Les relations égypto-américaines ont connu des tensions notables ces dernières semaines en raison de l'insistance du président Donald Trump à mettre en œuvre son plan de déplacement des Palestiniens de Gaza - une décision qui a été accueillie par un rejet ferme de la part du Caire. Ce refus égyptien n'était pas seulement une position politique mais une expression claire de l'engagement de l'Égypte envers ses principes, notamment en ce qui concerne la cause palestinienne et sa propre sécurité nationale.
Alors que la pression américaine s'accentue, beaucoup s'interrogent sur l'avenir des relations entre les deux pays. Cette crise conduira-t-elle à une rupture diplomatique ou les intérêts stratégiques partagés assureront-ils la poursuite de la coopération malgré les désaccords ?
Depuis le déclenchement de la dernière guerre à Gaza, des appels israéliens et américains ont été lancés pour évacuer les résidents palestiniens du territoire sous le prétexte d'assurer la "sécurité d'Israël". Bien que différentes versions de ce plan aient été proposées, son cœur reste le même : faire pression sur les pays voisins, en particulier l'Égypte, pour qu'ils acceptent un grand nombre de réfugiés palestiniens.
Pour l'Égypte, il s'agit d'une menace directe pour sa sécurité nationale. La péninsule du Sinaï, suggérée comme destination potentielle pour ces réfugiés, reste une région sensible qui a connu des activités terroristes périodiques. L'accueil d'un grand nombre de Palestiniens sans solution politique claire créerait des crises sécuritaires, politiques et démographiques à long terme. En outre, l'Égypte considère qu'accepter un tel déplacement revient à approuver implicitement la liquidation de la cause palestinienne - une injustice à l'égard du peuple palestinien à laquelle l'Égypte refuse de participer, comme l'a déclaré le président Abdel Fattah El-Sisi.
Ce rejet n'est pas arbitraire, mais s'inscrit dans le prolongement de la position historique de l'Égypte contre le déplacement des Palestiniens depuis la Nakba de 1948. L'Égypte, qui a administré Gaza entre 1949 et 1967, comprend parfaitement les conséquences de ce fardeau en l'absence d'une résolution juste de la question palestinienne. La réponse du président El-Sisi a donc été sans équivoque : "La déportation ou le déplacement du peuple palestinien est une injustice à laquelle nous ne pouvons pas participer.
Les tensions actuelles entre Le Caire et Washington ne sont pas sans précédent, mais elles représentent l'une des crises les plus graves depuis trois décennies. Face à l'escalade de la situation, une question essentielle se pose : quel sera l'impact de cette crise sur les relations bilatérales ? Quel sera l'impact de cette crise sur les relations bilatérales ?
L'aide militaire et économique a été le principal moyen de pression des États-Unis. Depuis l'entrée en vigueur des accords de Camp David en 1979, l'Égypte reçoit une aide militaire de Washington. Cette aide s'élève aujourd'hui à environ 1,3 milliard de dollars par an. Trump menace à présent de réduire cette aide afin de faire pression sur l'Égypte pour qu'elle accepte son plan.
Toutefois, l'impact réel d'une telle mesure pourrait être limité. L'Égypte ne dépend plus uniquement des États-Unis pour ses achats militaires ; elle a diversifié ses sources d'approvisionnement en armes en incluant la Russie, la Chine et la France. Par conséquent, toute réduction de l'aide américaine pourrait pousser l'Égypte à renforcer d'autres alliances, diminuant ainsi l'influence américaine dans la région.
Toute escalade américaine contre l'Égypte pourrait compromettre la capacité de Washington à atteindre ses objectifs dans la région.
Abdellatif El-Menawy
Au-delà de l'aide militaire, les investissements et le commerce jouent un rôle crucial dans les relations égypto-américaines. Les entreprises américaines détiennent des investissements importants dans les secteurs égyptiens de l'énergie, des infrastructures et de la technologie. Cependant, toute mesure américaine visant à imposer des sanctions économiques ou à réduire les investissements pourrait se retourner contre l'Égypte, ce qui inciterait le Caire à approfondir ses partenariats avec l'UE, la Chine et les États du Golfe afin de compenser les pertes éventuelles.
Le rôle régional de l'Égypte reste essentiel, même s'il semble parfois fluctuer. Le Caire est un acteur clé dans les affaires du Moyen-Orient, que ce soit en tant que médiateur dans le conflit israélo-palestinien ou en tant qu'acteur majeur dans des questions régionales telles que la Libye et le Soudan. Ainsi, toute escalade américaine contre l'Égypte pourrait compromettre la capacité de Washington à atteindre ses objectifs dans la région.
Israël est parfaitement conscient de cette dynamique. Des sources politiques israéliennes ont exprimé la crainte que la détérioration des relations égypto-américaines ne mette en péril l'accord de paix entre l'Égypte et Israël. Pour Tel-Aviv, le traité de paix perd de sa valeur si Le Caire se sent obligé de prendre ses distances avec Washington.
La crise pourrait-elle déboucher sur une rupture totale ? Cette question circule dans les milieux politiques et médiatiques égyptiens. Malgré les tensions actuelles, une rupture totale des relations égypto-américaines semble peu probable. Concrètement, aucun des deux pays ne peut se permettre les conséquences d'une rupture diplomatique ou économique totale.
Du point de vue de Washington, l'Égypte reste un partenaire indispensable au Moyen-Orient. Son rôle dans la sécurisation du canal de Suez, la lutte contre le terrorisme et la gestion des conflits régionaux en fait un élément essentiel de la stratégie américaine dans la région. Par conséquent, si Washington peut exercer des pressions symboliques - telles que la suspension partielle de l'aide ou des critiques publiques - il est peu probable qu'il pousse les relations jusqu'au point de rupture.
Du point de vue du Caire, bien qu'il s'efforce de diversifier ses alliances internationales, sa relation avec les États-Unis reste stratégiquement importante. L'Égypte s'efforcera de gérer la crise avec prudence, en réaffirmant ses principes nationaux tout en évitant les concessions inutiles sur la question des déplacements.
Dans ce contexte, l'Égypte a déjà pris des mesures pour renforcer sa position diplomatique. Ces derniers jours, Le Caire a envoyé des messages directs à Washington pour souligner son rejet absolu du plan de déplacement. Il a également reporté la visite du président El-Sisi à la Maison Blanche afin d'éviter une réunion potentiellement litigieuse qui pourrait impliquer une pression américaine directe.
S'agit-il d'une réinitialisation ou d'une confrontation ouverte ? Les indicateurs dominants suggèrent que la crise égypto-américaine restera dans le cadre d'une réinitialisation plutôt que d'une rupture franche. L'administration américaine devrait adopter une approche plus souple à l'égard du Caire, en particulier si les pressions exercées sur l'Égypte sur la question des déplacements s'avèrent inefficaces.
En attendant, l'Égypte continuera à s'opposer fermement à tout plan de déplacement de Palestiniens, tout en s'efforçant de maintenir ses liens avec Washington sur la base d'intérêts partagés.
La crise actuelle a révélé les limites de l'influence américaine dans la région et a réaffirmé la détermination de l'Égypte à préserver sa sécurité nationale et à prendre des décisions indépendantes, à l'abri des pressions extérieures. Le Caire comprend qu'un compromis sur la question des déplacements ne serait pas seulement une erreur politique, mais aussi une catastrophe historique qui menacerait sa stabilité pour les décennies à venir.
En fin de compte, la question demeure : Washington reconnaît-il que la stabilité de l'Égypte est essentielle à la stabilité régionale ? Ou bien la pression américaine persistera-t-elle jusqu'à ce qu'elle atteigne le point de non-retour ? Seuls les jours à venir révéleront la trajectoire de cette relation stratégique.
Abdellatif El-Menawy a couvert les conflits dans le monde entier.
X : @ALMenawy
NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com