La victime, Mohammed Shehade, n'avait que 14 ans. Les responsables israéliens ont immédiatement affirmé qu'il était l'un des trois manifestants palestiniens qui lançaient des cocktails Molotov sur les véhicules des colons israéliens dans les territoires occupés.
Dans chaque cas de violence contre les Palestiniens, la priorité d'Israël est d'être le premier à présenter les «faits» et à rejeter toute la responsabilité sur les victimes. Les autorités israéliennes ont recours à la manipulation et à la censure de la couverture médiatique de l’évènement.
L'armée israélienne n'identifie jamais les cibles de la violence palestinienne présumée comme étant des colons armés des colonies juives illégales voisines qui traversent la région en harcelant des civils chrétiens et musulmans. Ils démolissent des fermes et des oliveraies qui appartiennent à des Palestiniens et attaquent des civils arabes.
Dans ce cas, selon l'armée israélienne, les troupes israéliennes menaient des opérations antiterroristes en réaction à la violence palestinienne. L'agence de presse Reuters a rapporté qu'elle «n'a pas pu localiser immédiatement des témoins indépendants de l'incident», questionnant, à minima, la véracité des sources militaires israéliennes, bien que la télévision israélienne n'ait eu aucun problème à simplement rapporter ce que l'armée leur avait rapporté comme « faits ».
Ces opérations israéliennes impliquent souvent l'arrestation et la détention de palestiniens soupçonnés, sans que la preuve n’en soit apportée, d'être impliqués dans la violence. Elles provoquent par conséquent la communauté locale qui réagit par des manifestations de colère. Israël riposte à chaque manifestation palestinienne par la violence et affirme que les manifestations elles-mêmes sont toujours violentes.
La plupart des médias ne rapportent que la version israélienne des incidents parce que la présence des médias palestiniens et des organisations de défense des droits de l'homme est restreinte, ce qui permet à l'armée de diffuser une propagande de relations publiques unilatérale dans les médias israéliens qui justifie leur violence comme des mesures «défensive».
Mais si la version israélienne biaisée et unilatérale des meurtres n'était pas rapportée, rares seraient les évènements repris par les médias occidentaux, de sorte que même les «faits» unilatéraux et biaisés peuvent être considérés comme un pis-aller.
Le problème est qu'au moment où les palestiniens ou des sources médiatiques indépendantes et objectives sont en mesure de découvrir la vérité, il est déjà trop tard et l’évènement n’est déjà plus une actualité.
« Malheureusement, la plupart des médias ne rapportent que les versions israéliennes des incidents car la présence des médias palestiniens et des organisations de défense des droits de l'homme est restreinte par l'armée israélienne. »
Israël comprend bien les principes fondamentaux de la « maitrise » de l’information et des narratifs, de leur diffusion en premier et de manière exhaustive. Les médias arabes qui essayent de rapporter des faits qui contredisent la version israélienne sont souvent censurés, ou interdits de publication.
Israël censure fortement les médias parce que les dirigeant du pays sont conscient du rôle fondamental de la communication : «La plume est plus puissante que l'épée», comme l'écrivait l'auteur anglais Edward Bulwer-Lytton en 1839. Leur autre principe, comme George Orwell l'a écrit dans son roman dystopique «Mille neuf cent quatre-vingt-quatre», est : «Qui contrôle le passé contrôle l'avenir, qui contrôle le présent contrôle le passé».
L’une des manières de réagir à cette couverture déséquilibrée et à cette déformation israélienne serait de donner aux Palestiniens les moyens de mieux rapporter les faits. Malgré la censure d'Israël, les palestiniens pourraient fournir des reportages factuels sur place de ces événements, s'ils pouvaient être rapides à les diffuser.
Cela signifie donner aux Palestiniens non seulement la possibilité de rendre compte de la violence à leur encontre, mais aussi de trouver des ressources pour financer ces reportages. L’internet offre toutes sortes de possibilités pour partager et diffuser ces reportages.
Ensuite, comme dans le cas du meurtre tragique de Mohammed Shehade à Al-Khader, si les Palestiniens étaient encouragés à filmer et à publier leurs observations de première main en anglais (et non en arabe) sur des blogs en ligne qui pourraient être diffusés auprès de sources occidentales, ils pourraient contrer, plus efficacement, les efforts de propagande massifs, financés à coup de millions de dollars par Israël.
Cela ne coûterait pas cher, mais nécessiterait une campagne d'information coordonnée de manière à encourager les manifestants palestiniens à avoir des gens prêts à filmer et à écrire les détails des confrontations et à les publier immédiatement sur Internet sur des sites de blogs publics bien référencés et facilement accessibles.
Mais ils doivent être prêts et préparés à contrecarrer la propagande israélienne.
La violence à laquelle les palestiniens sont confrontés de la part de soldats et de colons israéliens armés est certainement dangereuse et souvent mortelle, mais elle est également véhiculée dans les reportages biaisés des médias israéliens, ce qui est une forme de violence rhétorique supplémentaire.
Non seulement les palestiniens doivent être prêts à se protéger des balles des soldats et des colons israéliens, mais ils doivent de plus se protéger du narratif et de la rhétorique des soldats et des colons israéliens.
L'épée peut prendre des vies, mais la plume peut garantir que le porteur de cette épée soit identifié comme étant le véritable criminel.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être contacté sur son site Web personnel à l'adresse www.Hanania.com.
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NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com