Lorsque, il y a un peu plus de cinq ans, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté une résolution condamnant sans réserve la construction et l'expansion de colonies israéliennes en Cisjordanie, tout en appelant à la fois Israéliens et Palestiniens à mettre un terme à leurs provocations mutuelles, on a eu l’impression, pendant un bref instant, qu’une percée était possible pour relancer la solution à deux États du conflit.
Rétrospectivement, le principal héritage de cette décision historique est le fait que Washington, dans les derniers jours de l'administration Obama, n'y a pas opposé son veto. Cela a mis en évidence que lorsque Washington s'abstient d'opposer son veto à une résolution qui réprimande la politique de colonisation d'Israël, elle est non seulement adoptée, mais elle finit par recevoir le soutien retentissant de tous les autres membres du Conseil de sécurité des Nations unies. Il a suffi que les États-Unis s'abstiennent, sans même voter en faveur de la résolution, pour que les 14 autres membres la soutiennent, y compris ceux qui craignaient des représailles américaines ou au moins des reproches s'ils ne le faisaient pas.
L'abstention des États-Unis était probablement l'acte le plus significatif et évocateur de cette résolution, signalant l'impatience de l'administration Obama à l'égard d'Israël pour son mépris du droit international et des intérêts nationaux de son allié le plus proche pour consolider l'occupation de la Cisjordanie. Washington a finalement décidé qu'une réprimande adéquate s'imposait.
En tant que tel, il n'y avait rien de nouveau dans le contenu de la résolution 2334 des Nations unies que nous ne connaissions pas avant qu'elle ne soit ajoutée aux annales des résolutions de l'ONU sur le conflit israélo-palestinien. Ceci étant, pour quiconque espère une résolution pacifique au conflit, le document rassemble les principaux arguments en faveur de cet objectif. Le fait qu'Israël doive cesser de traiter les territoires occupés comme les siens propres, et le consensus international condamnant cette conduite de l'Etat hébreux.
La résolution, qui n'a pas vraiment mâché ses mots, aurait dû devenir le manifeste de la communauté internationale pour traiter le conflit et le guide de la politique américaine sur la question. Cependant, au moment où Donald Trump était sur le point de se voir remettre les clés de la Maison Blanche, le président élu a pris la décision sans précédent d'exhorter Washington à y opposer son veto. Cela faisait allusion au chèque en blanc qu'Israël était sur le point de recevoir pour gérer les territoires occupés et les Palestiniens qui y vivent comme il le souhaitait, sans presque aucune restriction. Cela a signifié un mandat présidentiel américain complet perdu pour la cause de l'avancement de la paix entre les deux antagonistes, alors que la situation sur le terrain s'est détériorée sur tous les fronts. Des milliers de nouveaux logements ont été construits dans les colonies juives, bafouant l'idée d'un État palestinien indépendant et viable.
«La résolution 2334 des Nations unies aurait dû devenir le manifeste de la communauté internationale pour faire face au conflit»
Yossi Mekelberg
Une autre administration règne aujourd'hui à Washington, dirigée par le vice-président de Barack Obama au moment de cette décision historique. Et c'est au président, Joe Biden, de relancer cette approche sous sa direction.
On peut reprocher au gouvernement Obama d'avoir attendu jusqu'à son tout dernier mois, décembre 2016, pour soutenir l'évidence même, par l'intermédiaire de son secrétaire d'État, John Kerry. S’écartant du protocole diplomatique d'usage, Kerry a imputé la plus grande part de responsabilité de l’échec de l’initiative de paix au soutien apporté par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, à l’expansion des colonies.
Il serait difficile, pour ne pas dire imprudent, de contester l'ultime position d'Obama sur les colonies israéliennes. Néanmoins, le sentiment de frustration est doublé par le fait que, si cela avait été fait plus tôt dans sa présidence, ce qui aurait pu être un moment décisif dans le rôle des États-Unis dans l'instauration de la paix – et, ce faisant, donner un coup de pouce à une UE active dans l'arrêt de l'expansion des colonies – a plutôt été laissé comme un article de foi d'adieu pour les futures administrations à suivre. Au lieu d'être un message puissant d'un véritable changement de politique de la part de Washington en faveur d’une approche plus impartiale de ce conflit sans fin, lorsqu'elle avait le temps de mettre en œuvre un tel changement de politique, cette décision indiquait qu'aucune administration américaine n'oserait adopter cette approche pratique et moralement saine avant d’avoir quitté l'arène politique et d’avoir très peu à perdre.
Néanmoins, l'importance de la résolution 2334 ne doit pas être sous-estimée, car elle est parvenue, dans les limites de son jargon diplomatique, à réaffirmer dans le langage le plus fort possible qu'Israël, en tant que puissance occupante, a la responsabilité de protéger la population palestinienne. Par conséquent, elle a condamné les mesures israéliennes visant à «modifier la composition démographique et le statut du territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est». Sans minimiser les autres aspects du conflit qui le rendent extrêmement difficile à résoudre, le Conseil de sécurité des Nations unies a souligné dans cette résolution que l'expansion des colonies était l'obstacle le plus difficile à surmonter pour parvenir à une solution convenue.
Seul le temps nous dira s’il n’est pas trop tard pour la solution à deux États. Néanmoins, pour un bref instant il y a cinq ans, la communauté internationale s'est réunie pour exprimer sa profonde préoccupation face à la nature irréversible des activités de colonisation israéliennes dans les territoires occupés. Depuis lors, la situation n'a fait qu'empirer et le désintérêt de la communauté internationale, y compris des États-Unis, pour la gestion du conflit a laissé Israël et les Palestiniens à leurs propres machinations malsaines.
Pour ceux qui, au sein de la communauté internationale, croient encore qu'une solution à deux États est possible, le cinquième anniversaire de cette résolution pourrait être un moment opportun pour encourager le Conseil de sécurité à renouveler son appel à la paix au Moyen-Orient. Il devrait le faire en s'unissant une fois de plus pour exiger de toutes les parties de s'abstenir de toute activité susceptible de compromettre une solution juste et équitable au conflit israélo-palestinien, en particulier la poursuite de l'expansion des colonies juives en Cisjordanie, qui vise à rendre ridicule la notion d’accord pacifique, et encore moins celle de solution à deux États.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme MENA à Chatham House.
Twitter: @YMekelberg
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com