Rentrée à haut risque pour Emmanuel Macron!

Le président français Emmanuel Macron fait un communiqué de presse avec le Premier ministre polonais avant leur rencontre à l'Elysée à Paris, le 29 août 2022. (Photo, AFP)
Le président français Emmanuel Macron fait un communiqué de presse avec le Premier ministre polonais avant leur rencontre à l'Elysée à Paris, le 29 août 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 31 août 2022

Rentrée à haut risque pour Emmanuel Macron!

Rentrée à haut risque pour Emmanuel Macron!
  • Emmanuel Macron a affirmé qu’il faudrait faire des sacrifices et que ces derniers seraient le prix à payer pour défendre nos valeurs et nos libertés devant le totalitarisme russe
  • Il faudra au président des intuitions de génie ainsi qu’un sens exacerbé de la gestion des crises pour dépasser ces défis et les fractures sans y laisser de plumes

L’expression «à haut risque» a certes été galvaudée ces dernières années, au point qu’elle a perdu de sa force, mais cette rentrée politique et sociale représente sans aucun doute un tournant, avec des marqueurs inédits. Même sur son Jet-Ski pendant ses vacances d’été ou pendant ses bains de foule en Algérie, Emmanuel Macron a dû avoir en tête les scénarios cauchemardesques d’une rentrée sociale qui s’annonce comme explosive. 

Et pour cause… La hausse des prix des matières de première nécessité et de l’énergie, comme la stagnation des salaires des français, donne un coup dur à leur pouvoir d’achat, et les conséquences sociales seront difficiles à éviter.

Il est vrai que, avant de clore la session parlementaire, le gouvernement a fait voter des lois pour protéger les citoyens de cette inflation galopante, ou du moins pour amoindrir ses effets. Par ailleurs, si on les compare à leurs voisins européens, les Français s’en sortent relativement bien – si l’on en croit le plan de communication établi par le gouvernement pour vendre sa stratégie. 

Le président Macron, dans sa volonté de préparer les esprits aux sacrifices qui les attend, a lui-même participé à donner une tonalité dramatique à cette rentrée lorsqu’il a sonné la fin de l’ère de l’abondance.

C’est la première fois que l’exécutif adopte ce ton grave avant la rentrée. Traditionnellement, l’épaisse langue de bois qui gomme toutes les aspérités et les éléments de langages soporifiques sont de rigueur dans ce genre de circonstances. D’ailleurs, dans sa stratégie destinée à préparer les Français au pire, Emmanuel Macron a affirmé qu’il faudrait faire des sacrifices et que ces derniers seraient le prix à payer pour défendre nos valeurs et nos libertés devant le totalitarisme russe.

Or, cette rentrée s’annonce particulièrement turbulente, pour plusieurs raisons: d’abord, la totale absence de visibilité au sujet de l’éventuelle fin de ce calvaire européen et mondial. La guerre entre l’Ukraine et la Russie s’est installée dans la durée; il est difficile de gérer ses conséquences économiques et sociales dans le temps sans un agenda et un certain art de l’anticipation. Il s’agit d’une véritable guerre d’usure. Celui qui a le plus long souffle et les plus grandes capacités de résistance la gagnera.

Le président Macron, dans sa volonté de préparer les esprits aux sacrifices qui les attend, a lui-même participé à donner une tonalité dramatique à cette rentrée lorsqu’il a sonné la fin de l’ère de l’abondance.

Cette situation rend possible, voire prémonitoire, la promesse d’un troisième tour électoral qui prendrait la rue comme arène et comme théâtre d’expressions politiques. Rappelons que le premier tour  a reconduit Emmanuel Macron à l’Élysée et que le second l’a privé de sa majorité absolue, permettant une entrée massive de l’extrême droite et de la gauche radicale au Parlement. 

Ce troisième tour pourrait donc bien avoir lieu dans la rue. C’est un mauvais signe pour Emmanuel Macron, les deux forces extrémistes de l’échiquier politique, incarnées par Jean-Luc Mélenchon, chef de La France insoumise, et par Marine Le Pen, icône de l’extrême droite, ont un intérêt stratégique à insuffler de la colère et de la frustration dans les opinions. Chacun d’eux a bien l’intention de capitaliser sur ces colères afin de les instrumentaliser dans les scrutins à venir.

Cette rentrée a un goût particulier pour une autre raison. C’est la première qui se présente à Emmanuel Macron dans un contexte où le président ne peut prétendre à un troisième mandat. Ce fait n’est pas anodin, car il influence les comportements des forces censées être des alliés. Les regards ici sont tendus vers des personnalités comme François Bayrou, chef du Modem, et Édouard Philippe, dirigeant du microparti Horizons. 

Dans l’agitation prévisible et attendue des forces de l’opposition au sein du Parlement pour contester les projets du gouvernement, il n’est pas garanti que ces alliés d’Emmanuel Macron adoptent une attitude de soutien absolu comme cela avait été le cas lors de la précédente législature. Chacun va évaluer ses opportunités pour exister politiquement, indépendamment de la «Macronie», et se préparer à une nouvelle séquence dans laquelle Macron n’aura plus comme ambition que de terminer son second mandat. Cet élément de réflexion pèsera lourd dans les choix des uns et des autres: soit ils défendront avec fermeté les projets de Macron, soit ils prendront une distance opportune à leur égard.

Ainsi, entre un Parlement en ébullition, des alliés indociles, une opinion remontée à bloc pour défendre son pouvoir d’achat, le second mandat d’Emmanuel Macron s’annonce comme un véritable chemin de croix. Il faudra au président des intuitions de génie ainsi qu’un sens exacerbé de la gestion des crises pour dépasser ces défis et les fractures sans y laisser de plumes.

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.