Ces jours-ci, le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, et l'actuel président, Ebrahim Raïssi, parlent constamment d'espoir en l'avenir. «Renforcer l'espoir et la vision de l'avenir est l'une des questions les plus importantes aujourd'hui», a déclaré Ali Khamenei le 9 janvier 2022. «Il y a ceux qui essaient de saper l'espoir des jeunes et de les désespérer en les rendant méfiants dans l'avenir», a-t-il ajouté. Ce n'est pas une coïncidence si, le même jour, l'actuel président de l'Iran, Ebrahim Raïssi, s’exclamait : «Je vois un avenir brillant et empli d'espoir.»
Ali Khamenei a fait ces remarques deux jours après l'incendie de la statue de Qassem Soleimani, icône de la politique belliqueuse de la théocratie iranienne dans la région, par de jeunes insurgés à Chahrekord, ville du sud-ouest de l’Iran.
Célébrer la mémoire de Qassem Soleimani et installer ses statues ou ses portraits dans chaque ville et chaque quartier n'est pas un simple rituel. Il s’agit plutôt d’une indication de l'insistance à poursuivre la fabrication de la bombe atomique, le développement de missiles et l’ingérence au Moyen-Orient. Une ligne contestée non seulement par le peuple iranien, mais aussi par d'autres factions dans la sphère du pouvoir.
Cette atteinte à un symbole du pouvoir, à l’exemple de la destruction à répétition des portraits de M. Soleimani à travers le pays, est une réponse de la société iranienne aux politiques d’Ali Khamenei qui ont grevé l'économie iranienne à hauteur de deux mille milliards de dollars (1 dollar = 0,89 euro), ainsi qu’à sa politique belliqueuse qui a isolé le pays dans la région.
Le 9 janvier 2022, une partie des craintes d’Ali Khamenei ont été révélées par Mehdi Asgari, un député du régime clérical: «Nous devons être préoccupés par le fossé entre la nation et le gouvernement. C'est désormais le problème numéro un de notre pays.»
Ce que redoute M. Khamenei, c’est que la jeunesse iranienne décide d’un avenir sans le régime iranien. Car actuellement, selon un député, soixante millions d'Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté, dont quarante millions sous le seuil de pauvreté absolue. L'armée des chômeurs et des affamés s'est mise en marche. Les deux soulèvements de 2018 et 2019, ainsi que les soulèvements de l'an dernier au Khouzistan et au Baloutchistan, ont tous été déclenchés par la misère et l'inflation.
Le 9 janvier 2022, une partie des craintes d’Ali Khamenei ont été révélées par Mehdi Asgari, un député du régime clérical: «Nous devons être préoccupés par le fossé entre la nation et le gouvernement. C'est désormais le problème numéro un de notre pays.»
De la même façon que la France lorsqu'elle était occupée par les nazis, les jeunes, et plus particulièrement les femmes en Iran, considèrent que leur pays est occupé par les mollahs. C'est pourquoi des unités de résistance se sont formées depuis plusieurs années et se développent à grande vitesse pour libérer leur pays. Les femmes veulent un gouvernement laïc et l'égalité entre les femmes et les hommes.
La répression se poursuit sans relâche. Trois cent cinquante exécutions en 2021. La colère publique se poursuit toutefois.
Afin de dissuader les jeunes de rejoindre les unités de résistance, le pouvoir judiciaire a annoncé le 9 janvier que «le prisonnier politique Mohammad Javad Vafaei-Sani sera condamné à mort après avoir purgé deux ans de prison». Ce champion de boxe est accusé de «corruption et de soutien à l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien (OMPI, l’ennemi juré du régime iranien) ainsi que d'incitation à incendier des bâtiments gouvernementaux». Il avait participé aux manifestations de novembre 2019.
La répression se poursuit sans relâche. Trois cent cinquante exécutions en 2021. La colère publique se poursuit toutefois. Ali Khamenei a tenté de contenir la situation explosive de la société en lançant une fatwa interdisant l'importation de vaccins anti-Covid en provenance des pays occidentaux. Une vague de mortalité s’en est suivie, avec près d’un demi-million de décès désormais.
Les manifestations successives de centaines de milliers d'enseignants le mois dernier montrent aussi que le mur de la terreur s’est fissuré. Au bout de quarante-deux ans, la peur est en train de changer de camp.
Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années.
TWITTER: @h_enayat
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.