Non seulement le clivage au sein de l'establishment politique iranien est récemment plus évident, mais la dissidence publique contre l'establishment politique continue également à augmenter, ce qui représente une menace importante pour le maintien au pouvoir des clercs.
La semaine dernière, le régime a arrêté plusieurs personnalités de premier plan, dont Mostafa Tajzadeh, l'un des réformateurs politiques les plus connus d'Iran, qui était vice-ministre de l'Intérieur sous l'administration de l'ancien président Mohammed Khatami. Les autorités iraniennes l'ont accusé de «conspiration contre la sécurité du pays» et inculpé pour «diffusion d’idées erronées visant à perturber l'esprit public». Tajzadeh, qui a récemment critiqué le Guide suprême, Ali Khamenei, a déjà été disqualifié de la course à la présidence par le Conseil des gardiens du régime.
Deux cinéastes notoires, Mohammed Rasoulof et Mostafa al-Ahmad, ont également été arrêtés et accusés d’«association avec la contre-révolution», ainsi que de «perturbation de la sécurité psychologique de la société».
De tels développements indiquent que le régime iranien craint sérieusement un éventuel soulèvement ou une révolte contre l'establishment politique. Après tout, le régime a été secoué par plusieurs contestations majeures ces dernières années. Dans les derniers jours de 2017, des protestations ont éclaté dans la deuxième ville la plus peuplée d'Iran, Machhad, et se sont immédiatement étendues à des dizaines d'autres, le changement démocratique étant le cri de ralliement. Un autre soulèvement en novembre 2019 a représenté un défi encore plus grand pour le régime clérical. Terrifiées par l'ampleur et le caractère organisé de ces protestations, les autorités ont ouvert le feu sur les foules, tuant près de 1 500 personnes.
Si critiquer la fonction présidentielle est devenu courant parmi les législateurs iraniens et les médias contrôlés par l'État, pointer du doigt le Guide suprême est considéré comme un tabou par les politiciens de tout l'éventail politique, y compris les modérés, les réformistes et les partisans de la ligne dure.
Le président iranien, Ebrahim Raïssi, qui est largement considéré comme le religieux qui succédera à Khamenei en tant que Guide suprême, a également été la cible de critiques de la part de responsables gouvernementaux. La pauvreté, le chômage et l'inflation ont atteint des sommets sous sa présidence. Même Mostafa Eghlima, un expert en travail social pour le gouvernement iranien, a récemment mis en garde contre une éventuelle révolte.
Il a écrit: «Ces derniers mois, une partie de la communauté a, chaque jour, protesté contre ses conditions de vie. Les enseignants et les retraités en faisaient partie. Il en va de même pour d'autres groupes professionnels. Les gens ne peuvent tolérer cette situation et, si elle perdure, il faudra attendre l’insurrection des affamés. Si cette situation se poursuit, les personnes qui souffrent de famine se rebelleront certes l’année prochaine – si ce n’est cette année.»
Au lieu de répondre aux doléances de la nation, les autorités ont recours à leur modus operandi de répression de l'opposition.
Dr Majid Rafizadeh
Malheureusement, le régime continue de dépenser les richesses de la nation pour ses milices et ses groupes terroristes à travers le Moyen-Orient, ainsi que pour financer l'aventurisme militaire du Corps des gardiens de la révolution islamique et de sa branche d'élite, la force Al-Qods, qui mène des opérations au-delà des frontières de l'Iran afin d'exporter et de faire progresser les idéaux révolutionnaires du régime.
En fait, les dirigeants iraniens n'ont apporté que peu ou pas de réponse aux demandes du peuple pour une politique économique qui réduise l'écart entre leurs revenus stagnants et le coût croissant de la vie.
Au lieu de répondre aux doléances de la nation, les autorités ont recours à leur modus operandi de répression de l'opposition. Le régime déploie fréquemment ses forces de police et de sécurité pour utiliser des gaz lacrymogènes et des matraques et tirer à balles réelles sur les manifestants, ce qui a généralement pour conséquence de blesser ou de tuer des innocents.
Dans son dernier rapport sur la situation des droits de l'homme en Iran, l'Organisation des Nations unies a reconnu et exprimé son inquiétude quant à l'usage excessif de la force par le régime: «Les violations du droit à la vie qui seraient commises par l'État, vont des exécutions arbitraires, l’usage de la force meurtrière par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques et passeurs de frontières, jusqu’aux détenus qui meurent en détention du fait de la torture ou parce qu’ils sont privés de soins médicaux», a-t-elle rapporté le mois dernier.
De nombreux Iraniens ont demandé à la communauté internationale, en particulier aux puissances occidentales, de les aider à lutter contre la théocratie du régime et à mettre en place un système de gouvernance démocratique. Par exemple, le mois dernier, les défenseurs des droits de l'homme Narges Mohammadi et Alieh Motallebzadeh ont rédigé un message depuis la tristement célèbre prison pour femmes de Qarchak à la branche de Melbourne de l'association d'écrivains PEN International: «Les politiques internationales coûteuses du régime ont paralysé les fondements économiques du pays et la répression sociale et politique a affaibli la société civile […]. Nous attendons de vous et de la communauté internationale que vous souteniez les efforts de la société civile iranienne et de ses militants de toutes les manières possibles.»
L'une des méthodes les plus efficaces pour contrer le régime iranien consiste, pour les décideurs occidentaux, à soutenir les militants et la société civile, et à faire savoir clairement qu'ils soutiennent tout effort du peuple iranien visant à faire barrage à la répression étatique et à défendre la démocratie.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.