En dépit du fait que le régime iranien ait intensifié son aventurisme militaire et son action déstabilisatrice au Moyen-Orient, les puissances occidentales sont restées pour la plupart silencieuses. Mais il est important de souligner que la passivité face aux menaces et aux ultimatums d'un État voyou équivaut à un apaisement.
L'Occident ne doit pas s'attendre à ce que le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, commence à agir de manière rationnelle si son régime est apaisé ou si ses actions malveillantes sont ignorées. Il devrait être clair désormais que la diplomatie seule ne pourra jamais dissuader le régime de Téhéran de poursuivre ses ambitions hégémoniques dans la région, ce qui a été sa politique depuis sa création il y a plus de quatre décennies.
La seule chance de succès de la diplomatie est une pression économique et politique multilatérale mieux coordonnée.
Malheureusement, il semble que les grandes puissances mondiales aient ignoré cette leçon lorsqu'il s'agit de traiter les menaces du régime iranien. C’est une évidence, par exemple, au regard de la stratégie de conciliation des nations occidentales à l'égard des négociations de Vienne, qui visent à rétablir l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien, connu sous le nom de «Plan d'action global conjoint» (PAGC).
Tout au long des négociations, la République islamique n'a cessé d'accroître et de renforcer ses exigences, sans que son refus de compromis ou son comportement déstabilisateur entraîne de conséquences. À titre d’exemple, des développements récents ont montré que l'intransigeance de Téhéran est en partie alimentée par la propre expérience du régime dans ses relations avec les puissances occidentales. Le négociateur en chef de l'Iran, Ali Bagheri Kani, a quitté Vienne pour Téhéran au début du mois et de nombreux rapports ont suggéré que c'était un signe que le régime était sur le point d'accepter un projet d'accord. Mais lorsqu'il est revenu dimanche, ce n'était que pour réitérer sa demande d'un allègement complet et immédiat des sanctions économiques et pour exiger une nouvelle fois la fin des enquêtes internationales sur les dimensions militaires passées du programme nucléaire iranien.
Apaiser le régime ne fera que l'encourager à commettre davantage d'atrocités, augmentant ainsi le risque d'un conflit plus grave et plus large.
Dr Majid Rafizadeh
Bien entendu, cela sape l'objectif central de l'accord nucléaire et laisse la porte ouverte à une aggravation de la menace nucléaire iranienne. Par ailleurs, l'ultimatum concernant l'allègement des sanctions a le même effet sur les autres activités nuisibles du régime, notamment sa répression de la dissidence intérieure et sa promotion du terrorisme et du fondamentalisme dans le monde entier. En juin 2018, un complot du régime visant à faire exploser une bombe dans un important rassemblement de l'opposition près de Paris a été déjoué. Et, en novembre 2019, une violente répression d'un soulèvement national a tué mille cinq cents manifestants iraniens pacifiques; des milliers d'autres ont atterri en prison, où ils ont été soumis à la torture.
Le manque général de fermeté de la politique occidentale à l'égard de l'Iran se reflète également dans la réponse – ou l'absence de réponse – à cette répression et à celle de la dissidence qui s'en est suivie, qui persiste à ce jour. Par exemple, lors du soulèvement de 2019, le chef du pouvoir judiciaire était Ebrahim Raïssi, qui avait également supervisé l'exécution de milliers de prisonniers politiques, dont trente mille lors du massacre de 1988. La plupart des victimes étaient affiliées au Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), un parti d'opposition. L'année dernière, Ali Khamenei a effectivement installé M. Raïssi à la présidence iranienne. La secrétaire générale d'Amnesty International, Agnès Callamard, a réagi à cette décision en déclarant: «Le fait qu'Ebrahim Raïssi se soit hissé à la présidence au lieu de faire l'objet d'une enquête pour les crimes contre l'humanité que sont les meurtres, les disparitions forcées et la torture rappelle de manière sinistre que l'impunité règne en maître en Iran. En 2018, notre organisation a documenté la façon dont Ebrahim Raïssi avait été membre de la “commission de la mort” qui a fait disparaître de force et exécuté en secret des milliers de dissidents politiques.»
L'impunité du régime iranien est malheureusement peu dénoncée par la communauté internationale. Cependant, la promotion de M. Raïssi a déclenché des troubles de la part de courageuses unités de résistance à l'intérieur de l'Iran. Depuis la fin de l’année 2019, une demi-douzaine d'autres grandes manifestations anti-régime ont eu lieu, chacune d'entre elles appelant au renversement du régime et à la transformation de l'Iran en république démocratique. Le mouvement de résistance iranien a accru les inquiétudes des dirigeants iraniens concernant la survie de l'establishment théocratique. Un soutien politique et logistique sérieux de la part de la communauté internationale pourrait être tout ce dont le mouvement de résistance a besoin pour franchir la ligne d'arrivée.
Apaiser le régime ne fera que l'encourager à commettre davantage d'atrocités, augmentant ainsi le risque d'un conflit plus grave et plus large. N'oublions pas que les puissances occidentales pensaient être prudentes lorsqu'elles ont levé les sanctions contre le régime iranien en 2015 après avoir conclu l'accord nucléaire. Il est clair que c'était une erreur.
Les nations démocratiques doivent exercer un maximum de pression sur le régime belliqueux de l'Iran avant que ce dernier ne franchisse le seuil. Les puissances occidentales doivent modifier leur politique iranienne et soutenir l'opposition du pays. Dans le cas contraire, elles se retrouveront à lutter pour apporter ce soutien à la suite d’une catastrophe bien plus grande.
Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter : @Dr_Rafizadeh
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.