Le recentrage africain de l'Alliance atlantique

Le Premier ministre britannique Boris Johnson, le Premier ministre japonais Fumio Kishida, le président américain Joe Biden, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen Charles Michel, le chancelier allemand Olaf Scholz, le Premier ministre italien Mario Draghi, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et le président français Emmanuel Macron assistent à la dernière séance du sommet du G7 au château d'Elmau, dans le sud de l'Allemagne, le 28 juin 2022 (Photo, AFP).
Le Premier ministre britannique Boris Johnson, le Premier ministre japonais Fumio Kishida, le président américain Joe Biden, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen Charles Michel, le chancelier allemand Olaf Scholz, le Premier ministre italien Mario Draghi, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et le président français Emmanuel Macron assistent à la dernière séance du sommet du G7 au château d'Elmau, dans le sud de l'Allemagne, le 28 juin 2022 (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Lundi 11 juillet 2022

Le recentrage africain de l'Alliance atlantique

Le recentrage africain de l'Alliance atlantique
  • Le recentrage de l'Alliance atlantique vers l'Afrique du Nord et de l'Ouest a constitué une surprise pour les observateurs de la géopolitique régionale
  • L'invitation de la Mauritanie au dernier sommet de l'Otan et la présence du Sénégal au sommet du G7 qui avait lieu en Bavière illustrent cet intérêt manifeste pour l'Afrique occidentale atlantique

Les trois sommets consécutifs du conseil de l'Europe, du G7 et de l'Otan, qui ont eu lieu récemment, annoncent des mutations et des changements géopolitiques qui sont en gestation depuis la guerre en Ukraine.


L'enjeu principal qui a émergé lors de ces assemblées était essentiellement le renforcement du système de sécurité atlantiste sur les fronts principaux de l'espace européen: la péninsule Scandinave et la rive atlantique ouest-africaine .


Si la candidature de la Finlande et la Suède à l'Otan était annoncée et qu’elle a été bien accueillie, le recentrage de l'Alliance atlantique vers l'Afrique du Nord et de l'Ouest a constitué une surprise pour les observateurs de la géopolitique régionale.


La tendance perceptible depuis quelques mois était le désengagement occidental des zones de tension au Sahel, illustré par le retrait militaire français du Mali, l'échec de la perspective d'intervention européenne dans cette zone connue sous le nom de «Takuba» et le repliement de la base américaine de lancement des drones à Agadez, au Niger.


Deux nouvelles dynamiques ont cependant conduit à infléchir cette tendance dans le sens d'un intérêt soudain pour l'Afrique du Nord et de l'Ouest: la présence militaire russe en voie d'accroissement dans la région (de la Libye au Mali) et les aléas de la crise énergétique mondiale, qui ont orienté l'attention sur les opportunités des marchés d'hydrocarbures ouest-africaines (du Nigeria au fleuve du Sénégal).


Rabat, la capitale du Maroc, a accueilli le 8 juin 2022 la 1re réunion interministérielle des États atlantiques africains (vingt et un pays), particulièrement suivie par les États-Unis et l'Union européenne. Ce bloc géologique de grande ampleur pèsera lourd sur les politiques continentales et consacre déjà la montée en puissance de l'aile africaine dans l'espace atlantique.


L'invitation de la Mauritanie au dernier sommet de l'Otan, qui s’est tenu à Madrid le 28 juin, et la présence du Sénégal au sommet du G7 qui avait lieu en Bavière illustrent cet intérêt manifeste pour l'Afrique occidentale atlantique, appelée à jouer un rôle de premier plan dans les stratégies de sécurité collective atlantiste.


Si le souci des États européens dans la région reste centré sur les dossiers de l'immigration illégale, du terrorisme et du crime organisé, les États-Unis accordent une importance cruciale aux enjeux stratégiques mondiaux, particulièrement aux défis issus de la présence chinoise et russe accrue en Afrique.


Si le rôle chinois en Afrique est essentiellement cantonné aux sphères économiques et commerciales (l'investissement dans les infrastructures portuaires et routières ainsi que dans les gisements miniers et pétroliers), la Russie nourrit une ambition claire pour ressusciter son influence traditionnelle en Afrique, surtout dans les zones qu'elle a conquises lors de la guerre froide.

Si le rôle chinois en Afrique est essentiellement cantonné aux sphères économiques et commerciales, la Russie nourrit une ambition claire pour ressusciter son influence traditionnelle en Afrique, surtout dans les zones qu'elle a conquises lors de la guerre froide.

Seyid Ould Abah

Les deux puissances non occidentales ont tiré profit des défaillances des politiques de coopération économique et militaire européennes en Afrique. La France, notamment, qui considère l'Afrique de l'Ouest comme son pré carré, a constamment essuyé ces dernières années de cuisants revers dans sa gestion sécuritaire des problèmes liés au danger terroriste dans la région.

Cette débâcle a engendré un large sentiment de mécontentement et de ressentiment vis-à-vis de l'ancien colonisateur, et la Russie s'est engouffrée dans cette brèche en vantant ses exploits en matière de lutte contre le radicalisme violent et contre les mouvements séparatistes.

L'Alliance atlantique, qui a vu le jour en 1949, était axée au départ sur la zone nordique européenne.

Seyid Ould Abah

La nouvelle doctrine stratégique de l'Otan vise à pallier les dysfonctionnements des politiques sécuritaires européennes en liant les objectifs militaires aux programmes d'aide alimentaire et économique ainsi qu'aux projets d'appui institutionnel face à la dégénérescence aggravée des structures administratives de l'État africain.


L'Alliance atlantique, qui a vu le jour en 1949, était axée au départ sur la zone nordique européenne; elle s'est sensiblement élargie à l'Europe de l'Est après la guerre froide tout en perdant sa vocation légitime initiale de coalition militaire et stratégique contre le danger soviétique.


Avec la nouvelle guerre d'Ukraine, l'Alliance atlantique a renoué avec son projet géopolitique, le remodelant aux enjeux mondiaux actuels. Le partenariat euro-américain se trouvant renforcé après une période d'incertitude, l'Otan est aujourd'hui sommée de mener une rude bataille de positionnement et d'engagement dans son espace vital direct.


Les deux zones de la Méditerranée orientale et de l'Afrique du Nord et de l’Ouest sont désormais impliquées dans cette nouvelle configuration géopolitique.

 

Seyid Ould Abah est professeur de philosophie et sciences sociales à l’université de Nouakchott, Mauritanie, et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l’auteur de plusieurs livres de philosophie et pensée politique et stratégique.

TWITTER: @seyidbah

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français