L’Arabie saoudite parvient à imposer ses vues sur la transition énergique à un sommet du G20

Le prince Abdelaziz ben Salman, ministre saoudien de l'Énergie. (AFP / Fichier)
Le prince Abdelaziz ben Salman, ministre saoudien de l'Énergie. (AFP / Fichier)
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Publié le Jeudi 29 octobre 2020

L’Arabie saoudite parvient à imposer ses vues sur la transition énergique à un sommet du G20

L’Arabie saoudite parvient à imposer ses vues sur la transition énergique à un sommet du G20
  • Lors de l’édition 2020 du G20 sur les marchés pétroliers, l'Arabie saoudite a fait valoir les arguments de sa stratégie d’économie carbone circulaire (ECC)
  • «Réduire, recycler et réutiliser » les émissions de CO2 à une échelle mondiale tout en préservant la croissance économique dans un monde post-pandémie.

Le prince Abdelaziz ben Salman, le ministre saoudien de l'Énergie, a réussi une sorte de coup d'État au sein du monde délicat de la diplomatie énergétique. C’est ce qui ressort du communiqué commun du sommet virtuel du G20 sur les marchés pétroliers publié mardi. 

Le langage généralement utilisé dans les communiqués du G20, qu’il provienne des dirigeants eux-mêmes ou de différents canaux de supervision du sommet, se veut prudent. Il use de formules soigneusement préparées pour minimiser les divergences d'opinions - inévitables dans un groupe si vaste et disparate - et met l'accent sur les compromis réalisés. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avant la rédaction du communiqué final du G20 sur l’énergie, il existait des divergences entre les différents acteurs.

La stratégie saoudienne de l’ECC confortée

L'Arabie saoudite, présidente de l’édition 2020 du G20 a souhaité faire valoir les arguments de sa stratégie d’économie carbone circulaire (ECC) pour limiter les émissions de dioxyde de carbone nocives pour l'environnement. Il s’agit d’une plate-forme politique bien pensée, dotée d’un important patrimoine intellectuel, qui dit en substance : ne mettez pas tous vos œufs d’énergie dans le même panier.

Oui, comme le reste du monde, nous sommes préoccupés par le réchauffement planétaire et le changement climatique, déclare l’Arabie saoudite, et nous voulons « réduire, recycler et réutiliser » les émissions de CO2 à une échelle qui aura un impact sur la planète entière. Mais dans le même temps, elle dit également : nous sommes un grand producteur d'hydrocarbures et voulons continuer à profiter des énormes avantages que le pétrole et le gaz nous ont apportés en termes de croissance économique, comme pour le reste du monde. Alors, trouvons également des moyens de « supprimer » les émissions de carbone nocives de l'atmosphère.

Cette proposition - qui semble tout à fait raisonnable – s’est heurtée à l'opposition de certains membres du G20. Certains pays européens - certainement anonymes - pensaient qu’une telle proposition allait à l'encontre de leur objectif de réduire l'utilisation des hydrocarbures en termes absolus. Ils n'étaient pas satisfaits de la mention de l’ECC dans le communiqué.

Cette position est difficile à comprendre. Bien sûr, il faut se préoccuper du changement climatique et des dommages environnementaux, être conscient des grands changements à venir dans la transition énergétique et prendre conscience de notre responsabilité envers les générations futures.

Mais le fait d’adopter une position idéologique figée contre les combustibles fossiles sous toute forme que ce soit est clairement contre-productif, en particulier dans les circonstances économiques périlleuses actuelles. Lorsque le monde commencera enfin à se sortir de la pandémie, il aura besoin d’accéder à des énergies abordables pour permettre la reprise de l’économie. Le pétrole et le gaz sont les sources vers lesquelles nous nous tournerons en premier.

Concilier croissance et transition énergétique

La plupart des grands membres du G20 - comme les États-Unis, la Russie et le Brésil - l'ont bien compris et étaient prêts à soutenir la proposition saoudienne de garder toutes les options sur la table, en équilibrant besoin de croissance économique et impératifs du changement climatique.

En fin de compte, les opposants ont rappelé les grands efforts que l'Arabie saoudite et d'autres pays ont déployés pour stabiliser les prix mondiaux de l'énergie depuis l'effondrement du marché pétrolier en avril, ainsi que les énormes ressources que le Royaume peut mettre à profit pour mettre en œuvre la transition énergétique - et cela semble avoir au final fait l'affaire.

Dans le communiqué final du G20, la position saoudienne s’est vue conforter. Il a en effet approuvé l’ECC comme « une approche holistique, intégrée, inclusive et pragmatique de la gestion des émissions », et a noté qu’« en englobant le large éventail d'options disponibles, l’ECC prend en compte les différentes préoccupations nationales, tout en s'efforçant de répondre à nos aspirations mondiales communes. »

En d’autres termes, comme le prince l’a toujours dit : sur une question d’une telle importance, gardons toutes nos options ouvertes. Gardons aussi à l’esprit que différents pays et économies ont des points de vue différents sur la question, et que tous méritent d’être pris en considération. Les ministres de l'Énergie ont également reconnu qu'il y avait encore beaucoup à faire, notamment en garantissant plus d'investissements dans la recherche et le développement, la technologie et les infrastructures essentielles à la mise en œuvre de la stratégie de l’ECC.

Mais l’approbation par le G20 de la contribution unique de l’Arabie saoudite au débat sur le changement climatique est une première étape bienvenue et ne peut que renforcer les capacités du Royaume à être un acteur majeur de la grande transition énergétique.

 

Frank Kane est un journaliste économique primé basé à Dubaï.

Twitter : @frankkanedubai

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com