En raison des sanctions imposées par l’administration Trump fin 2018, le régime iranien a accumulé des pertes économiques considérables entre 2019 et 2020. Cependant, depuis que Joe Biden a pris ses fonctions de président au début de l’année 2021, son administration a plutôt fait preuve de laxisme dans l’application des sanctions sur le terrain, ce qui a permis au régime iranien de restaurer une partie importante de ses revenus grâce aux exportations pétrolières et pétrochimiques vers l’étranger.
Sous l’administration Biden, les sanctions sont passées d’un outil visant à modifier le comportement du régime iranien aux niveaux régional et international à un moyen de pénaliser le peuple iranien plutôt que le régime. L’administration Biden n’a pas non plus empêché le flux de ressources financières d’entrer dans les caisses du régime iranien.
À la suite de la mise en place initiale de sanctions américaines au sein des secteurs pétrolier et pétrochimique de l’Iran, la croissance économique du pays s’est effondrée, plongeant l’Iran dans une crise de deux ans. Le commerce extérieur de l’Iran a également diminué, perdant la moitié de sa valeur. Après que le régime a pu profiter de revenus de près de 96 milliards de dollars (1 dollar = 1,03 euro) en 2017 (l’année précédant la réimposition des sanctions américaines contre l’Iran), les exportations du pays vers le reste du monde sont tombées à 60 milliards de dollars en 2019 et à 50 milliards de dollars en 2020.
De nombreux gouvernements et entreprises internationales, en particulier ceux qui font des affaires sur le marché américain, ont apprécié le caractère sérieux de la détermination de l’administration Trump à imposer des sanctions et se sont abstenus d’acheter des produits iraniens. Les investisseurs occidentaux se sont également retirés d’Iran, ce qui a mis complètement fin au commerce pétrolier et non pétrolier avec l’Europe – autrefois l’un des partenaires commerciaux les plus importants de l’Iran.
À ce jour, l’Iran est toujours, du moins en théorie, soumis aux sanctions américaines. Cependant, même une analyse superficielle du commerce pétrolier et non pétrolier de l’Iran avec le reste du monde montre que ces sanctions ont désormais peu d’incidence par rapport à l’époque où Donald Trump était président. L’analyse des chiffres du commerce iranien montre que, depuis que Joe Biden a pris ses fonctions, les relations commerciales entre l’Iran et les pays du monde entier ont retrouvé leur niveau précédant les sanctions, les dépassant même.
En 2021, le commerce non pétrolier de l’Iran a atteint 103 milliards de dollars et il devrait dépasser ce chiffre d’ici à la fin de 2022. Cela fait suite à la forte croissance du commerce de l’Iran avec la Chine au cours des deux dernières années. De même, le commerce de l’Iran avec ses voisins, principalement l’Irak, les Émirats arabes unis (EAU), la Turquie, les pays riverains de la mer Caspienne et les pays de l’Union économique eurasiatique (UEEA), a également prospéré. Par ailleurs, l’Iran a rétabli des liens commerciaux avec l’Inde et l’Europe, deux régions avec lesquelles il n’avait presque aucun lien il y a deux ans.
Le commerce de l’Iran avec les pays de l’UE a considérablement augmenté récemment, atteignant 2,5 milliards d’euros au premier semestre 2022, soit une augmentation de 34% en glissement annuel. Au cours de la même période, l’Iran a conclu des accords commerciaux d’une valeur d’un milliard d'euros rien qu’avec l’Allemagne, tandis que la valeur du commerce avec l’Inde a atteint 2,3 milliards de dollars et 29 millions de dollars avec les États-Unis, soit une augmentation de 27% au cours des sept premiers mois de 2022.
Les revenus du commerce non pétrolier de l’Iran ont également fortement augmenté, totalisant plus de 50 milliards de dollars au cours des six derniers mois, entre avril et septembre, soit une augmentation de 13% par rapport à l’année précédente. Ce commerce avec l’Iran vaut 15 milliards de dollars pour la Chine et 10,3 milliards de dollars pour les EAU. Les exportations de gaz de l’Iran, quant à elles, ont augmenté de 22%. Téhéran a également augmenté ses échanges avec les pays membres de l’Union économique eurasiatique, qui ont atteint 1,3 milliard de dollars en seulement quatre mois (d’avril à août). Sous le règne du président Ebrahim Raïssi, les exportations de produits industriels iraniens ont augmenté de 70%.
Tous les indicateurs susmentionnés sont des signes positifs pour le régime iranien, même si les sanctions américaines restent en place.
Cela renforce l’idée que les sanctions peuvent être inefficaces si elles manquent de sérieux. Ce qui est encore plus dangereux, c’est de faire en sorte que les sanctions s’écartent de leur objectif principal: au lieu d’épuiser les ressources financières du régime et de modifier son comportement régional malveillant, elles deviennent une manière de pénaliser le peuple iranien, comme c’est actuellement le cas.
Alors que les ressources du régime provenant des ventes de pétrole augmentent, son comportement malveillant à l’échelle nationale et régionale demeure inchangé. Pendant ce temps, le peuple iranien croule sous le poids des sanctions, le gouvernement ayant, il y a quelques mois, transféré le fardeau des sanctions au peuple en supprimant les subventions alimentaires et médicales. Les prix ont atteint des niveaux sans précédent, alors que la monnaie locale a perdu 75% de sa valeur par rapport au dollar. Cela a entraîné l’érosion du pouvoir d’achat, des salaires et de l’épargne en Iran, provoquant tout un tas de troubles internes.
L’administration Trump a ciblé les exportations de pétrole, dans la mesure où elles constituent la principale source de revenu de l’Iran. Elle a ainsi réduit la production à 300 000 barils par jour, contre près de deux millions avant la mise en place des sanctions. Les exportations de pétrole de l’Iran ont maintenant dépassé leur niveau précédent d’un million de barils par jour. Mais ce n’est pas tout. Les importations de pétrole iranien de certains pays ont augmenté depuis l’imposition des sanctions. La Chine a acheté, à elle seule, 900 000 barils par jour en août 2022, contre 640 000 en août 2018, avant l’imposition des sanctions américaines, soit une augmentation d’environ 40%.
«Ces sanctions ont désormais peu d’incidence par rapport à l’époque où Donald Trump était président» - Dr Mohammed al-Sulami
Les États-Unis peuvent imposer très vite des contrôles et des sanctions à l’Iran ou les lever tout aussi rapidement. Les résultats de telles mesures sont généralement immédiatement visibles. La récente réaction américaine à l’impasse des pourparlers sur le nucléaire en est un exemple, le département américain du Trésor resserrant son emprise sur les exportations de pétrole iranien en septembre, imposant des sanctions à deux grandes entreprises chinoises pour avoir transféré et stocké du pétrole et des produits pétrochimiques iraniens.
Washington a également averti que davantage de sanctions seraient imposées aux entreprises étrangères, afin de mettre plus de pression économique sur Téhéran. Cette mesure a eu des répercussions immédiates, puisque les exportations quotidiennes de pétrole de l’Iran sont tombées à un million de barils par jour en septembre en moyenne, contre 1,4 million en août, soit une baisse d’un tiers en un mois. Les achats de pétrole iranien par la Chine ont chuté de 44% au cours de la même période. Il convient également de noter que la Chine a dépensé 38 milliards de dollars en produits pétroliers iraniens depuis janvier 2021, c'est-à-dire depuis l’entrée en fonction de l’actuelle administration américaine.
Le Dr Mohammed al-Sulami est directeur de l’Institut international d’études iraniennes (Rasanah).
Twitter: @mohalsulami
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.