La théocratie perverse de l'Iran se désintègre sous nos yeux

Des Irano-Américains manifestant à Washington contre les dirigeants iraniens, le 24 septembre 2022. (REUTERS)
Des Irano-Américains manifestant à Washington contre les dirigeants iraniens, le 24 septembre 2022. (REUTERS)
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Publié le Mercredi 28 septembre 2022

La théocratie perverse de l'Iran se désintègre sous nos yeux

La théocratie perverse de l'Iran se désintègre sous nos yeux
  • Au cours des soulèvements sanglants de 2019, plus de 1 900 Iraniens ont été assassinés. Les manifestations de 2009 avaient atteint le même seuil de violence
  • Jamais auparavant un régime n'avait déployé autant d'efforts pour se faire tant haïr, aussi bien chez lui qu’à l'étranger

Le tueur en série notoire Ebrahim Raïssi avait des craintes à l’ONU la semaine dernière. En tant que dirigeant du plus grand régime paria du monde, cet homme vraiment diabolique avait beaucoup de temps libre à New York, peu de chefs d'État étant prêts à entrer en contact avec lui.

Des organes de presse tels que le Washington Post et Reuters ont été exclus de la conférence de presse du président iranien après avoir refusé de s'abstenir de poser des questions sur les manifestations massives qui ont eu lieu en Iran la semaine dernière. La principale présentatrice internationale anglo-iranienne de CNN, Christiane Amanpour, a eu le mérite de refuser de se plier aux mesures du régime en portant le hijab pour interviewer Raïssi, qui n’a pas voulu changer de position.

Aux rares personnes qui ont assisté à sa conférence de presse, Raïssi a expliqué que de «mauvaises choses» arrivaient partout aux gens se trouvant aux mains des autorités. Il devrait le savoir, lui qui a sur les mains le sang de milliers d'Iraniens assassinés, après des décennies en tant qu’exécuteur des basses œuvres de la République islamique.

Raïssi a promis une «action catégorique» pour écraser les manifestations, et a également promis d'enquêter sur leur cause immédiate la mort d'une femme de 22 ans, Mahsa Amini, aux mains de la «police des mœurs» iranienne. Envisage-t-il d'enquêter sur sa propre complicité? C'est Raïssi lui-même qui, au mois de juillet, a personnellement ordonné la dernière répression violente contre les femmes, après huit ans d'application relativement plus souple du code vestimentaire aberrant de l'Iran.

Raïssi est la personnification de la raison pour laquelle une jeune femme belle et intelligente a été admise à l'hôpital avec des lésions cérébrales mortelles quelques heures seulement après avoir quitté son domicile. Mahsa n'était pas une criminelle et ne constituait pas une menace, mais elle représentait le droit que chaque Iranien exige: vivre librement, sans être soumis à une violence extrême.

La nature brutale du régime de Raïssi et de l'ayatollah Khamenei est mise en évidence par la façon dont la famille de Mahsa a subi des pressions intolérables pour soutenir la version déformée des événements donnée par les autorités. Des pressions similaires à celles des gangsters sont systématiquement exercées sur les familles des dizaines de citoyens tués lors des manifestations de la semaine dernière.

Cette théocratie criminelle, directement et par l'intermédiaire de ses représentants, a également infligé de terribles souffrances aux nations arabes et a le sang de milliers de Syriens, d'Irakiens et de Yéménites sur les mains. Il ne faut cependant pas oublier que les plus grandes victimes de cette dictature sont ses propres citoyens. Au cours des soulèvements sanglants de 2019, plus de 1 900 Iraniens ont été assassinés. Les manifestations de 2009 avaient atteint le même seuil de violence.

Khamenei a insisté la semaine dernière sur le fait que «la résistance, et non la soumission», était le moyen par lequel l'Iran serait victorieux sur la scène mondiale. Ses citoyens semblent le prendre au pied de la lettre, démontrant leur refus de se soumettre à leurs oppresseurs et montrant à Khamenei à quoi ressemble une véritable «résistance».

«Les enfants des ayatollahs vivent une vie dissolue et d'opulence à l'étranger, tandis que les citoyens meurent de faim. Bon sang, les Iraniens ont parfaitement raison d’être en colère!»

 

Baria Alamuddin

Des milliers de femmes intrépides, des plus jeunes aux plus âgées, ont pris part aux manifestations. Elles ont brûlé leur hijab, se sont coupé les cheveux en public, ont dansé sur les toits des voitures de police en scandant «Mort au dictateur», et ont été battues et arrêtées pour ces actes courageux. Des manifestations ont même eu lieu dans le quartier des femmes de la tristement célèbre prison d'Evin à Téhéran.

Des manifestations ont été signalées dans les 31 provinces iraniennes et dans plus de 80 villes, de la capitale Téhéran à Qom, berceau idéologique du khomeynisme, malgré les blocages d'Internet, la perturbation des réseaux mobiles, la fermeture d'universités, l’utilisation de gaz lacrymogène et de tirs à balles réelles contre des manifestants pacifiques, ainsi que des milliers d'arrestations et de meurtres. Certaines des manifestations les plus acharnées ont eu lieu dans le nord kurde, la province d'origine de Mahsa, où des villes entières se sont retrouvées aux mains des manifestants.

Ces dernières années, les familles iraniennes sont tombées dans une pauvreté qui ne cesse de s'aggraver, alors que des milliards de dollars de leur richesse nationale ont été exportés à l'étranger pour financer les guerres, le terrorisme et les milices. Les ayatollahs ont détruit l'économie, consolidant la position de l'Iran en tant qu'État paria sanctionné et marginalisé, tout en s'enrichissant grâce à de vastes fondations théologiques corrompues qui engloutissent la majeure partie du budget de l'État. Les enfants des ayatollahs vivent une vie dissolue et d'opulence à l'étranger, tandis que les citoyens meurent de faim. Bon sang, les Iraniens ont parfaitement raison d’être en colère!

L'armée a menacé d'écraser violemment les manifestations et d'agir de manière sévère contre «les conspirations des ennemis». Les partisans du régime ont défilé dans les grandes villes en scandant «Mort aux rebelles», insistant sur le fait que les manifestations étaient un complot ourdi par l'Amérique, Israël et les «séparatistes kurdes».

Le régime a décidé de considérer les réseaux VPN comme illégaux afin de réduire considérablement l'accès à Internet. Des millions d'Iraniens reçoivent des SMS les menaçant des conséquences de leur participation à la «rébellion».

La plupart des policiers anti-émeute déployés pour affronter les manifestants sont jeunes et sans le sou, et n'aiment guère la dictature démoniaque qu'ils soutiennent. Certains même des défenseurs habituels du régime ont critiqué ses tactiques brutales.

Les pays occidentaux sont-ils si prudents dans l’expression de leur «préoccupation» parce qu'ils attendent toujours un accord nucléaire rapide avec ces terroristes, dans l'espoir que les mollahs rouvriront les robinets de pétrole et stabiliseront les marchés mondiaux de l'énergie? Ce sont précisément de tels accords avec le diable qui permettent des crimes contre l'humanité à l'échelle industrielle. Au lieu de cela, ces «nations éprises de liberté» devraient se tenir côte à côte avec le peuple iranien dans sa lutte pour se libérer de la tyrannie.

Même si cette théocratie machiavélique rassemble suffisamment de réflexes d'autopréservation pour écraser ces dernières manifestations dans une mare de sang, il ne faudra que quelques mois avant que des citoyens désespérés et en colère ne se soulèvent à nouveau. Jamais auparavant un régime n'avait déployé autant d'efforts pour se faire tant haïr, aussi bien chez lui qu’à l'étranger.

Pour les Irakiens, les Libanais, les Syriens et les Yéménites qui subissent les conséquences épouvantables de la tyrannie de la «wilayat al-faqih», la plus grande consolation est que bientôt  peut-être même dans les prochains jours  nous verrons tout cet édifice satanique, avec ses marionnettes, ses meneurs et milices, se désagréger sous nos yeux.

 

Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d'État.

NDRL: L'opinion exprimée dans cette page est propre à l'auteur et ne reflète pas nécessairement celle d'Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com