PARIS: Après cinq ans à l'Elysée, le président-candidat Emmanuel Macron garde le cap d'un programme économique centré sur la priorité au travail, l'attractivité de la France et un certain sérieux budgétaire, au risque d'apparaître plus éloigné des craintes très immédiates des Français sur leur pouvoir d'achat.
Entré en campagne tardivement, Emmanuel Macron a eu peu de temps pour développer son programme économique, mais deux propositions monopolisent déjà l'attention: le recul progressif de l'âge de départ à la retraite à 65 ans et l'attribution du RSA sous conditions.
Autant de "marqueurs de droite très forts", estime Ludovic Subran, chef économiste d'Allianz, qui donnent le ton des ambitions d'un éventuel deuxième mandat, avec la volonté de réussir une réforme emblématique qu'il n'a pu faire aboutir durant le quinquennat écoulé. Avec la volonté aussi de parvenir au "plein emploi" dans une France "où chacun travaille plus", selon la propre formule du président sortant.
Mais alors qu'il se présentait en 2017 avec un programme nourri de mesures fortes (transformation de l'ISF, réforme du marché du travail, baisses d'impôts), Emmanuel Macron se représente en misant désormais plutôt sur son bilan.
"Il communique beaucoup sur les mesures qui ont été faites, sur la baisse de la fiscalité pour les entreprises, pour les ménages, l'attractivité, le chômage, donc finalement il s'inscrit un peu dans une continuité", souligne Mathieu Plane, économiste à l'OFCE.
Le chef de l'Etat peut mettre à son crédit la bonne reprise de l'économie après la pandémie, portée par sa politique du +quoi qu'il en coûte+, avec une des croissances les plus fortes de la zone euro en 2021 (+7%), un taux de chômage tombé à 7,4%, un nombre de créations d'entreprises record, et une France qui occupe les premières places des classements sur l'attractivité économique.
Même le pouvoir d'achat, priorité numéro 1 des Français dans cette élection, a davantage progressé entre 2017 et 2021, que pendant les deux précédents quinquennats, selon l'Insee.
Petite nouveauté et conséquence de la crise sanitaire: Emmanuel Macron place la réindustrialisation et la souveraineté économique de la France et de l'Europe parmi ses priorités.
"Il y avait en 2017 son discours sur la +start-up nation+, l'importance de la mondialisation, donc il y a un virage, avec la défense d'un Etat plus fort, plus interventionniste", estime Mathieu Plane, même si le président-candidat continue de vouloir soutenir la compétitivité des entreprises, avec de nouvelles baisses d'impôts.
"C'est une campagne et un programme de réélection", dans lequel il dit "+je continue, en ajustant ici, en recalibrant là+", avance également Ludovic Subran, chef économiste d'Allianz, estimant que cela pouvait "manquer de souffle".
Un exemple: la réforme des retraites qu'il avait imaginée en 2017, avec une refonte totale du système hors considération budgétaire, est désormais focalisée sur le recul de l'âge de départ à la retraite.
"C'est moins ambitieux, et plus traditionnel, avec une mesure qu'on pouvait retrouver chez Valérie Pécresse", note Mathieu Plane.
Rééquilibrage
Signe de cette nouvelle étape: les économistes, qui étaient totalement à la manoeuvre en 2017 sur le programme économique du candidat, se sont cette fois trouvés relégués au rôle d'apporteurs de notes, pour une équipe resserrée autour de quelques cerveaux et conseillers.
Face à Marine Le Pen, qui mise tout sur la défense du pouvoir d'achat quand l'inflation accélère, avec des mesures simples et fortes, comme la baisse de la TVA sur les produits énergétiques, "il n'a pas réussi à montrer (...) que les bénéfices de la croissance étaient mieux distribués", pointe Ludovic Subran.
"Notre politique de pouvoir d'achat c'est l'emploi, le travail. Il faut arrêter de réfléchir en +mesure chèque+", rétorque une des chevilles ouvrières de sa campagne.
Interpellé lundi sur le terrain, alors qu'il concentre sa campagne sur des terres populaires, Emmanuel Macron a tenté de rectifier le tir, mettant en avant les mesures plus sociales de son programme, comme le minimum vieillesse à 1.100 euros, le versement des prestations sociales à la source pour éviter le non-recours, ou l'investissement dans l'éducation.
Et il a ouvert la porte à une concession sur le futur âge de départ à la retraite, assurant avoir entendu les inquiétudes des Français.