Les tambours de la guerre résonnent de plus en plus fort à la frontière entre l'Égypte et la Libye. Leur écho résonne partout dans le monde. Le mois dernier, le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, a averti que l’armée de son pays était prête à intervenir tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières, faisant clairement référence au conflit en cours dans la Libye voisine.
Le président égyptien a voulu adresser à tous un message fort : les forces égyptiennes sont prêtes à la confrontation pour protéger la sécurité nationale de l’Égypte. « Toute intervention directe en Libye vise à sécuriser la frontière », a déclaré le président, qui a ajouté : « Toute intervention directe de l'Égypte a désormais une légitimité internationale. Certains pensent qu'ils peuvent empiéter sur les premières lignes de Syrte ou d'Al-Jufra. C’est pour nous une ligne rouge. Tant que les pays voisins sont stables, l'Égypte est stable. C'est ce que nous a appris l'histoire lointaine et proche, de même que la doctrine militaire égyptienne, qui n'intervient que si on le lui demande. Cela s'est produit lors de la guerre de 1948 en Palestine, contre les gangs sionistes, et lors de la guerre de 1991 pour la libération du Koweït. »
L'Égypte a toujours donné la priorité à la sécurité nationale, puis à la sécurité arabe, en assumant pleinement ses responsabilités, sans se soucier des pertes et des profits, forte de valeurs, de principes et d’une doctrine bien établis. L’histoire se répète aujourd’hui, avec les menaces flagrantes de la Turquie en Libye et en Méditerranée, qui tente de franchir les lignes rouges imposées par l’Egypte. La fermeté d’Al-Sissi, qui a exhorté ses militaires à se préparer à toute mission extérieure, est parfaitement fondée.
Fidèle à sa doctrine militaire, l'Égypte ne sera jamais l'initiateur d’un conflit ou en position d’agresseur. Nous n’avons pas oublié le lourd tribut payé pour notre engagement pendant la guerre des Six Jours en 1967. L'Égypte avait alors répondu aux appels des dirigeants arabes de ne pas s’engager dans la guerre, alors qu’Israël nous a surpris par ses frappes. En affirmant aujourd’hui qu'elle est prête à faire la guerre, l’Égypte, ne dit pas que la guerre est imminente… Elle tente cependant d'envoyer des signaux sur un grand nombre de fronts. Le premier signal est purement politique, puisque l'Égypte cherche à restaurer son rôle important et positif dans le monde arabe et en Afrique. La participation du président égyptien et des responsables de l'État à plus d'une réunion politique dans ce contexte vient l’illustrer.
La force de l’armée égyptienne – classée neuvième dans le monde selon le Global Firepower Index – vient appuyer la stature internationale que l’Égypte est en train de se forger. « Ô Égypte, ton soleil d'or est de retour » n'est pas seulement un tube de la chanteuse libanaise iconique Fairuz, c'est aussi une réalité bien ancrée depuis 2014, où l’Egypte s’est imposée comme une puissance vitale à tous les niveaux. Un grand nombre de pays soutient la politique de l’Egypte en Libye, et ses appels continus à la paix et à la légitimité. Un autre succès éclatant de l’Egypte au cours de notre époque est la juste position qu’elle a su adopter sur le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (Gerd).
Le deuxième signal est intérieur, adressé au peuple égyptien. Aujourd’hui, les Égyptiens ont pris conscience de la force et de la grandeur de leur armée. Nombre d’entre eux critiquaient le montant des dépenses militaires qu'ils affirmaient inutiles, faisant référence aux achats d'avions français Rafale, de navires allemands de type Mistral et autres. Ils ont conseillé à l'État égyptien d’utiliser ses ressources pour d’autres secteurs qui se meurent, comme la santé et l’éducation. Ces critiques manquent à l’évidence de profondeur, car elles ne tiennent pas compte du subtil équilibre que les dirigeants égyptiens ont toujours veillé à maintenir entre les services de base fondamentaux et l’armement du pays, indispensable dans cette région instable.
La parade du président Al-Sissi devant les forces armées a sans aucun doute envoyé un message de réconfort au peuple égyptien, désormais bien conscient de la puissance de son armée et de sa capacité à faire face aux nombreux dangers auxquels elle est confrontée.
À la suite de la révolution du 25 janvier 2011, les Égyptiens se sont mis à douter de la force de leur armée et de sa capacité à faire face aux menaces contre la sécurité nationale. Les Frères musulmans, qui ont dirigé l'Égypte entre 2012 et 2013, sont responsables d’avoir suscité ces doutes, alors que le nouveau gouvernement du général Al-Sissi et ses chefs militaires, ont inlassablement tenté de les apaiser. Le peuple égyptien a repris confiance en son armée après l'avoir vue à de nombreuses reprises défiler avec son équipement moderne et ses nouvelles armes, à la télévision et dans les journaux. La démonstration la plus récente a été la visite d’Al-Sissi au détachement militaire dans la région occidentale de l’Égypte, près de la frontière avec la Libye.
La disposition à combattre à tout moment, en tout lieu et en toutes circonstances, est une doctrine bien établie de l'armée égyptienne.
L'image inébranlable que renvoie l’unité du gouvernement, du peuple et de l'armée égyptienne constitue un message dissuasif pour quiconque imaginant qu’une confrontation avec l’Egypte serait facile, et qui tenterait d’exploiter des divisions totalement fictives de l’opinion sur la nature des priorités de l’Etat égyptien.Tous les Egyptiens sont unis, cœur et âme, lorsqu’il s’agit de leur sécurité. L'Égypte possède un solide bouclier pour se protéger et est prête à brandir le sabre contre ceux qui envisagent de l’attaquer par voie terrestre ou maritime. L'Égypte dispose également d'une diplomatie forte, efficace au niveau mondial, capable d'assurer la légitimité internationale de toutes ses actions. Selon la doctrine militaire égyptienne, l'Égypte ne sera jamais l'initiateur d’un conflit ou l'agresseur.
Enfin, en montrant sa volonté de combattre partout, à tout moment, l'Égypte envoie un signal aux pays étrangers et aux dirigeants turcs et éthiopiens en particulier. L'Égypte et son armée ne resteront pas inactives face aux menaces contre la sécurité nationale, que cela concerne les visées territoriales en Libye ou l’accès à l’eau face aux tergiversations éthiopiennes au cours des négociations sur le Gerd.
L’Egypte peut briller sur le front politique et militaire, avec la même efficacité et la même habileté.
Dr. Abdellatif El-Menawy est un journaliste et écrivain multimédia renommé qui a couvert les zones de guerre et les conflits dans le monde entier.
Twitter: @ALMenawy
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