Les derniers bombardements israéliens sur Gaza ont pris fin – ou du moins peut-on l'espérer. Cependant, le blocus se poursuit et les Israéliens profiteront de la moindre accalmie.
La flambée de violence observée au cours du week-end suscite en effet de nombreuses interrogations. Cependant, une réalité cruelle sous-tend cette affaire: s’acharner sur les Palestiniens rapporte des voix et occasionne peu de pertes sur le plan politique. Cette théorie s'applique sans aucun doute en Israël, et probablement dans d'autres pays occidentaux qui sont marqués par un racisme généralisé contre les Arabes et les Palestiniens.
Cette fois encore, les Palestiniens de Gaza, qui sont plus de deux millions, ont tous servi de chair à canon. Cela fait quinze ans qu'ils sont confinés à l'intérieur de leur cage de 365 km2. Comme l'a indiqué sur Twitter le rapporteur spécial des Nations unies sur les territoires occupés: «L'opération Breaking Dawn est un acte d'agression flagrant.»
Cette fois, les dirigeants israéliens n'ont pas pris la peine de trouver un prétexte pour mener cette campagne. On a assisté par le passé à des tirs de roquettes de la part de groupes palestiniens vers Israël. Ces derniers agissaient parfois pour des motifs personnels ou pour répondre aux provocations délibérées d'Israël, dont l'objectif était de déclencher une réaction violente.
Mais la dernière frappe revêt cette fois-ci un caractère préventif, selon les autorités israéliennes. Faute de preuves tangibles et vérifiables, d'autres hypothèses se posent. Les forces de défense israéliennes ont déclaré ce qui suit: «Puisque l'organisation terroriste du Djihad islamique à Gaza représente une menace imminente pour les civils israéliens, nous avons lancé l'opération Breaking Dawn en début de journée.» Les dirigeants israéliens se sont empressés d'annoncer l'assassinat de Tayseer al-Jabari, commandant palestinien du Djihad islamique à Gaza; il s'agissait là d'une immense victoire. Lorsque l’on songe à la notoriété de cet homme, il est d’autant plus curieux de constater qu'un porte-parole de l'armée israélienne ne se soit même pas souvenu de son nom.
Le commandant des opérations de l'armée israélienne a annoncé avoir éliminé tous les chefs de la branche militaire du groupe. Aussi ambitieuse soit-elle, cette déclaration concerne également une figure de proue influente du Djihad islamique palestinien, le commandant de la brigade sud de Gaza, Khaled Mansour. Le chef du Shin Bet (Service général de sécurité israélien, NDRL) a assuré dimanche au cabinet que l'opération avait été plus réussie que prévu.
Mais tout tourne autour des élections qui s'annoncent en Israël. Le Premier ministre, Yaïr Lapid, n'a pas à ce jour fait preuve de force. Il a donc jugé utile de faire valoir ses compétences en matière de sécurité pour faire face à l'autoproclamé «M. Sécurité», Benjamin Netanyahou, qui se place en tête des sondages. M. Lapid s'est montré lui aussi capable de bombarder Gaza sans broncher.
L’histoire se répète. En 1996, Shimon Peres a pilonné le Liban au moment où il s'efforçait de repousser un Netanyahou insurgé, sans grand succès. C'est à la fin de l'année 2008 qu'Ehud Olmert a bombardé Gaza dans le cadre d'une opération baptisée «Cast Lead» («Plomb durci», NDLR). Cette offensive s'est déroulée à la veille des élections que Netanyahou a remportées. M. Lapid a par ailleurs autorisé les juifs de prier le dimanche dans l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa pour célébrer la fête de Tisha Beav. À l’évidence, cette décision est imprudente et elle menace d'étendre les affrontements.
La leçon à en tirer est la suivante: il est impossible de défendre les intérêts de la droite plus que ne le font les partisans de cette doctrine et de se montrer plus farouche que ne le sont les faucons. Yaïr Lapid a beau essayer de surpasser Netanyahou, il n’y parviendra jamais. La seconde leçon n’a pas encore été assimilée dans la plupart des milieux: Yaïr Lapid n'est pas un partisan de la paix. Ses politiques ne se démarquent guère de celles de ses prédécesseurs, que ce soit à Gaza, à Jérusalem, à Al-Aqsa, dans les colonies ou au regard du nettoyage ethnique. Il les embellit simplement avec de belles paroles et des sourires.
Or, il ne s'agit là que d'un mirage. La sécurité d'Israël n'est pas renforcée si l'on enferme et bombarde sans relâche les Palestiniens de Gaza. L'attaque menée contre Gaza s'est probablement interrompue. Les tirs de roquettes et de mortier se sont tus. Le cessez-le-feu pourrait tenir. Mais, un jour ou l'autre, tout cela reprendra. Entre-temps, les Palestiniens devront enterrer quarante-quatre victimes et se frayer un chemin à travers les décombres de sept cents maisons démolies.
Aucun politicien israélien ne possède l'honnêteté suffisante pour admettre que la politique de son pays vis-à-vis de Gaza est un fiasco monumental. Cette dernière est tout simplement axée sur l'insécurité. Tel-Aviv préfère prolonger cet état de frayeur semi-permanent dans lequel se débat la société israélienne plutôt que de nouer une relation durable avec les habitants de la bande de Gaza.
Tout le monde partage le même sentiment à l’égard du recours d’Israël à la force militaire à Gaza, mais aussi envers le blocus imposé à la ville. Le 2 août, Israël a verrouillé ses frontières avant même le début des bombardements. La centrale électrique de Gaza a été fermée; une grande partie de la bande a donc été privée d'électricité, avec des coupures de courant allant jusqu'à vingt heures par jour.
Pourtant, le Djihad islamique est loin d'être innocent. Si ses actions ne justifient pas le crime que constitue la punition collective de Gaza, le groupe soutenu par l'Iran a mené, en 2022, des attaques en Israël, et il a cherché à provoquer ce dernier. Le rôle que joue l'Iran dans cette affaire reste difficile à déterminer.
La passivité du Hamas, en revanche, est édifiante. Les commandants israéliens attribuent la réussite de l'opération au fossé qui s'est creusé entre les deux groupes gazaouis. Les Israéliens risquent toutefois de payer un lourd tribut si le Hamas perd son emprise sur le Djihad islamique palestinien et que ce dernier se fracture davantage pour se transformer en un acteur imprévisible. Le Hamas et les dirigeants israéliens ont mis en place un certain modus vivendi.
La communauté internationale garde un silence de plus en plus lourd face à chaque agression israélienne sur Gaza. Si les États-Unis se sont contentés de suivre la situation, l'Union européenne a déclaré qu'elle suivait les événements à Gaza avec «une grande inquiétude». Cela signifie qu'elle allait se tenir les bras croisés. Aucun dirigeant européen ou américain n’a pris la peine d'interrompre ses vacances d'été.
La déclaration la plus stupéfiante, voire la plus sinistre, est venue de la ministre britannique des Affaires étrangères et candidate au poste de Premier ministre, Liz Truss. Elle a défendu de manière extraordinaire le coupable en déclarant: «Le Royaume-Uni est solidaire d'Israël et de son droit à se défendre. Nous condamnons les groupes terroristes qui ouvrent le feu sur des civils et dénonçons les actes de violence qui ont fait des victimes dans les deux camps. Nous exigeons que les violences cessent au plus vite.»
Aucun politicien israélien ne possède l'honnêteté suffisante pour admettre que la politique de son pays vis-à-vis de Gaza est un fiasco monumental.
Chris Doyle
Certains pourraient croire que c'est Gaza qui occupe Israël, que ce sont les groupes palestiniens qui ont ouvert le feu. Cette attitude s'apparente à la culpabilisation des victimes. Durant son mandat de ministre des Affaires étrangères, Mme Truss s'est refusée à critiquer le comportement ou les actions illégales d'Israël, si je ne me trompe pas. Toutefois, elle parle de crimes de guerre et préconise les sanctions lorsque la Russie se livre à des actions similaires. Le comportement de Downing Street, marqué par l'hypocrisie et le double langage, devrait alarmer le monde arabe.
Il ne s'agit pas d'un conflit à double sens entre des protagonistes de force égale; il ne s'agit pas non plus d'une guerre. Israël occupe Gaza. On parle d’assujettissement et de colonisation. Israël qui ouvre le feu sur les Palestiniens de Gaza est devenu monnaie courante – une habitude. Ce phénomène n'aurait jamais dû se banaliser. Malheureusement, c’est ce qui s'est passé.
Chris Doyle est directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique (Caabu), situé à Londres.
Twitter: @Doylech
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com