PARIS : "Foncez sur les kouffars comme un lion affamé fonce sur du gibier", ordonnait en 2016 Rachid Kassim aux assaillants de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). Présumé mort, le propagandiste du groupe Etat islamique sera jugé par défaut pour avoir commandité l'attentat.
Né en janvier 1987 à Roanne (Loire), il est connu de la justice pour avoir téléguidé l'assassinat d'un couple de policiers à Magnanville (Yvelines) en juin 2016 et l'attentat manqué aux bonbonnes de gaz près de la cathédrale Notre-Dame trois mois plus tard à Paris.
Dans ce dossier, il a été condamné par défaut à la réclusion criminelle à perpétuité.
Son nom est aussi cité dans une petite dizaine de procédures judiciaires ouvertes entre juillet et septembre 2016 pour avoir incité des jeunes Français, parfois mineurs, à commettre des actions violentes dans l'Hexagone.
"L'intensité de son activité de propagande sur les réseaux sociaux et le rôle direct d'incitation qu'il a joué dans plusieurs actions violentes ou projets d'actions violentes en 2016 en font un individu éminemment dangereux", précise à l'AFP une source proche du dossier.
Au procès de l'attentat contre le père Hamel qui s'ouvre lundi, il sera jugé avec trois coaccusés, notamment pour complicité d'assassinat et de tentative d'assassinat, association de malfaiteurs terroriste criminelle.
Mais Rachid Kassim ne sera pas dans le box: il aurait été tué dans une frappe de drone en février 2017 à Mossoul (Irak) où il vivait. En l'absence de preuve formelle de décès, la justice française maintient systématiquement ses poursuites.
L'enquête a révélé des échanges écrits et audios entre lui et les assaillants du père Hamel, Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean.
« Intense propagande »
Avec le second, ils passent en revue "de multiples cibles potentielles - synagogue, terrasse de café ou encore regroupement militaire", selon des documents consultés par l'AFP.
Quand Abdel-Malik Petitjean témoigne de sa volonté d'aller combattre dans les rangs de l'EI, Rachid Kassim l'en dissuade, insistant pour qu'il frappe en France. "Cherche pas à venir ici, ça sert à rien (...) les frontières sont cramées (...) Hé les frères, vous êtes dans le cœur de la bête" en France, s'agace-t-il.
"Foncez sur les kouffars ("mécréants" en arabe, ndlr) comme un lion affamé fonce sur le gibier", exhorte aussi le propagandiste.
Richard Kassim a quitté la France pour la zone irako-syrienne en mai 2015 avec sa compagne et leur fille née quatre ans plus tôt.
Devenu combattant de l'EI, il s'impose rapidement comme un recruteur chevronné de Français après une blessure au genou. "C'est à partir de la fin de l'année 2015 que Rachid Kassim entame une intense activité de propagande qui ne va durer que quelques mois", souligne la source proche du dossier.
Omniprésent sur les réseaux sociaux - sa page Facebook a compté jusqu'à 12.000 abonnés -, il multiplie les appels à commettre des attentats en France et désigne des cibles.
Présent aussi sur la messagerie cryptée Telegram avec deux chaînes "Sabre de lumière" et "Dine Al Haqq", Rachid Kassim publie le "Guide du lion solitaire", compilant des conseils opérationnels pour des actions violentes sur le sol français.
Revendication
Idéologue du jihad armé, il incite sans relâche ses contacts à attaquer les Français avec un couteau ou toute autre arme.
Selon le témoignage d'un jeune ayant été sous son influence, le propagandiste avait d'abord témoigné gentillesse et écoute - il avait "apaisé ses tristesses" - avant d'être pressant voire "trop insistant", lui intimant de passer à l'acte rapidement et de lui envoyer une vidéo en lisant un texte d'allégeance qu'il avait préparé.
Avant d'assassiner le père Hamel le 26 juillet 2016, Abdel-Malik Petitjean et Adel Kermiche ont envoyé une vidéo de revendication à Rachid Kassim qui en assura ensuite la diffusion.
Le Roannais, qui avait notamment pour adresse mail "rachidzebest1", se dira très fier d'avoir téléguidé cet attentat.
"Une information judiciaire toujours en cours a pour objet de déterminer quel a été son parcours au sein de l'Etat islamique", souligne la source.
Cette procédure concerne également une vidéo de décapitation intitulée "Leur coalition et notre terrorisme", diffusée le 20 juillet 2016 sur Telegram. Rachid Kassim, tenue militaire et visage découvert, se félicite de l'attentat commis quelques jours auparavant sur la promenade des Anglais à Nice, avant de menacer la France en brandissant la tête ensanglantée de sa victime.
"Décapiter un animal serait difficile (...) décapiter un ennemi d'Allah, c'est un plaisir", confiait-il à un site jihadiste.