PARIS: Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne depuis février pour traiter les patients atteints de formes graves du coronavirus, un anesthésiste-réanimateur livre chaque semaine, sous couvert d'anonymat, son journal de la crise sanitaire.
« Pour l'instant, les patients Covid de réanimation du mois d'octobre ressemblent franchement aux patients Covid du mois de mars. Les journées sont à nouveau rythmées par la mise en décubitus ventral (une position qui facilite le passage de l'air, ndlr) de certains patients, les réglages précautionneux du respirateur, les nouvelles données aux familles principalement par téléphone et parfois, les décès malheureusement.
Nous avons aussi retrouvé les masques FFP2 et leur odeur si particulière d'armoire à pharmacie que nous avions tenté d'oublier cet été.
A nouveau, nous puisons le personnel paramédical là où on peut. Les infirmiers anesthésistes, les infirmiers de bloc opératoire, tous les infirmiers susceptibles d'avoir les connaissances et les capacités de prendre en charge des patients de réanimation sont sollicités. Et on tente de faire avancer la barque avec les moyens du bord.
Pour l'instant, il y a peu de flux de patients. Une entrée en réanimation tous les jours globalement et quelques appels dans les unités de soins conventionnels pour évaluer la nécessité d'une place en réanimation pour tel ou tel patient. Peu d'appels de l'extérieur.
Nous avons ouvert une dizaine de lits supplémentaires la semaine dernière. On nous demande de nous préparer à plus. Tout ça augmente peu à peu. Mais on n'y voit pas très clair sur notre marge de manœuvre. On nous parle d'augmenter à une vingtaine de lits la semaine prochaine. Ça tiendrait du miracle...
A la différence du printemps dernier, où chaque unité Covid était barrée d'une bâche en plastique installée et scotchée à la hâte pour séparer les secteurs Covid des secteurs non-Covid, notre hôpital et nos différents services de réanimation ont cette fois-ci peu changé. Fini les bâches en plastique. Fini les sas d'habillage à l'entrée des unités. Le Covid s'est ‘démocratisé’. Nos protocoles d'isolement se sont quelque peu assouplis. Seules les chambres des patients sont désormais soumises au protocole drastique d'habillage/déshabillage.
Pour l'instant les gens tiennent le coup, malgré une certaine lassitude. On tente de résister et de maintenir le reste de nos activités médicales, d'enseignement, de recherche autant que nous pouvons. C'est important pour le moral. Et pour nos patients.
La perspective de maintenir le droit à quelques jours de congés par-ci par-là pour ceux qui le souhaitent nous laisse l'espoir de pouvoir respirer un peu.
Mais l'annonce du couvre-feu a jeté un froid. Comme pour tout le monde probablement. Ce confinement nocturne cristallise le fait que nous sommes bien entrés dans la deuxième ou seconde vague. Nous continuons de nous serrer les coudes, d'user parfois d'un peu d'humour ou d'ironie et d'aller ensemble manger en salle de garde, à quelques uns et à très bonne distance de sécurité, histoire de conserver un semblant de vie normale à l'hôpital ».