Un réseau pro-israélien de comités d’action politique, coordonné par l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), a dépensé plus de douze millions de dollars (1 dollar = 0,98 euro) au cours de la campagne électorale actuelle en dons directs et des millions d’autres au moyen de Super PAC coordonnés, pour s’opposer à tout candidat qui remet en question la politique israélienne, selon des responsables qui surveillent le financement des élections américaines.
Dale Sprusansky, rédacteur en chef du magazine Washington Report on Middle East Affairs qui compile des données et enquête sur l’argent des comités d’action politique pro-israéliens, déclare que les montants en jeu dépassent largement l’argent dépensé pour soutenir les candidats proarabes et propalestiniens.
Il explique à Arab News que, dans de nombreux cas, les dons et les activités en lien avec l’Aipac ne concernent même pas directement Israël et se concentrent plutôt sur des questions locales qui sont déformées ou inventées pour porter atteinte aux candidats qui soutiennent la Palestine et qui critiquent les autorités israéliennes, ou qui soutiennent généralement Israël sans pour autant s’en tenir systématiquement à l’agenda pro-israélien.
«Selon nos statistiques, les montants déboursés pour la campagne actuelle s’élèvent à douze millions de dollars, mais ce n’est pas l’intégralité de l’argent sale», déclare M. Sprusansky mercredi lors de l’émission The Ray Hanania Radio Show.
«Donc – et chaque étude le montre dans cet enjeu et tant d’autres – l’argent sale est nettement supérieur à l’argent apparent. Je dirais que des centaines de millions de dollars sont dépensés pour cette campagne.»
L’Aipac ne promeut pas nécessairement des messages qui expriment un soutien direct à Israël, explique-t-il. La majeure partie de l’argent est plutôt utilisée pour attaquer les dossiers des candidats qu’il estime ne pas être suffisamment loyaux envers l’État israélien, en plus de cibler les problèmes essentiels et les politiques locales dans le but «d’affaiblir le soutien des électeurs» aux candidats auxquels il s’oppose, poursuit-il.
«Il faut beaucoup de culot pour agir comme s'ils s'en souciaient, n’est-ce pas?», renchérit Dale Sprusansky. «Ils mènent des campagnes expliquant que c’est mauvais pour les électeurs qui ont des besoins, alors que leur véritable objectif est un pays qui se trouve à l’autre bout du monde. Ils ne se soucient pas de leurs électeurs et c’est donc extrêmement malhonnête.»
«Probablement que dans des districts perçus comme très sionistes, comme le sud de la Floride, New York et la Californie, vous verrez des campagnes mentionner Israël. Mais, pour le reste du pays – 90 % des districts –, aucune campagne pro-israélienne ne mentionnera Israël.»
«Ils savent que l’Américain moyen va se demander pourquoi ils évoquent Israël alors qu’il fait lui-même face à une multitude de problèmes en tant qu’Américain. Telle est donc leur stratégie: vous pousser à vous révolter contre une cause différente de celle pour laquelle ils vous incitent à voter.»
M. Sprusansky décrit ces méthodes comme «trompeuses et malhonnêtes».
L’estimation des montants de l’Aipac n’inclut pas les millions récoltés par un autre PAC affilié, appelé United Democracy Project (UDP), qui ne mentionne jamais directement Israël dans ses messages, mais vise tout candidat qui n’adopte pas un programme pro-israélien.
L’une des personnes ciblées était l’ancienne représentante Donna F. Edwards, qui a siégé dix ans au Congrès, mais a démissionné en 2017 pour se lancer dans une course infructueuse au Sénat du Maryland. Lorsqu’elle a tenté de revenir au Congrès lors des élections pour le 4e district du Congrès du Maryland cette année, elle a été battue au cours des primaires démocrates le 19 juillet par Glenn Ivey.
Dale Sprusansky déclare que l’UDP a dépensé plus de six millions de dollars en campagnes de dénigrement visant l’ancienne représentante Edwards. Ces dernières l’accusent d’avoir menti aux électeurs au sujet de son bilan sur les questions américaines classiques. Glenn Ivey, quant à lui, est considéré comme un fervent partisan d’Israël.
«Si vous consultez le bilan de Donna Edwards (sur la Palestine), vous remarquerez qu’il est meilleur que la plupart des membres du Congrès, mais il n’est pas exceptionnel. Elle n’est ni Rachida Tlaib ni Ilhan Omar», affirme M. Sprusansky.
«Elle a voté pour soutenir Israël à plusieurs reprises, mais elle a fait plusieurs déclarations qui n'étaient pas tout à fait conformes à la ligne. Lorsque vous ne respectez pas la politique à la lettre, vous êtes mauvais sur toute la ligne et vous pouvez vous attendre à ce que six millions de dollars soient versés contre vous lors d’une campagne électorale locale.»
Dale Sprusansky aborde également les primaires démocrates qui devraient se tenir le 2 août dans le Michigan et au cours desquelles plusieurs candidats sont ciblés par l’Aipac, l’UDP et autres sources d’«argent sale». Il s’agit notamment de la candidate palestinienne, Huwaida Arraf, dans le 10e district, du membre du Congrès juif américain, Andy Levin, dans le 11e, et de la députée palestinienne, Rachida Tlaib, dans le 12e.
M. Levin est très modéré et soutient la «solution à deux États, que beaucoup considèrent comme perpétuant le statu quo et l’injustice», note M. Sprusansky. «L’Aipac a d’abord soutenu la solution à deux États, mais la considère désormais comme étant en quelque sorte anti-israélienne. Les dés sont en grande partie déjà pipés avant même que vous n’arriviez aux urnes.»
L’approche de financement stratégique de l’Aipac vis-à-vis des élections américaines est à la fois légale et efficace, en plus de dépasser largement les dons proarabes, déclare-t-il.
«Pourquoi un responsable local, un membre du conseil municipal ou un membre du conseil scolaire adopterait-il une résolution soutenant Israël à Gaza, qui se trouve à plus de quatorze mille kilomètres de la petite circonscription électorale où il a un bureau?», s’interroge Dale Sprusansky.
«Cela se produit de diverses manières. De nombreux candidats sont abordés, très tôt dans leur carrière, par des groupes pro-israéliens et ils deviennent des militants, des élus municipaux et, à l’échelle la plus locale, des membres du conseil scolaire.»
«Souvent, ils sont abordés par des groupes comme l’Anti-Defamation League, entre autres. Ils commencent à leur inculquer lentement leurs points de vue. Ils partent alors du jour au lendemain en voyage en Israël – gratuit, tous frais payés. Ils se rendent alors très vite compte qu’être pro-israélien est bon pour collecter des fonds et éviter les ennuis.»
«Dans le cas de Donna Edwards, ce ne sont pas seulement six millions de dollars qui ont été dépensés contre elle. Elle a également fait l’objet de campagnes de dénigrement et c’est un double coup dur quand vous n’êtes pas soutenu par l’argent pro-israélien.»
Selon une analyse de sept pages publiée dans le Washington Report on Middle East Affairs de ce mois-ci, l’Aipac aurait fait don de plus de 100 000 dollars et jusqu’à 892 000 dollars à vingt-cinq candidats lors de campagnes électorales dans les États de l’Ohio, du Michigan, de New York, de la Virginie, du Maryland, du Texas, de l’Illinois et du New Jersey.
Parfois, les dons sont destinés à adoucir l’opposition, comme dans le cas des membres du Congrès de l’Illinois Jesus Garcia, qui a reçu 19 600 dollars de l’Aipac, et Danny K. Davis, qui a reçu 56 484 dollars. Tous deux se présentent aux Arabes américains comme soutenant les droits des Palestiniens.
The Ray Hanania Show est une émission diffusée sur WNZK AM 690 chaque mercredi dans la grande région de Détroit et certaines parties de l’Ohio et sur WDMV AM 700 dans la capitale américaine, Washington, y compris quelques régions de la Virginie et du Maryland. Elle est rediffusée les jeudis à 7 heures (heure de l’Est) sur WNZK AM 690 à Détroit et à midi à Chicago sur WNWI AM 1080.
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com