PARIS: L'hypothèse d'une réforme des retraites via le budget de la Sécu hérisse les syndicats, qui menacent tous d'un conflit social, tandis que les ténors de la majorité affichent leurs divergences sur la meilleure manière de tenir la promesse d'Emmanuel Macron.
Quelques jours après la diffusion du rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR), les syndicats étaient invités à en discuter lundi matin au ministère du Travail. Une réunion "totalement inutile" pour Catherine Perret, négociatrice de la CGT, ressortie avec le sentiment de deux heures perdues: "C'était la retraite pour les nuls".
L'impression aussi d'une mise en scène. "On a senti qu'Olivier Dussopt rôdait les éléments de langage du gouvernement pour passer une mesure rapidement", relate le leader de la FSU, Benoît Teste.
L'avis du Comité de suivi des retraites (CSR), attendu jeudi, pourrait fournir un nouvel argument à l'exécutif pour insister sur les déficits à venir.
Quitte à "noircir la perspective financière" pour "légitimer" un recul de l'âge légal de départ ou une hausse de la durée de cotisation, devine Yvan Ricordeau. Comme ses homologues, le chef de file de la CFDT a une lecture diamétralement opposée des projections du COR: "Il n'y a pas le feu dans le système de retraites, donc ne mettons pas le feu dans le pays sur cette question".
Tous s'inquiètent d'un "coup en douce", mené "à la hussarde" dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui doit être dévoilé la semaine prochaine puis débattu au Parlement à partir d'octobre.
"Cette piste, y compris avec passage par le 49-3, n'a pas été écartée", relève le numéro un la CFTC Cyril Chabanier. Un scénario qui mettrait immanquablement "fin aux concertations", sur tous les sujets.
Ceux qui participent au Conseil national de la refondation (CNR), voulu par le chef de l'Etat, ont fait savoir qu'ils en claqueraient la porte.
Trois ans après le long bras de fer contre la dernière tentative de réforme, les syndicats se disent prêts à en découdre à nouveau. "Le gouvernement nous trouvera sur sa route", met en garde Michel Beaugas (FO), qui envisage "d'appeler à la manifestation et certainement à la grève".
Eloge de la « lenteur »
De quoi faire douter quelques poids lourds de la majorité, à commencer par François Bayrou, qui a jeté un pavé dans la mare durant le weekend en se disant "opposé au passage en force".
Non content de reprendre le vocable syndical, le patron du Modem utilise les mêmes arguments, invoquant "l'esprit du CNR" - qu'il a été chargé de piloter - et pointant le risque de "diviser la société française", même si la réforme des retraites "s'impose" selon lui.
Même au sein du parti présidentiel Renaissance, le député Karl Olive - réputé proche du président de la République - réclame "de la concertation" sur ce sujet. "Ca me choquerait que ce soit simplement l'affaire d'une discussion à l'Assemblée", ajoute même le parlementaire.
L'hésitation n'épargne pas les partisans d'Edouard Philippe: le chef des députés Horizons, Laurent Marchangieli, redoute en effet qu'une partie des Français prenne cette réforme comme une "agression".
D'autant plus qu'un budget de la Sécu ne permet pas d'avancer sur certains aspects comme la pénibilité ou les régimes spéciaux. "On ne peut pas faire une réforme des retraites entière avec un amendement", concède un membre du gouvernement.
Mais d'autres poussent pour agir vite et sans fausses pudeurs. "La lenteur n'est pas condition de réussite", lance ainsi le député Renaissance Eric Woerth. Celui qui porta, sous Nicolas Sarkozy, le recul de l'âge légal de 60 à 62 ans, appelle aujourd'hui la majorité à ne pas "vaciller ni trembloter car l'addition de demi-mesures ne fait pas une mesure".
"A un moment donné, il faut le faire", juge aussi le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve, peu amène avec les indécis: "Ceux qui vous disent qu'il faut attendre n'ont quelquefois juste pas le courage".