Joe Biden devrait tenir compte des inquiétudes arabes concernant le danger iranien

Le Corps des gardiens de la révolution iranienne a pris part à des campagnes militaires dévastatrices dans la région (Photo, AFP).
Le Corps des gardiens de la révolution iranienne a pris part à des campagnes militaires dévastatrices dans la région (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 15 juillet 2022

Joe Biden devrait tenir compte des inquiétudes arabes concernant le danger iranien

Joe Biden devrait tenir compte des inquiétudes arabes concernant le danger iranien
  • Pendant son séjour en Arabie saoudite, M. Biden rencontrera les dirigeants saoudiens et assistera à un sommet des dirigeants du CCG, en plus de l’Égypte, de l’Irak et de la Jordanie
  • L’approche des négociateurs iraniens est de gagner du temps tout en faisant semblant de parler

Avant sa visite prévue en Arabie saoudite, le président américain, Joe Biden, a rédigé un éditorial encourageant pour le Washington Post, soulignant l’importance du Moyen-Orient pour la sécurité nationale des États-Unis et le rôle vital du Royaume dans la stabilité régionale.

Il a promis d’«entamer un nouveau chapitre plus prometteur en matière d’engagement américain» dans la région et de «renforcer un partenariat stratégique […] basé sur des responsabilités et des intérêts mutuels» avec l’Arabie saoudite.

Cependant, M. Biden espère toujours relancer l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 en augmentant «la pression diplomatique et économique jusqu’à ce que l’Iran soit prêt à se conformer de nouveau au pacte». Il se targue d’avoir isolé l’Iran à l’échelle internationale, mais fait fi des inquiétudes croissantes de l’Agence internationale de l’énergie atomique concernant le programme nucléaire de Téhéran.

L’article ne fait que brièvement allusion à la guerre par procuration de l’Iran – une question qui préoccupe au plus haut point les dirigeants arabes, du Golfe au Levant.

Le président américain peut se faire une idée nette de cette triste réalité avant même d’atterrir à Djeddah en prenant un vol direct depuis Tel-Aviv. Les récits israélien et palestinien sur le conflit diffèrent, mais les dirigeants des deux côtés pourraient être d’accord sur le rôle du Hamas en tant qu’instigateur actuel.

Ce prodige iranien tire de manière récurrente des munitions de fabrication iranienne depuis la bande de Gaza vers Israël, entraînant des représailles israéliennes disproportionnées et causant la perte de vies précieuses des deux côtés.

Pendant son séjour en Arabie saoudite, M. Biden rencontrera les dirigeants du Royaume et assistera à un sommet des dirigeants du Conseil de coopération du Golfe, en plus de l’Égypte, de l’Irak et de la Jordanie. Les interactions à cette occasion pourraient lui permettre d’en savoir plus sur la gravité du danger que la guerre par procuration de l’Iran et la quête de missiles balistiques et d’armes nucléaires font peser sur la région.

Les troubles causés par la guerre en Irak et aggravés par le soi-disant printemps arabe ont accentué ce danger. Une série d’erreurs de calcul américaines ont également leur part de responsabilité. C’est une histoire familière, du moins pour les gens de la région.

Avec «Mort à l’Amérique» comme objectif déclaré, l’Iran et ses mandataires ont causé des ravages dans le monde arabe. L’Arabie saoudite, le Yémen, l’Irak, la Syrie et l’Égypte ont tous beaucoup souffert aux mains du régime de la République islamique. Le Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran et le Hezbollah – son mandataire libanais – ont directement attaqué les intérêts américains dans la région et sont à l’origine d’une série d’assassinats et d’enlèvements à l’échelle internationale.

Malgré cela, lorsqu’il s’est avéré que l’Iran développait des armes nucléaires, l’administration Obama a récompensé Téhéran avec un accord nucléaire en 2015.

La guerre au Yémen a commencé la même année, alors que l’Iran incitait la milice houthie à se rebeller contre son gouvernement légitime et à mettre en danger la sécurité saoudienne dans les années à venir. Pourtant, au lieu d’aider le Royaume à protéger ses infrastructures critiques contre les attaques de missiles et de drones houthis, l’administration Biden a choisi de radier cette milice de la liste d’organisations terroristes. Elle a également retiré des batteries de missiles Patriot d’Arabie saoudite.

Enhardis, les Houthis ont ainsi élargi l’agression parrainée par l’Iran aux Émirats arabes unis au début de cette année. Même l’administration Trump, qui s’était pourtant retirée de l’accord sur le nucléaire, n’a rien fait en réponse à l’attaque de missiles et de drones iraniens de 2019 contre les principales raffineries de pétrole du Royaume à Abqaïq et Khurais.

L’Arabie saoudite et les États-Unis ont une histoire glorieuse longue de huit décennies. Ces liens ont eu des répercussions importantes sur la politique mondiale, comme la défaite du communisme soviétique auparavant et du terrorisme mondial plus récemment.

Le Royaume s’attend donc naturellement à ce que les États-Unis le soutiennent pour faire face au danger mortel posé par l’Iran, qui ne se limite pas à la guerre par procuration, mais s’étend également à la quête de missiles balistiques et d’armes nucléaires. Comme l’Agence internationale de l’énergie atomique l’a récemment indiqué, l’Iran est désormais plus proche que jamais de devenir une puissance nucléaire et viole également ouvertement son régime de surveillance.

Le comportement régional et international agressif de l’Iran au cours des quatre dernières décennies est basé sur la nature structurelle et les racines idéologiques de son régime clérical.

Par conséquent, l’objectif de M. Biden de relancer l’accord nucléaire sans entraves efficaces à la capacité de missiles balistiques de l’Iran et aux activités malveillantes dans la région est tout à fait déplacé. Il a cependant raison d’apprécier la «nouvelle ambiance» prometteuse au Moyen-Orient dans son éditorial.

Ces évolutions positives incluent des affinités croissantes entre l’Arabie saoudite, l’Égypte et le Qatar, la normalisation des relations jusqu’ici sordides de la Turquie avec les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et l’Égypte, ainsi que la reprise du dialogue entre les Émirats arabes unis et la Syrie.

Au Yémen, la transition politique menée par les Saoudiens, l’application du cessez-le-feu et les efforts de secours humanitaire ont également accru les chances de mettre fin à la guerre de sept ans. Les accords d’Abraham ont élargi la portée de la structure de sécurité régionale au Moyen-Orient, réduisant ainsi le fardeau sécuritaire qui pesait sur les États-Unis.

 «Un accord de défense stratégique global serait la bonne mesure à prendre pour que l’Iran ne puisse en aucun cas mettre en danger la paix et le progrès de ses voisins arabes.» – Dr Ali Awadh Asseri

Grâce à l’initiative Vision 2030 du prince héritier, Mohammed ben Salmane, l’Arabie saoudite a également radicalement changé depuis la dernière visite de M. Biden en 2015. Les réformes ont touché presque tous les aspects de la vie sociale et débarrassent petit à petit l’économie de sa forte dépendance au pétrole.

D’autres pays du Golfe poursuivent également leurs propres visions nationales de libéralisation sociale et de diversification économique. Ce désir arabe collectif de paix et de progrès contraste fortement avec la soif imprudente de guerre et de régression de l’Iran.

L’Arabie saoudite et les États-Unis ont fait preuve de suffisamment de résilience pour surmonter des problèmes temporaires comme l’embargo pétrolier de 1973 et les frictions récentes. L’initiative Vision 2030 propose des possibilités considérables de financement et d’expertise du secteur privé américain en matière d’infrastructures à grande échelle, de développement et d’entrepreneuriat.

Au-delà de consolider les liens économiques, parvenir à un consensus sur des questions mondiales comme l’énergie, le climat et la sécurité alimentaire n’est pas non plus un problème. Le vrai défi, cependant, est de savoir comment faire face au danger menaçant de l’Iran, qui est sur le point de se doter de l’arme nucléaire.

Le sommet de Djeddah, qui réunit les dirigeants des États-Unis, du CCG et des pays arabes, marquera l’histoire s’il adopte des mesures concrètes pour repousser efficacement le militarisme iranien, la guerre par procuration et la menace nucléaire.

Un accord de défense stratégique global serait la bonne mesure à prendre pour que l’Iran ne puisse en aucun cas mettre en danger la paix et le progrès de ses voisins arabes. C’est la condition première pour le Moyen-Orient stable et intégré auquel Biden aspire également et qui pourrait très bien définir son héritage présidentiel.

Cela ne veut pas dire que le monde arabe doit exclure l’option de la diplomatie avec l’Iran. Cependant, l’expérience saoudienne à cet égard n’est pas si gratifiante. Il y a eu des moments où des dirigeants politiques soi-disant réformistes étaient à la tête de l’Iran.

À chaque fois, le Royaume a tendu un rameau d’olivier, mais en vain. Le problème est que les leviers du pouvoir en Iran reposent en réalité sur le guide suprême et le Corps des gardiens de la révolution islamique. L’Arabie saoudite et l’Iran ont tenu cinq séries de pourparlers sur la sécurité à Bagdad depuis l’année dernière, mais sans aucun résultat positif. Les Iraniens se sont retirés unilatéralement de ces pourparlers avant le cinquième tour, puis y sont retournés quand cela leur a semblé bon.

Le seul moyen pour qu’un dialogue soit couronné de succès est que chaque partie soit honnête, transparente et disposée à faire des compromis et à résoudre les différends. Trop souvent, l’Iran n’a engagé le dialogue avec ses voisins que lorsqu’il était confronté à l’isolement international.

L’intérêt pour le dialogue s'estompe dès que la pression mondiale retombe. Dans les pourparlers nucléaires actuellement au point mort, l’approche évidente des négociateurs iraniens est de gagner du temps tout en faisant semblant de parler; ou d’exiger des concessions impossibles à satisfaire, comme leur dernière demande que les États-Unis retirent le Corps des gardiens de la révolution islamique de la liste des organisations terroristes.

La seule leçon que nous pouvons tirer ici est que les dirigeants iraniens préfèrent toujours la guerre à la diplomatie, comme ils le font depuis 1979. Ils ne sont pas à l’abri de la persuasion et ne succombent que sous pression maximale.

Pourtant, comme M. Biden pourrait soutenir lors du sommet, on devrait laisser à la diplomatie sa chance. Le scénario de test pourrait être le Yémen, où l’Arabie saoudite a facilité le cessez-le-feu et la transition politique parrainés par l’ONU et, avec les Émirats arabes unis, a fourni le soutien financier et humanitaire nécessaire à la nation ravagée par la guerre.

En aidant et en armant la milice houthie, l’Iran a non seulement mis le feu au Yémen, mais a également perturbé la paix au Royaume au moyen d’attaques de missiles et de drones. L’Iran devrait laisser aux Yéménites le soin de régler leurs problèmes à l’amiable et d’établir un gouvernement de leur choix. Reste à savoir s’il le fera.

Le Dr Ali Awadh Asseri a occupé le poste d’ambassadeur d’Arabie saoudite au Pakistan de 2001 à 2009 et au Liban de 2009 à 2016. Il est membre du conseil d’administration de l’Institut international d’études iraniennes (Rasanah). Il est titulaire d’un doctorat en économie de l’Université arabe de Beyrouth et auteur du livre Combating Terrorism: Saudi Arabia’s Role in the War on Terror («Combattre le terrorisme: le rôle de l’Arabie saoudite dans la guerre contre le terrorisme»), Oxford, 2009.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com