PARIS: La pandémie de Covid-19 n'est pas terminée, mais le Conseil scientifique s'apprête à tirer sa révérence fin juillet, après quasiment deux ans et demi d'activité, sur d'ultimes recommandations et quelques enseignements.
Né mi-mars 2020, sur demande d'Emmanuel Macron, ce comité ad hoc d'une dizaine de scientifiques, présidé par le professeur Jean-François Delfraissy, sortira de scène le 31 juillet. La France en finira alors officiellement avec l'état d'urgence sanitaire, alors que la septième vague épidémique semble en phase descendante et que l'exécutif martèle qu'il faut apprendre à "vivre avec" le virus.
L'ultime avis du Conseil scientifique, une cinquantaine de pages publiées mercredi et intitulées "vivre avec les variants", ne se veut ni "un testament, ni un retour d'expérience alors même que l'épidémie n'est pas terminée", mais plutôt une "boussole".
Pendant deux ans et quatre mois, assortis de "plus de 300 réunions" et de multiples interventions dans les médias, ses membres ont délivré des conseils, notamment près de 90 avis ou notes sur la situation sanitaire et les moyens de contrer les vagues épidémiques.
Des infectiologues, épidémiologistes, soignants, spécialistes des sciences humaines (anthropologue, sociologue), renforcés au bout de quelques mois par six autres experts (gériatre, vétérinaire, pédopsychiatre...) ont fait un exercice délicat et parfois controversé, entre science, pédagogie, et gestion sanitaire.
"Un groupe très uni" qui a "partagé beaucoup de défaites mais aussi de succès", a entretenu "des relations parfois complexes avec le politique" et cultivé son "indépendance", a "progressivement appris à avoir de l'humilité et à dire, à certains moments, qu'on ne savait pas", a résumé le Pr Delfraissy lors d'une conférence de presse virtuelle aux airs d'"au revoir".
L’exécutif est loin d'avoir toujours suivi leurs préconisations, ou alors à retardement pour certains confinements. Il a aussi tardé plusieurs fois à diffuser ses avis.
Deux ans et demi après le début d'une "crise inédite", le Conseil esquisse des scénarios pour les prochains mois, car la pandémie "n'est pas terminée".
Pour l'instance sanitaire, une diminution progressive de l’impact du SARS-CoV-2 est envisageable, grâce à l'immunité de la population post-vaccinations et post-infections, mais avec des "pics de circulation du virus à court terme".
"Passer la main"
Il alerte parallèlement sur plusieurs "points d'attention": le "problème de santé publique" des Covid longs, la santé mentale, "un épuisement de l'hôpital" aux "effets délétères sur les soins" et sur la riposte à de futures vagues épidémiques, la situation des "fragiles et précaires", immunodéprimés, âgés.
"Certains groupes de population ont été et restent particulièrement exposés au risque de formes graves", a souligné l'anthropologue Laetitia Atlani-Duault, plaidant notamment pour une "bulle de protection" pour les immunodéprimés. Et "on reste très préoccupés pour la santé psychique des adolescents et jeunes adultes", a déclaré la pédopsychiatre Angèle Consoli.
La situation Outremer mais aussi dans les pays les plus pauvres reste également préoccupante, selon le Conseil.
Après fin juillet, un "comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires", au-delà du Covid, doit prendre le relais.
Comme "les risques évoluent", "non seulement infectieux mais aussi liés à la qualité de l'air, de l'eau et de la terre, à l'impact du changement climatique", le ministre de la Santé François Braun juge "indispensable (...) un comité pérenne, constitué de diverses disciplines scientifiques" et suivant l'approche "One Health", "qui considère ensemble la santé humaine, animale, végétale dans un environnement sain", selon son cabinet.
Le gouvernement doit encore formaliser la création, a priori par décret, et la composition de cette instance placée auprès des ministres de la Santé et de la Recherche. Il n'est pas exclu que certains membres du Conseil scientifique en fassent partie.
L'instance sanitaire insiste, dans son dernier avis, sur la "multidisciplinarité" souhaitable du futur comité, l'importance des sciences humaines et sociales ou les liens avec la recherche.
Il suggère par ailleurs la création à l'automne d’un "Conseil de la Science", un groupe de scientifiques de haut niveau, pour éclairer l'exécutif "sur les avancées de la Science, et ce, indépendamment des crises".
Le pilote du successeur du Conseil scientifique n'est pas encore connu, mais ce ne sera assurément pas Jean-François Delfraissy.
"Je ne pense que Covid depuis 24 mois, il est temps qu'il y ait une vision nouvelle, c'est le moment de passer la main", a glissé fin juin cet immunologiste qui restera l'une des figures de la crise sanitaire.