Yaïr Lapid, le Premier ministre israélien intérimaire, doit remporter une victoire s'il veut rester à son poste après les élections de novembre. M. Lapid, qui représente le centre gauche, a une certaine vision d'une solution à deux États et il pourrait faire pression en ce sens s'il conserve le pouvoir.
Contrairement à Naftali Bennett, qui adopte une philosophie dogmatique et croit que la terre de la Palestine historique appartient aux juifs et aux juifs seulement, Yaïr Lapid a une vision du monde plus pragmatique et il est convaincu que les Israéliens et les Palestiniens devraient vivre côte à côte en paix dans deux États voisins.
M. Lapid dispose d'un délai de trois mois avant les élections. S'il remporte une victoire importante en politique étrangère ou sur le plan intérieur et accède au poste de Premier ministre, ce sera un progrès pour la paix dans la région. Sa victoire serait une victoire relative pour les États arabes dont les intérêts résident dans la paix et dans la solution à deux États.
Actuellement, le sujet brûlant de la politique étrangère d'Israël est le tracé des frontières avec le Liban. Alors que le Hezbollah fait monter les enchères et menace de frapper Israël, affirmant que l'ensemble du pays est à portée de ses missiles, dans le cadre de son différend sur l'accès à des gisements de gaz naturel contestés, le chef d'état-major interarmées des forces de défense israéliennes, Aviv Kochavi, se comporte davantage comme un politicien que comme un militaire et déclare que le Liban subira des «bombardements sans précédent» si une guerre éclate.
Les tensions ont atteint leur paroxysme et il est temps de conclure un accord ou de frapper. Les deux parties préféreraient un accord, et c'est l'occasion non seulement de conclure un accord avec le Liban, mais aussi de changer le ton de la politique étrangère israélienne.
L'ancien dirigeant israélien, Benjamin Netanyahou, dont la politique étrangère et intérieure reposait sur la haine et la peur, menait une politique bien connue. Il déclarait que si les Arabes déposaient leurs armes, il n'y aurait pas de guerre, mais que si Israël déposait ses armes, il n'y aurait pas d'Israël. Cette phrase est désormais obsolète, car aucun Israélien sain d'esprit ne la croit.
Malgré le fait que la société israélienne tend vers la droite, il est possible de tirer parti de ce changement de perception pour faire pression en faveur de la paix. C’est l’occasion de montrer au public israélien qu'en prenant les bonnes décisions au bon moment avec les bonnes personnes, Israël peut assurer la sécurité de son peuple. Avec l'accord sur le Liban, Yaïr Lapid a l'occasion de montrer qu'Israël peut garantir sa sécurité par des négociations et non par une action militaire. C'est également l'occasion pour Israël de montrer qu'il peut être généreux si l'autre partie comprend et répond à ses préoccupations en matière de sécurité.
Il est temps pour M. Lapid de faire une proposition généreuse qui donnera le ton de la politique étrangère et intérieure d'Israël s'il devient Premier ministre.
Dr Dania Koleilat Khatib
Quelles que soient les menaces de son chef, Hassan Nasrallah, le Hezbollah ne veut pas de confrontation. Le groupe sait que, contrairement à ce qui s’est passé en 2006, cette fois-ci, si Israël détruit le Sud, l'argent n'affluera pas du Golfe pour la reconstruction et l'Iran, toujours techniquement sous pression maximale, ne sera probablement pas en mesure de payer la facture. Le Hezbollah acceptera donc tacitement un accord qui stabilisera les frontières et empêchera une frappe sur le Liban. Il est temps pour M. Lapid de faire une proposition généreuse qui donnera le ton de la politique étrangère et intérieure d'Israël s'il devient Premier ministre.
Israël et le Liban ne sont pas d’accord sur la ligne à partir de laquelle les négociations doivent commencer. Alors que l'équipe technique, qui relève des forces armées libanaises, veut commencer à partir de la ligne 29, les Israéliens insistent sur la ligne 23, qui a été fixée par le précédent gouvernement incompétent de Najib Mikati en 2011.
Cependant, logiquement, Israël est un pays riche et quelques centaines de kilomètres de champ gazier ne feront pas vraiment de différence. En revanche, le Liban est en crise et le gaz peut sortir le pays de sa misère, à condition que les fonds générés soient dirigés vers le développement et ne finissent pas dans les poches de politiciens corrompus.
Dans ces circonstances, au lieu d'être mesquin et de négocier sur quelques centaines de kilomètres de plus ou de moins, sur la ligne 29 ou la ligne 23, Israël devrait élargir son horizon. Il devrait penser qu'il est dans son propre intérêt d'avoir un Liban stable et prospère, car les problèmes avec ses voisins ne peuvent que l'affecter.
Yaïr Lapid devrait donc proposer qu'Israël soit prêt à faire preuve de générosité si deux conditions sont remplies. La première est la signature d'un accord de non-agression avec l'État libanais. L'accord ne constitue pas une normalisation complète, car de nombreuses questions complexes sont en jeu entre le Liban et Israël, et le Liban s'est engagé à respecter l'initiative de paix arabe qui fonde la normalisation sur la solution à deux États et sur les frontières d'avant 1967. Toutefois, il assurera la stabilité des deux pays en attendant une version de l’accord définitive et plus complète.
L'autre condition est de s'assurer que les fonds reçus par le Liban n'alimenteront pas davantage la corruption, créant ainsi plus d'instabilité. Même si une simple annonce est faite à cet égard, cela montrera de la bonne volonté et garantira à M. Lapid quelques éloges et un soutien international.
D'autre part, les pays arabes devraient accueillir favorablement une telle proposition et l'approuver, même s'ils n'ont pas de relations diplomatiques officielles avec Israël. Bien que Yaïr Lapid dispose d'un court délai de trois mois, c'est sa chance de rompre avec le passé et de donner un nouveau rythme à la politique israélienne qui posera les jalons d'une paix globale et durable.
Dania Koleilat Khatib est spécialiste des relations américano-arabes et plus particulièrement du lobbying. Elle est cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, une ONG libanaise axée sur la voie II.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com