Le président iranien, Ebrahim Raïssi, surnommé le «boucher de Téhéran», devrait être tenu responsable de ses crimes plutôt que de bénéficier d'une plate-forme pour diffuser sa propagande.
Selon les organisations de défense des droits de l'homme, depuis que Raïssi a pris ses fonctions l'année dernière, l'Iran a procédé à une «horrible vague d'exécutions» – un souci majeur pour un régime déjà reconnu comme ayant le taux d'exécutions par habitant le plus élevé au monde. Au cours des douze premiers mois de la présidence de Raïssi, Téhéran a procédé à plus de 520 exécutions, dépassant de loin le total pour 2021 (366) et 2020 (255).
Dans le même temps, le pouvoir judiciaire du régime a mis en œuvre un certain nombre de sentences barbares de châtiments corporels, notamment l'amputation des doigts des condamnés. Le mois dernier, Raïssi lui-même a publié une directive pour une application plus stricte de la «chasteté et du hijab», autorisant un plus grand nombre de «patrouilles des mœurs» pour harceler et même agresser en public des femmes qui auraient bafoué les lois sur le port forcé du voile. La mort, la semaine dernière, de Mahsa Amini, 22 ans, qui était détenue par la police des mœurs du régime, a suscité l'indignation et les protestations.
Les efforts visant à réaffirmer l'idéologie radicale du régime ont également dépassé les frontières de l'Iran. Le mois dernier, le ministère américain de la Justice a levé les scellés sur les poursuites engagées contre un membre du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), qui avait été observé en train de tenter activement de faciliter l'assassinat de l'ancien conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, sur le sol américain. Il semble que les activités connues de ce membre du CGRI remontent à deux mois seulement après que Raïssi a prêté serment.
Les complots d'assassinat contre Bolton et l'ancien secrétaire d'État, Mike Pompeo, sont des exemples de l'audace croissante de Téhéran. Et ces menaces individuelles sont éclipsées par d'autres qui ont été dirigées contre des communautés entières, comme celle d'Achraf 3, la résidence albanaise d'environ 3 000 dissidents expatriés affiliés au principal groupe d'opposition pro-démocratique, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI).
En juillet, le CNRI a été invité à annuler un rassemblement prévu à Ashraf 3 après que les autorités albanaises ont révélé que des menaces terroristes crédibles avaient été proférées à son encontre. Cette révélation a coïncidé avec un certain nombre d'arrestations de résidents albanais soupçonnés de conspirer avec le régime iranien. Ces arrestations ont été l'aboutissement d'une enquête de quatre ans qui s'est manifestement développée lorsqu’un attentat à la bombe visant la même communauté a été déjoué en 2018. Plus tard cette même année, une tentative similaire d'attentat des agents des services de renseignement iraniens a été démantelée lors d'un rassemblement international près de Paris qui avait été organisé par le CNRI.
L'ONU et les États-Unis doivent condamner les actions de Raïssi, tant au sein de la Commission de la mort qu'en tant que président.
Dr Majid Rafizadeh
Ces intrigues antérieures mettent très probablement en lumière la raison même pour laquelle Raïssi a été désigné par le Guide suprême, Ali Khamenei, pour prendre la présidence. La promotion du partisan de la ligne dure a eu lieu à la suite d'une série de soulèvements antigouvernementaux à l'échelle nationale, dans lesquels l'opposition a joué un rôle de premier plan, selon Khamenei lui-même.
Historiquement, Raïssi a joué un rôle important dans la répression violente de l'opposition démocratique. Il a été l'un des quatre responsables à faire partie de la «commission de la mort» de Téhéran qui a interrogé des détenus politiques dans les prisons de Téhéran et de Gohardasht au cours de l'été 1988. Il s'agissait d'exécuter un décret religieux, ou fatwa, émis par le fondateur du régime, l'ayatollah Khomeini, qui accusait les opposants politiques de «faire la guerre à Dieu». Khomeini a ordonné que «ceux qui prennent les décisions n'hésitent pas, ne montrent aucun doute et ne se soucient pas des détails» lorsqu'ils exécutent des membres de l'opposition.
En l'espace de trois mois environ, en 1988, le régime a exécuté environ 30 000 prisonniers politiques, dont au moins 90 % étaient des sympathisants du CNRI. Personne n'a été tenu pour responsable de ces meurtres jusqu'en 2019, lorsque les autorités suédoises ont arrêté un ancien responsable des prisons iraniennes, nommé Hamid Noury. Il a été condamné cette année à la prison à vie pour crimes contre l'humanité. L'inaction préalable de la communauté internationale face aux innombrables témoignages sur le massacre semble avoir donné au régime iranien un sentiment durable d'impunité en matière de droits humains.
Les puissances occidentales n'ont montré aucun intérêt à enquêter officiellement sur le massacre, et encore moins à demander des comptes aux hauts responsables. Or, nombre de ces responsables occupent des postes élevés précisément en raison des mesures qu'ils ont prises pour réprimer la dissidence dans les années 1980. Raïssi en est un excellent exemple.
En offrant au président iranien une plate-forme pour diffuser sa propagande, l'ONU et, par extension, les États-Unis, légitiment la pratique du régime consistant à se faire le champion des auteurs de violations des droits humains. En outre, cela renforcera le sentiment d'impunité dont jouissent l'administration Raïssi et le régime dans son ensemble. Les Nations unies et les États-Unis doivent condamner les actions de Raïssi, tant en tant que membre de la commission de la mort que président, et indiquer clairement qu'il doit être tenu pour responsable.
Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.