PARIS : Le président de la Commission médicale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Rémi Salomon, s'alarme vendredi de voir, malgré le reconfinement, un pays « pas prêt à faire face à une crise sanitaire de cette ampleur ».
QUESTION : Est-ce que cette deuxième vague de Covid-19 vous effraie plus que la première ?
REPONSE : Pour la première vague, on n'a pas eu le temps d'avoir peur. On a pris conscience tardivement de l'ampleur de la catastrophe. On a eu deux mois très durs mais on a vu assez vite le bout du tunnel. Aujourd'hui, c'est différent, la plupart des régions sont impactées. On ne sait pas combien de temps ça va durer et on voit que le confinement est très léger. Les gens font comme avant, le télétravail c'est si on veut, des entreprises le font mais d'autres ne le font pas. Les gens vont les uns chez les autres, il y a moins de contrôles qu'au printemps, tout le monde circule et les informations sont parfois contradictoires. Je crains que le virus ne circule encore beaucoup. On a encore deux semaines avec la montagne à gravir. Rien ne dit que dans 15 jours ça va s'infléchir. Ce que l'on sait, c'est que le 17 mars le confinement strict a eu un effet net. Refaire un confinement aussi strict, je comprends très bien que ce soit compliqué. Il faut probablement trouver une demi-mesure, peut-être un 'confinement' un peu moins fort mais suffisamment clair pour que les gens adhèrent. Notre pays n'est pas prêt à faire face à une crise sanitaire de cette ampleur.
Q : Craignez-vous un épuisement de vos équipes ?
R : La première vague les a rincés. Ils sont effrayés à l'idée d'y retourner parce que c'est éprouvant. En ce moment, avec le plan blanc, personne ne peut démissionner. Mais je crains qu'à la sortie de la deuxième vague quelques-uns s'en aillent. J'ai une forte inquiétude sur les jours mais aussi sur les années qui viennent. Infirmiers, assistantes sociales, aides-soignants… S'ils s'en vont après la deuxième vague, ils ne vont pas revenir de sitôt. Non seulement ce sera compliqué s'il y a une troisième vague, mais ça va être compliqué dans deux, trois, cinq ans pour remettre à flot l'hôpital. Je suis inquiet parce qu'il n'y a pas de signal fort qui nous est envoyé.
Q : L'hôpital est-il suffisamment armé pour faire face à cette deuxième vague ?
R : On a lors de la première vague un Président [Emmanuel Macron] qui a dit qu'il soutiendrait l'hôpital +quoi qu'il en coûte+. On a eu les mesures du Ségur qui ont permis de revaloriser de manière significative les salaires des médecins et des paramédicaux. Ça reste, malgré cette revalorisation et comme on a pris beaucoup de retard, en dessous de la moyenne européenne des pays de l'OCDE. Il y a aussi les conditions de travail, c'est-à-dire avoir des effectifs suffisants pour s'occuper des patients. Un infirmier quand il a trop de boulot, il a le sentiment de ne pas bien faire son travail. Et ne pas bien faire son travail lorsqu'on est soignant, c'est compliqué.