Pour que les États-Unis puissent efficacement faire face au comportement déstabilisateur et à l’aventurisme militaire du régime iranien au Moyen-Orient, ils devraient adopter une politique cohérente, ferme et éclairée, dépourvue de contradictions.
La décision de l'administration Biden la semaine dernière d'imposer de nouvelles sanctions au programme de missiles balistiques de l'Iran est un pas dans la bonne direction. En réponse à l'attaque au missile de l'Iran sur Erbil le mois dernier, le département du Trésor a annoncé de nouvelles sanctions contre le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), chargé de la recherche et du développement de missiles balistiques, ainsi que contre l'entreprise iranienne Parchin Chemical Industries.
Le programme de missiles balistiques de l'Iran constitue depuis longtemps une menace pour la sécurité de la région. Le potentiel de Téhéran dans le domaine des missiles est l'un des fondements les plus cruciaux de sa politique de sécurité nationale. Outre la gestion du programme nucléaire iranien et le soutien aux représentants du régime, la troisième responsabilité essentielle du CGRI est son programme de missiles balistiques. Les missiles de Téhéran peuvent atteindre n'importe quel pays du Moyen-Orient. Le Trésor américain a également indiqué que «l'attaque de missile des Houthis, rendue possible par l'Iran, contre une installation de Saudi Aramco le 25 mars, et d'autres attaques de missiles par des supplétifs de l’Iran contre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU), rappellent que la prolifération et le développement par l'Iran de missiles balistiques continuent de représenter une grave menace pour la sécurité internationale».
Non seulement le régime iranien est enhardi, puisqu’il viole la souveraineté d'autres États par ses attaques de missiles, mais il vise également à semer la crainte au Moyen-Orient via son programme d'expansion du régime et les tirs d'essai fréquents. Cela conduit inévitablement à une plus grande déstabilisation et militarisation de la région. Au lieu de restreindre leurs activités de missiles balistiques, les dirigeants iraniens sont en fait fiers de leurs progrès, car ils peuvent faire étalage de leur puissance et montrer à leur base, partisane d’une la ligne dure, ainsi qu'aux milices et mouvements terroristes, que le régime est une puissance dominante dans la région.
À titre d’exemple, le journal iranien Kayhan, contrôlé par l'État, s'est vanté dans un article intitulé «Général McKenzie: Le potentiel de l’Iran dans le domaine des missiles est ‘’impressionnant’’» du fait que «le général Kenneth Franklin McKenzie, du Commandement central des États-Unis, a affirmé aux parlementaires que l'Iran disposait actuellement d'environ 3 000 missiles balistiques capables de frapper Tel-Aviv. McKenzie a précisé qu'au cours des cinq à sept dernières années, l'Iran a beaucoup investi dans son programme de missiles balistiques».
Mais pour que les sanctions américaines contre le programme de missiles balistiques de l'Iran soient efficaces et envoient un message fort au régime iranien pour que son aventurisme militaire et son comportement déstabilisateur ne soient pas tolérés, l'administration Biden doit faire preuve de cohérence. Cela signifie qu'elle ne devrait pas lever les sanctions en ce qui concerne d'autres secteurs ou entités.
«Aucune position ferme n'a été prise à l'égard du rôle croissant et déstabilisateur du gouvernement iranien en Irak, au Yémen, en Syrie et au Liban»
Dr Majid Rafizadeh
Voici quelques-unes des incohérences dans la politique de l'administration Biden envers l'Iran. L'année dernière, la Maison Blanche a déclaré aux dirigeants iraniens qu'elle était non seulement disposée à lever les sanctions liées au nucléaire, mais qu'elle envisageait également de lever d'autres sanctions. Cela a été suivi par une première concession aux Houthis, la milice iranienne représentant l’Iran. Alors même que les preuves – notamment un rapport de l'ONU – montraient que le régime iranien livrait des armes sophistiquées aux Houthis, l'administration Biden a suspendu certaines des sanctions antiterroristes que l'administration Trump avait imposées à ce mouvement. Peu de temps après, l'administration Biden retirait la désignation des Houthis comme qu'organisation terroriste étrangère.
De plus, en juin dernier, l'administration Biden a levé les sanctions contre trois anciens responsables iraniens et plusieurs sociétés énergétiques. Puis, dans un coup porté au peuple iranien et aux défenseurs de la démocratie et des droits humains – quelques jours après que le régime iranien eut effectivement choisi Ebrahim Raïssi pour être son prochain président – les États-Unis annonçaient qu'ils envisageaient également de lever les sanctions contre le Guide suprême, Ali Khamenei.
L'administration Biden envisage même maintenant de retirer le CGRI de la liste américaine du terrorisme. Comment la Maison Blanche peut-elle croire qu'elle fera pression sur le programme de missiles balistiques de l'Iran si elle tranquillise en même temps le CGRI? En outre, aucune position ferme n'a été prise à l'égard du rôle croissant et déstabilisateur du gouvernement iranien en Irak, au Yémen, en Syrie et au Liban. Même les violations des droits humains par l'Iran ont été reléguées au second plan dans le programme iranien de la Maison Blanche.
Une autre contradiction politique est que l'administration Biden semble avoir investi tout son capital politique dans un accord nucléaire renégocié. L'accord nucléaire de 2015 avait levé toutes les principales sanctions économiques contre le régime iranien. Y revenir maintenant stimulerait le programme de missiles balistiques de Téhéran et renforcerait la légitimité du régime sur la scène mondiale. Par la suite, les puissances mondiales seraient moins réticentes à tenir l'establishment théocratique pour responsable de ses violations au moyen de missiles balistiques.
En résumé, pour faire face à la menace du régime iranien, les États-Unis doivent faire preuve de cohérence dans leurs pressions sur le gouvernement de Téhéran.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com