissions historiques. Pourtant, c’est sans doute celui qui en a le plus souffert. Selon la Banque africaine de développement, l’Afrique perd entre 5 et 15 % de son produit intérieur brut (PIB) chaque année en raison des répercussions du changement climatique.
«Les nations les plus pauvres ont besoin d’investissements pour défendre leurs territoires et leurs peuples contre les inondations, les tempêtes et la sécheresse.» - Chris Doyle
Les dirigeants d’extrême droite, en particulier, doivent réévaluer leur position. Ils devraient réfléchir aux répercussions du changement climatique sur la migration de masse qu’ils craignent tant. Le nombre de migrants qui veulent trouver refuge dans des États plus riches et plus sûrs ne fera qu’augmenter. Cela ne justifie pas leurs attitudes racistes et hostiles, mais cela devrait plutôt les pousser à réfléchir. Peut-être feraient-ils mieux de tenir compte des paroles de l’une des icônes de la droite, Margaret Thatcher, qui déclarait en 1990: «Le danger du réchauffement climatique est encore invisible, mais suffisamment réel pour que nous fassions des changements et des sacrifices, afin de ne pas vivre aux dépens des générations futures.»
Il est difficile de ne pas considérer les douze derniers mois comme une régression considérable dans la quête pour la réduction des émissions de dioxyde de carbone. Un leadership est nécessaire. Les divergences doivent être mises de côté. L’opinion politique devrait entièrement se mobiliser. Nos efforts ne sont pas suffisants.
Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding, situé à Londres.
Twitter: @Doylech
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com