La région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord est confrontée à une crise de l'eau aiguë qui ne cesse de s'intensifier. Cette région, qui est déjà la plus touchée par la pénurie d'eau dans le monde, doit maintenant faire face aux effets croissants du changement climatique, qui ont exacerbé les pénuries d'eau en raison de la hausse des températures, de la diminution des précipitations et de l'augmentation de la fréquence et de la durée des périodes de sécheresse.
Selon le Centre d'études stratégiques et internationales, tous les pays de la région connaîtront un stress hydrique extrêmement élevé d'ici à 2050. L'urgence de la situation est soulignée par les dernières données climatiques, qui montrent que 2024 est en passe de devenir l'année la plus chaude jamais enregistrée.
Les conséquences de la pénurie d'eau dans la région Mena sont profondes et couvrent les dimensions économiques, sociales et environnementales. La pénurie d'eau menace l'agriculture, qui est le pivot de nombreuses économies de la région, et compromet la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance. Les répercussions environnementales comprennent également la dégradation des sols, la désertification et l'effondrement des écosystèmes qui soutiennent la biodiversité. Sur le plan social, la pénurie d'eau peut provoquer des conflits et des déplacements internes, car les communautés se disputent des ressources qui s'amenuisent.
Cette crise n'est pas seulement une question régionale, mais aussi une préoccupation mondiale, car ses effets d'entraînement pourraient exacerber les migrations, déstabiliser les gouvernements et alimenter les tensions géopolitiques. Mahmoud Fathallah, directeur du département de l'environnement et de la météorologie de la Ligue arabe, a résumé le mois dernier la vulnérabilité de la région: «Le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord sont particulièrement sensibles à ces effets en raison de leur climat sec et semi aride. La région est confrontée à des défis importants, tels que la baisse des précipitations annuelles, la hausse des températures et la dégradation des sols.»
La situation difficile de la région Mena met en évidence un sombre paradoxe: bien qu'elle soit l'une des moins responsables des émissions mondiales de carbone, elle subit certaines des conséquences les plus graves du changement climatique.
Bien qu'elle soit l'une des régions les moins responsables des émissions mondiales de carbone, elle subit certaines des conséquences les plus graves du changement climatique.
Majid Rafizadeh
Retarder les mesures visant à remédier à la pénurie d'eau et au changement climatique dans la région Mena ne ferait qu'aggraver le problème. Les enjeux sont considérables: si les températures dans la région augmentent de 4 degrés Celsius, la disponibilité de l'eau douce pourrait diminuer de 75%, ce qui aurait des conséquences dévastatrices pour l'agriculture, l'industrie et la survie de l'homme. Les projections suggèrent que de nombreux pays de la région pourraient se réchauffer de 5°C d'ici la fin du siècle. Une telle augmentation pourrait rendre certaines parties de la région Mena inhabitables, ce qui entraînerait des migrations massives et augmenterait le risque de conflits liés aux ressources.
Le bilan économique de l'inaction serait également catastrophique. L'agriculture, qui consomme plus de 80% de l'eau de la région, subirait une baisse significative de sa productivité, ce qui menacerait la sécurité alimentaire et ferait grimper les prix. Les industries qui dépendent de l'eau, comme la production d'énergie et l'industrie manufacturière, pourraient être perturbées, ce qui étoufferait la croissance économique. En outre, le coût de la gestion des crises – qu'il s'agisse de l'aide d'urgence ou de la reconstruction après des catastrophes liées au climat – dépasserait de loin les investissements nécessaires pour prendre des mesures proactives aujourd'hui.
Sur le plan social, les conséquences de l'inaction sont tout aussi désastreuses. La pénurie d'eau a déjà contribué à l'instabilité dans la région et l'aggravation de la situation pourrait encore alimenter les troubles.
Pour éviter ces résultats tragiques, les gouvernements de la région Mena, les organisations régionales et la communauté internationale doivent agir de manière décisive. Plusieurs mesures clés sont indispensables pour atténuer la crise de l'eau.
La sensibilisation à la gravité de la crise et l'encouragement des efforts de conservation au niveau communautaire peuvent avoir un impact significatif. Les campagnes d'éducation peuvent inciter les individus à adopter des pratiques permettant d'économiser l'eau et à plaider en faveur de changements politiques.
Deuxièmement, l'adoption de pratiques de gestion durable de l'eau, telles que la modernisation des systèmes d'irrigation, la réduction du gaspillage de l'eau et la mise en œuvre de politiques visant à réglementer l'utilisation de l'eau, est également essentielle. Des techniques telles que l'irrigation au goutte-à-goutte et la réutilisation des eaux usées traitées peuvent améliorer considérablement l'efficacité de l'eau dans l'agriculture et dans d'autres secteurs.
Pour éviter ces résultats tragiques, les gouvernements de la région Mena, les organisations régionales et la communauté internationale doivent agir de manière décisive.
Majid Rafizadeh
Les investissements dans la technologie peuvent également apporter des solutions aux défis de l'eau dans la région. Les États du Golfe font des progrès considérables en investissant dans des technologies de pointe, telles que le dessalement et les énergies renouvelables, pour faire face à la pénurie d'eau et renforcer la résilience climatique dans la région, l'Arabie saoudite étant un chef de file notable dans le cadre de ces initiatives.
Le changement climatique ne connaît pas de frontières et les efforts déployés pour lutter contre ses effets ne devraient pas en connaître non plus. En d'autres termes, les pays de la région Mena devraient renforcer la coopération régionale afin de partager les ressources, les connaissances et les technologies. Les initiatives de collaboration, telles que les accords de gestion des eaux transfrontalières, peuvent contribuer à garantir un accès équitable et durable aux ressources en eau partagées.
Plus important encore, la communauté internationale et les puissances mondiales ont l'obligation morale et stratégique d'aider la région Mena à résoudre sa crise de l'eau. Bien que la contribution de la région aux émissions mondiales soit minime, les principaux émetteurs portent une responsabilité importante dans le changement climatique qui exacerbe la pénurie d'eau dans la région Mena. M. Fathallah a souligné cette disparité en déclarant: «Bien que le monde arabe ne soit pas un grand émetteur de dioxyde de carbone, les effets du changement climatique y sont visibles de manière disproportionnée.»
L'assistance financière et technique des pays développés peut jouer un rôle crucial en aidant la région Mena à s'adapter au changement climatique. Ce soutien peut prendre la forme d'investissements dans les infrastructures, telles que les usines de dessalement et les projets d'énergie renouvelable, ainsi que d'un financement de la recherche et du développement de technologies innovantes dans le domaine de l'eau.
En conclusion, la pénurie d'eau dans la région Mena n'est pas seulement un problème régional, c'est un défi mondial aux implications considérables. Si la communauté internationale n'agit pas, les conséquences dépasseront les frontières de la région. Le déplacement de millions de personnes en raison de conditions inhabitables pourrait déclencher des crises migratoires dans les régions voisines et au-delà. Les perturbations économiques causées par la pénurie de ressources pourraient déstabiliser les marchés mondiaux, tandis que les tensions géopolitiques liées aux ressources en eau pourraient dégénérer en conflits plus vastes.
La lutte contre la pénurie d'eau dans la région Mena nécessite un effort collectif. En investissant dans des solutions durables, en encourageant la coopération régionale et internationale et en reconnaissant l'interconnexion de notre monde, nous pouvons atténuer les effets du changement climatique et construire un avenir plus résilient pour la région Mena et la communauté mondiale. C'est maintenant qu'il faut agir, car l'alternative – un avenir marqué par la pénurie, les conflits et la souffrance – est intolérable.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.
X: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com