PARIS : "Ça, ça parle aux jeunes". Des plateformes en ligne aux influenceurs, les initiatives se multiplient pour aider les jeunes à s'inscrire sur les listes électorales et lutter contre l'abstention.
C'est un problème qui touche des millions de Français et participe à la désaffection des urnes, empêchant certains de voter alors qu'ils y étaient prêts: la mal-inscription, fléau que certains élus et associations veulent combattre à l'approche de la présidentielle où les sondages laissent craindre une abstention élevée.
La mal-inscription, c'est quand "vous résidez dans une autre commune que celle où vous êtes inscrit sur les listes électorales", définit le député ex-LREM Matthieu Orphelin, qui soutient, dans une proposition de loi constitutionnelle, l'inscription systématique dans le bon bureau de vote lorsqu'on change de domicile.
"Les déménagements alimentent l'abstention" et "constituent un obstacle au vote", confirme la sociologue Céline Braconnier, docteure en sciences politiques.
Le phénomène touche d'abord les jeunes qui bénéficient de l'inscription d'office à 18 ans et ne savent pas toujours qu'il faut se réinscrire lorsqu'ils quittent le domicile familial.
Selon les travaux de Céline Braconnier, la mal-inscription concernait 7,6 millions de personnes en 2017 (pour un corps électoral de 47,5 millions), dont 51% des 25-29 ans, auxquels s'ajoutaient environ cinq millions de non-inscrits.
Face à ce chiffre, énorme, des initiatives apartisanes et apolitiques cherchent la parade.
C'est le cas de l'ONG "A Voté", qui a créé à la mi-janvier un chatbot sur WhatsApp, en partenariat avec Meta France (branche française de la maison mère de Facebook), Ouest-France et 20 Minutes, qui renvoie vers les pages du service public pour que les jeunes puissent vérifier où ils sont inscrits ou bien faire les démarches d'inscription.
L'association réalise également des opérations de porte-à-porte, comme mercredi soir à Juvisy-sur-Orge, dans l'Essonne, dans une des résidences de l'Association pour le Logement des Jeunes Travailleurs (ALJT).
Armés de flyers, trois bénévoles toquent aux portes d'une dizaine de jeunes entre 18 et 30 ans.
"Ça, ça parle aux jeunes", confie Melody Forge, 22 ans, pianotant sur son portable pour essayer le chatbot. C'est "un moyen plus rapide" pour s'inscrire et moins rebutant qu'en mairie, ajoute l'étudiante, mal-inscrite.
Séphora Monnerot, apprentie de 23 ans, abonde: "c'est beaucoup plus clair".
Zoom et influenceurs
Créé en 2018, le mouvement "Tous Élus", qui lutte contre l'abstention, lance de son côté la campagne "Tous Inscrits", en partenariat avec l'association "Cité Des Chances" qui promeut l'engagement citoyen des jeunes de banlieue.
"On a formé une centaine d'animateurs bénévoles qui vont se relayer sans cesse pendant un mois sur un lien zoom" pour "accompagner des jeunes à s'inscrire dans un bureau de vote en bas de chez eux" et "maximiser les chances" qu'ils aillent voter, explique Ninon Lagarde, coordinatrice de la campagne qui a débuté mardi.
L'association va également faire appel à des influenceurs pour sensibiliser à la mal-inscription et permettre aux inscrits de gagner des places pour le festival de musique Solidays via des jeux concours.
Avoir recours aux influenceurs est également le stratagème élaboré par Meta France et le média en ligne Konbini, dans un programme intitulé "Ça vote?". Ils se sont associés à quatre créateurs de contenus qui ont entre 500 000 et 1,4 million d'abonnés: @Vargasss92, @Sally, @Alexandre_Gigow et @Laura_Petard.
Ces derniers sont allés à la rencontre des 18-30 ans dans quatre grandes villes (Strasbourg, Marseille, Dunkerque et Montpellier) pour leur rappeler les modalités du vote et leur expliquer comment s'inscrire.
Quatre vidéos réalisées sur le format d'un micro-trottoir sont diffusées du 1er au 26 février sur les réseaux sociaux.
"Konbini c'est le média des influenceurs", des "gens qui parlent la même langue" que les jeunes adultes, qui sont l'essentiel de leur public, met en avant David Creuzot, co-fondateur et président du média.
"Quand j'étais dans les rues de Montpellier, les gens venaient à moi parce qu'ils me reconnaissaient", "ils aiment ce que je fais et me font confiance (...) j'ai senti que je les avais peut-être fait changer d'avis" sur le vote, espère Laura Petard, comédienne de 26 ans qui participe au programme.