COSSWILLER : "L'architecte, c'est le soleil": à Cosswiller, dans l'est de la France, l'Heliodome, une maison économe aux allures d'immense toupie de verre et de bois, puise son énergie dans la course de l'astre pour apporter une réponse architecturale à l'urgence climatique.
La façade, orientée plein sud, est une gigantesque verrière de 160 m2 et 10 mètres de haut, quadrillée de métal. Inclinée vers le sol, elle évoque, au choix, une toile d'araignée ou un diamant.
Le toit, plat, est lui aussi incliné. A l'intérieur, un élégant escalier donne sur trois vastes niveaux, d'une superficie totale de 200 m2. Béton et bois, l'ensemble est épuré. Un piano trône au rez-de-chaussée où règne une étonnante fraîcheur pour cette fin juillet en Alsace, où le mercure tutoie les 30°.
Fraîche en été, agréable en hiver, le tout sans climatisation ni chauffage, ou presque: "Ca m'arrive parfois de faire une petite flambée" dans un poêle d'appoint, confie le concepteur de l'Heliodome (littéralement "maison solaire" dont le prix est de 2 500 euros au mètre carré), Eric Wasser, ébéniste et designer de 65 ans.
Le chauffe-eau, lui, est alimenté par les panneaux solaires sur le haut de la charpente.
«Déclic»
L'hiver, l'Heliodome couvre jusqu'à 80% les besoins thermiques, explique M. Wasser.
Le secret? Une bonne isolation (laine de bois et liège), une orientation plein sud, une bonne inertie et, surtout, la verrière et son étonnante inclinaison, pensées pour tirer le maximum du soleil en fonction de sa trajectoire, quotidienne et annuelle.
Lorsqu'il est bas en hiver, ses rayons frappent directement le verre qui profite au maximum de leur chaleur. Haut en été, ils ne peuvent directement l'atteindre, laissant la verrière dans l'ombre.
Autre paramètre crucial: la latitude, déterminante pour calculer le degré d'inclinaison de la façade. Un Heliodome en Europe du nord aura une verrière plus inclinée que dans le sud tandis qu'à l’équateur, elle sera droite, explique cet ancien meilleur ouvrier de France qui a consacré plusieurs décennies à peaufiner un concept dont il a déposé le brevet.
M. Wasser ne construira son premier Heliodome qu'une dizaine d'années plus tard, sur le terrain familial de Cosswiller, à l'ouest de Strasbourg, où il vit avec son épouse Caty, artiste-verrier.
Le couple y accueille les nombreux visiteurs intrigués par cet ovni architectural achevé en 2011, qui a longtemps peiné à conquérir un plus large public: pour l'heure, seule une dizaine d'Heliodome ont vu le jour, en France, en Suisse et en Allemagne.
Herbert Lötscher, lui, a tout de suite été emballé. "L'architecte, c'est le soleil!", s'enthousiasme cet ébéniste-designer suisse qui a fait construire il y a une dizaine d'années à Erschmatt, en Suisse à moins de 200 kilomètres du Mont-Blanc, un Heliodome de 80 m2.
"J'ai été séduit par la forme, l'idée de prendre la ligne du soleil", confie M. Lötscher, qui reconnaît que la nouveauté presque avant-gardiste de l'Heliodome peut effrayer: "Quand quelqu'un vient avec une autre forme, ça prend toujours du temps pour que les gens aient un déclic".
Autre facteur qui a pu ralentir son développement: la crédibilité technique d'un produit radicalement nouveau.
Crédibilité technique
Il était crucial de "traduire scientifiquement" les qualités thermiques de la maison avant d'engager des projets d'ampleur, explique Rémi Mammosser, qui assure depuis quelques années la promotion de l'Heliodome.
Ca a pris du temps mais "c'était impératif" pour assoir la solidité du concept face aux "contraintes administratives et techniques", insiste M. Mammosser.
Les projets, d'ailleurs, se concrétisent: outre trois maisons et l'agrandissement d'un bâtiment existant, une dizaine de lodges ainsi qu'une vaste salle de réception vont voir le jour en Savoie. Un projet d'immeuble de quatre étages pour une banque est également dans les cartons.
L'Heliodome est sur une "très bonne voie", se félicite Rémy Mammosser, convaincu que sa conception architecturale est "l'une des meilleures réponses" à l'urgence climatique.
Pour M. Wasser, l'Heliodome "nous montre exactement les accords qu'il faut trouver pour pouvoir profiter de ce que la nature" offre.