BEYROUTH : En s'abstenant de publier les nouvelles pendant une journée, le quotidien libanais An Nahar a créé l’événement. Sa campagne intitulée «Édition des élections» (The Election Edition) du 2 février 2022 a remporté cette semaine le grand prix au Festival international de la créativité Lions Cannes ainsi que plusieurs autres prix aux Dubai Lynx Awards et aux Caples Awards, entre autres.
L’«Édition des élections», proposée par le journal libanais An Nahar et par le groupe de communication et marketing de Dubai Impact BBDO, a reçu cette semaine le Grand Prix dans la catégorie «Print and Publishing» («Impression et édition») du Festival international de la créativité Lions Cannes.
Préparée par An Nahar, cette «Édition des élections» n’a jamais été imprimée. Le journal a en effet décidé de ne pas paraître le 2 février afin de mettre en lumière les manœuvres des responsables du gouvernement libanais destinées à annuler les élections parlementaires prévues en raison d'une pénurie de papiers et d’encre. An Nahar à cesser de publier pendant une journée et le matériel économisé a été alloué pour créer des bulletins de vote.
Jeune rédactrice en chef et PDG du quotidien libanais et panarabe An Nahar, Nayla Tuéni a fait face à plusieurs défis, de la crise des journaux papier qui a commencé en 2017 à la crise financière au Liban, en passant par la Covid-19, notamment, mais rien ne l’a empêchée de poursuivre ce qu’elle avait commencé.
À un très jeune âge, Nayla, qui porte un lourd héritage après l’assassinat de son père, Gébrane Tuéni, il y a seize ans, et le décès de son grand-père, a pris en charge An Nahar, un quotidien renommé au Liban et dans la région arabe. Très tôt, elle a dû apprendre à s’adapter.
«J’ai assisté à un changement en profondeur: au départ, il s’agissait d’un journal papier qui était diffusé sur le site Internet sous la forme d’un simple PDF. Il est devenu ensuite un site d’information continue. Ce n’était pas simple de s’adapter et de travailler avec le développement croissant des informations qui circulent sur les réseaux sociaux», nous confie-t-elle.
En effet, le journalisme se trouve confronté à de nombreux défis en raison de la présence des réseaux sociaux sur lesquels les gens, tout au long de la journée, partagent toutes sortes d’informations.
Ce changement a poussé An Nahar à se moderniser. Il a utilisé de nouveaux moyens, comme les vidéos et les réseaux sociaux, et est parvenu à s’adapter aux aspirations de la jeunesse tout en combattant la diffusion des fake news.
La démarche de Nayla Tuéni a été couronnée de succès: elle a remporté il y a quelques semaines le Courageous Client Award («Prix du client audacieux») lancé par les Caples Awards; cette récompense lui a été personnellement décernée par le président du jury. Elle vise à honorer les personnes qui ont réalisé les travaux qui ont eu le plus d’influence au cours de l’année. An Nahar a également reçu quatre autres prix lors des Caples Awards.
Selon Nayla Tuéni, le journalisme est plus qu’un simple métier: il s’agit d’une véritable mission. «Le journalisme est toute une vie. C’est faire face, travailler, y croire. On ne saurait le résumer à un travail effectué de 8 à 17 heures.»
«Être journaliste, pour moi, c’est écrire, être responsable, être passionné, œuvrer pour une mission, faire face aux crises financières, y croire et aussi être créatif. C’est savoir comment changer, progresser, être moderne, être jeune et avoir de nouveaux projets», souligne-t-elle, ajoutant: «C’est ce que nous faisons avec Impact BBDO. Nous travaillons sur ce projet sous tous les angles: réseaux sociaux, papier, Internet, vidéos. Nous nous demandons aussi de quelle manière nous adresser aux gens, comment ils vont réagir… Parfois même, nous utilisons les panneaux publicitaires situés au bord des routes. Nous devons être courageux et responsables à la fois.»
Malgré les défis financiers, Tuéni a lancé l’expansion de son quotidien dans le monde arabe. «Il était temps pour An Nahar, qui a déjà cette envergure panarabe, d’être bien plus présent dans le monde arabe. Pour survivre face à la crise financière du Liban, il fallait faire ce pas à Dubaï», explique-t-elle. Elle nous confirme par ailleurs que le journal ne se limitera pas à Dubaï, qu’il visera également l’Égypte, l’Arabie saoudite, et pourquoi pas la France, les États-Unis, et d’autres pays encore. «Nous avons déjà des correspondants partout dans la région arabe et dans le monde. Nous allons nous agrandir peu à peu, parce que, selon moi, il faut être présent partout, il n’y a plus de limites.»