NOUMEA: La Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique de 270.000 habitants dans le Pacifique-sud, a choisi une nouvelle fois de rester dans le giron français dimanche, malgré une progression du vote pour l'indépendance, lors d'un deuxième référendum d'autodétermination marqué par une mobilisation sans précédent.
Emmanuel Macron a dit accueillir le résultat « avec un profond sentiment de reconnaissance » et d' « humilité » lors d'une allocution solennelle depuis l'Elysée.
Le non à l'indépendance est arrivé en tête avec 53,26 % des voix, mais perd plus de trois points par rapport au premier référendum du 4 novembre 2018, où les pro-France l'avaient emporté avec 56,7% des voix, un résultat qui était à l'époque considéré comme plus serré qu'anticipé.
Ces résultats confortent les indépendantistes, qui bien que perdants, se réjouissent de cette progression. Elle leur fait espérer une victoire lors du troisième référendum, qui en vertu de l'accord de Nouméa, peut être organisé d'ici 2022.
« Si ce n'est pas aujourd'hui (que l'indépendance l'emporte, ndlr), ce sera au troisième référendum. On respecte le résultat de ce soir », a déclaré Pascal Sawa, maire de Houaïlou et membre de l'union calédonienne (FLNKS), sur Nouvelle-Calédonie la 1ere.
« Je ne suis pas satisfait de la tendance que nous avons ce soir, qui met en évidence à nouveau le clivage profond qui sépare la société calédonienne sur cette question fondamentale de l'indépendance », a déclaré le président du gouvernement, Thierry Santa (droite, loyaliste).
Dans ce territoire à 18.000 km de Paris, qui représente l'un des derniers bastions de souveraineté européenne dans la zone après le Brexit, le scrutin a été marqué par un taux de participation historique de 85,64%, largement supérieur à celui du premier scrutin il y a deux ans (81%).
« Les résultats sont assez surprenants, avec des chiffres qui attestent d'une vraie progression du camp du oui, en hausse dans toutes les communes », analyse le docteur en géopolitique, Pierre-Christophe Pantz.
Dans la capitale Nouméa, fief loyaliste, le oui a ainsi augmenté de près de 4 points, pour atteindre 23,31%.
Près de 180.598 électeurs de cet archipel français, colonisé en 1853 et disposant d'importantes réserves de nickel, étaient invités à répondre à la question : « voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ».
Dans les rues de Nouméa et dans les quartiers populaires à majorité kanak, les indépendantistes ont largement manifesté durant toute la journée et la soirée leur enthousiasme par des concerts de klaxons et des défilés de drapeaux.
En revanche, l'ambiance était plus calme du côté des partisans de la France.
Dans un bureau de vote du quartier populaire kanak de Montravel, au nord de Nouméa, Chanié, Kanak originaire de Lifou, en robe orange et coiffe en feuille de maïs, a fait le choix du oui, « parce que je veux que ceux qui vont diriger notre pays, ce soient nos enfants, et plus la France ».
Daniela attendait elle dès 7H30, devant les bureaux de vote à la Vallée des Colons, un quartier pluriethnique de Nouméa : « je vote ‘non’ car la France a toujours été là pour nous, elle le restera j'espère ».
Tous les habitants du Caillou n'ont pas pu s'exprimer : le corps électoral de ce scrutin sensible est conditionné à plusieurs critères, comme justifier d'une résidence continue en Nouvelle-Calédonie depuis au moins le 31 décembre 1994, être natif de l'archipel ou relever du statut civil coutumier kanak.
Christophe, 57 ans, dont parents et grands-parents sont nés sur le Caillou, a choisi la France, estimant que « la Nouvelle-Calédonie n'était pas prête à être indépendante financièrement ».
Guillaume Berger, un autre Caldoche, a lui opté pour le oui. « Notre présence ici sera remise en question si on n'est pas capable de construire l'indépendance avec les Kanak ».
La consultation s'est déroulée sans mesures barrières ni masques, puisque l'archipel est exempt de Covid-19, grâce à une réduction drastique des vols internationaux et une quarantaine obligatoire pour tout arrivant.
Ce référendum, comme le premier, s'inscrit dans un processus de décolonisation entamé en 1988 par les accords de Matignon, signés par l'indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou et le loyaliste Jacques Lafleur, après plusieurs années de quasi-guerre civile entre Kanaks, peuple premier, et Caldoches, d'origine européenne.
Ces affrontements avaient culminé avec la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988 (25 morts).
Ces accords, consolidés dix ans plus tard par l'accord de Nouméa, ont institué un rééquilibrage économique et géographique en faveur des Kanaks et un partage du pouvoir politique, même si les inégalités sociales restent importantes.
« Nous savons aujourd'hui que nous sommes à la croisée des chemins. Nous avons devant nous deux années pour dialoguer et imaginer l'avenir et pas seulement l'avenir institutionnel », a souligné Emmanuel Macron, alors que le Premier ministre Jean Castex doit rapidement réunir tous les acteurs politiques calédoniens.