Pouvoir d'achat: les gagnants et les perdants du quinquennat Macron

Les producteurs d'œufs et les membres des syndicats agricoles FNSEA et JA proposent aux clients des produits fabriqués avec des œufs non français qu'ils ont pris dans les rayons d'un supermarché de Saint-Sébastien-Sur-Loire le 17 février 2021. (Loïc Venance/AFP)
Les producteurs d'œufs et les membres des syndicats agricoles FNSEA et JA proposent aux clients des produits fabriqués avec des œufs non français qu'ils ont pris dans les rayons d'un supermarché de Saint-Sébastien-Sur-Loire le 17 février 2021. (Loïc Venance/AFP)
Short Url
Publié le Mardi 18 janvier 2022

Pouvoir d'achat: les gagnants et les perdants du quinquennat Macron

  • Le revenu brut disponible des ménages aura progressé de 8% entre 2017 et 2022 et leur pouvoir d'achat «entre 4 et 6%»
  • La croissance économique sur la période et les créations d'emplois expliquent environ les deux tiers de cette progression

PARIS : Le pouvoir d'achat, l'une des principales préoccupations des Français à l'approche de la présidentielle, aura davantage progressé depuis 2017 que durant les deux précédents quinquennats, grâce à la croissance et aux mesures sociales et fiscales. Mais tous les ménages n'en ont pas profité.

Une hausse générale dans un bon contexte économique

Selon une étude de la direction générale du Trésor, qui dépend du ministère de l'Économie, le revenu brut disponible des ménages aura progressé de 8% entre 2017 et 2022 et leur pouvoir d'achat (qui tient compte notamment de la composition des ménages) «entre 4 et 6%».

La croissance économique sur la période et les créations d'emplois expliquent environ les deux tiers de cette progression, tandis que le tiers restant est attribué aux mesures sociales et fiscales entrées en vigueur sous le quinquennat.

C'est sur les catégories ayant le plus profité de ces mesures sociales et fiscales que se focalise le débat entre gagnants et perdants de la présidence d'Emmanuel Macron.

Les actifs privilégiés

C'était une des priorités du quinquennat d'Emmanuel Macron: «Que le travail paie davantage».

«Clairement ce sont plutôt les actifs du secteur privé de la classe moyenne qui bénéficient le plus des mesures», prises ces cinq dernières années, explique Matthieu Plane, économiste à l'Observatoire des conjonctures économiques.

Selon le Trésor, les mesures socio-fiscales auront permis d'augmenter en moyenne d'environ 2% le pouvoir d'achat de la plupart des ménages. Mais pour les seuls actifs, la hausse atteint 3,5%, souligne l'Institut des politiques publiques (IPP).

Les actifs ont ainsi profité de la défiscalisation des heures supplémentaires, de la suppression des cotisations sociales qui ont été compensées par une hausse de la CSG, payée elle par certains inactifs (retraités, etc.), et de la revalorisation de la prime d'activité pour les salariés modestes.

Les plus riches aussi

Premières réformes fiscales d'ampleur du quinquennat, la transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et l'instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus du capital ont permis au niveau de vie des 10% les plus aisés de progresser de 2%, selon la direction générale du Trésor.

L'impact de ces mesures est logiquement «positif mais très concentré», en particulier sur les 1% de ménages les plus aisés, dont le niveau de vie a augmenté de près de 3%, détaille Paul Dutronc-Postel, économiste à l'IPP.

Les 20% des ménages les plus aisés bénéficieront aussi de la suppression de la taxe d'habitation dès 2023, dont ils devaient être initialement exclus, décision retoquée par le Conseil constitutionnel. Soit un gain supplémentaire d'environ 5 milliards d'euros.

Bilan contrasté pour les plus modestes...

Selon la direction générale du Trésor, les 10% de ménages les plus modestes (qui gagnent moins de 1.500 euros par mois environ) ont vu leur niveau de vie progresser de 4% depuis 2017 sous l'effet des mesures décidées durant le quinquennat, une évaluation contestée par l'Institut des politiques publiques, qui évalue cette hausse plutôt à 1,5%, inférieure donc à celle de la moyenne des ménages.

Mais l'IPP exclut de son calcul l'impact de mesures décidées lors du quinquennat précédent et entrées en vigueur seulement en 2018, comme l'élargissement du chèque énergie ou la revalorisation du RSA, conteste le gouvernement.

Et parmi les 5% de ménages les plus modestes, certains ont même vu leur niveau de vie régresser, selon l'IPP, du fait notamment de la baisse de 5 euros de l'APL, de l'augmentation des taxes sur le tabac et l'énergie, qui les pénalisent davantage en proportion de leurs revenus.

Non imposables et bien souvent sans emploi, ces ménages ont aussi été exclus des 25 milliards d'euros de baisses d'impôts, ou de de la revalorisation de la prime d'activité.

En revanche, ni le gouvernement, ni l'IPP n'intègrent les mesures exceptionnelles prises ces dernières semaines pour aider les ménages modestes face à la flambée des prix de l'énergie (chèque énergie supplémentaire, indemnité inflation), censées protéger le pouvoir d'achat des plus précaires.

... et les retraités

Si les retraités imposables ont bénéficié comme les actifs de la suppression de la taxe d'habitation, ils ont aussi subi plusieurs mesures défavorables durant le quinquennat, comme la sous-revalorisation des retraites.

Ou encore la hausse de la CSG, qui a suscité une telle bronca que l'exécutif l'a finalement annulée pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros.

Les retraités plus modestes ont eux bénéficié de la revalorisation du minimum vieillesse (Aspa), augmenté de 100 euros entre 2018 et 2020.

Pouvoir d'achat: cinq propositions des candidats passées au crible

Avec les prix de l'essence et de l'énergie qui battent des records, le pouvoir d'achat entre en force dans la campagne électorale et suscite une multitude de propositions de la part des prétendants déclarés à l'Elysée. En voici cinq passées au cible:

Bloquer des prix (Jean-Luc Mélenchon)

S'il est élu président en avril, le candidat LFI Jean-Luc Mélenchon promet de bloquer immédiatement les prix des produits de première nécessité, dont ceux du gaz, de l’électricité et de cinq fruits et légumes de saison. Il juge très insuffisantes les mesures prises par Emmanuel Macron au cours du quinquennat, comme la suppression progressive de la taxe d'habitation, la baisse de charges ou le récent chèque énergie. «Il faut que vous preniez la mesure de l'instant: 8 millions de personnes relèvent de l'aide alimentaire - on n'a jamais vu ça en France - et 12 millions vivent au froid en plein hiver», s'est-il exclamé récemment à l'Assemblée nationale.

Augmenter le Smic (gauche)

L'augmentation du Smic revient dans l'ensemble des programmes des candidats de gauche. La socialiste Anne Hidalgo s'est engagée à l'augmenter de 15% (soit environ 200 euros net par mois qui s'ajouteraient au 1.269 euros nets actuels) afin de «rendre justice aux premiers de corvée». Dans son programme présenté jeudi dernier, elle promet d'agir pour le pouvoir d’achat «afin que chacun puisse vivre dignement de son travail».

L'augmentation du Smic promposée varie selon les candidats. Jean-Luc Mélenchon promet de le faire passer à 1.400 euros nets, comme Christiane Taubira, la dernière venue dans la liste des candidats de gauche à la présidentielle. L'écologiste Yannick Jadot prévoit, quant à lui, de porter le Smic à 1.500 euros d'ici la fin de son quinquennat. Quant au communiste Fabien Roussel, il promet un salaire minimum de 1.800 euros brut.   

Augmenter les salaires en baissant les charges (Pécresse)

A droite, Valérie Pécresse a aussi fait de l'augmentation des salaires l'un des thèmes principaux de sa campagne, mais elle se différencie de la gauche en prônant une baisse des cotisations sociales. Selon ses prévisions, cette réduction permettrait d'augmenter de 10% les salaires «jusqu'à 2,2 Smic», soit «3.000 euros net» dans le privé. Elle est aussi favorable à «une stratégie métier par métier» qui pourrait inclure de «racheter les RTT» et pour une «revalorisation du salaire des enseignants».

Baisse de la CSG... (Zemmour)

La principale proposition du candidat d'extrême droite Eric Zemmour consiste à réduire les cotisations pour rendre un 13e mois aux Français (100 euros de plus par mois). Cette mesure passerait par la baisse de la CSG pour une partie des salariés jusqu'à 2.000 euros. Le ministre des Finances Bruno Le Maire a jugé que sa proposition allait «se heurter à un problème de droit majeur» car «la CSG est un impôt» et «tout le monde doit être égal devant l'impôt».

... ou de la TVA... (Le Pen)

Face à la hausse des prix des carburants et de l'énergie, la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen propose une mesure fiscale: abaisser drastiquement la TVA. Elle passerait à 5,5% pour les carburants et l'énergie, contre 20% actuellement pour l'essence, le fioul, le gaz et l'électricité. Cette mesure aurait un impact conséquent sur les finances de l'Etat, son coût étant estimé par le Rassemblement national lui-même à 12 milliards d'euros par an.

Et aussi: du renouvelable ou des nationalisations

Le candidat des Verts Yannick Jadot défend l'idée que «l'écologie est l'amie du pouvoir d'achat» grâce à des investissements dans des énergies renouvelables dont les coûts qui, selon lui, «ne font que baisser». Comme lui, le communiste Fabien Roussel souhaite renationaliser EDF et instaurer «zéro taxation» sur les droits de succession «en dessous de 118.000 euros».

Le plein emploi, un Graal inaccessible?

Disparu depuis les Trente Glorieuses, le plein emploi est un objectif traditionnellement promis avant chaque élection présidentielle et celle d'avril prochain n'échappe pas à la règle. Mais de quoi parle-t-on exactement?

- Le plein emploi, c'est quoi?

Pour Mathieu Plane (OFCE), "le vrai plein emploi, c'est le fait qu'une personne qui souhaite travailler trouve un emploi, donc forcément un taux de chômage très bas".

Pour autant, comme le rappelle Mireille Bruyère, économiste à l'université de Toulouse, "le plein emploi, ce n'est pas le taux de chômage à zéro car il y a toujours un chômage +frictionnel+", le temps pour trouver un emploi entre deux postes ou à la fin des études.

Selon les pays aux marchés du travail plus ou moins flexibles, ce taux serait entre 3 et 5%. En France, les économistes parlent souvent d'un taux "de l'ordre de 5%".

Mais cet objectif varie dans le temps. Aux Etats-Unis, il a lontemps été estimé à 5% jusqu'à ce que le chômage s'installe durablement à près des 4%. "Ces théories du plein emploi doivent s'adapter à l'observation", relativise Vladimir Passeron, chef du département de l'emploi à l'Insee.

Pour Mathieu Plane, ce plein emploi ne doit pas être confondu avec le "chômage structurel" (évalué autour de 7%), taux au-dessous duquel l'économie rentre "en surchauffe à travers des tensions inflationnistes". Pour baisser ce chômage structurel, des réformes de structure sont nécessaires: flexibilisation du marché du travail, incitations au retour à l'emploi, etc.

- Où en est la France?

Un peu au-dessus de 3% en 1975, le taux de chômage, mesuré selon les normes précises du Bureau international du travail (BIT) pour permettre des comparaisons entre pays, n'est jamais repassé sous la barre des 7% depuis 40 ans (6,9% en 1981). Au plus haut, il a atteint 10,7% (en 1994 et en 1997).

De 9,5% au début du quinquennat, il s'est établi à 8,1% au 3e trimestre 202l, soit 2,4 millions de personnes.

- Un objectif atteignable?

L'objectif du plein emploi est "vertueux", selon M. Plane. "Ça paraît loin, mais la bonne surprise de cette crise c'est qu'on n'a pas eu l'explosion du chômage attendue et qu'on est même surpris par la vigueur du marché du travail". Avant Omicron, "on était dans un scénario de reprise assez dynamique qui potentiellement pouvait conduire à une baisse assez durable du chômage", ajoute-t-il, notant que "tout ça est très dépendant des scénarios de croissance et de la politique de sortie de crise".

Pour Yannick L'Horty, professeur à l'Université Paris-Est, passer à moins de 7% serait "déjà une rupture par rapport à quatre décennies de chômage élevé". Cette perspective devient "envisageable, même probable alors qu'auparavant c'était inatteignable". Et à moyen terme, "l'horizon des 5% n'est plus inimaginable".

- Les limites de l'indicateur

Le taux de chômage est un indicateur "très restrictif", souligne Mireille Bruyère, car il ne rend pas compte du travail dans son "ensemble": temps partiel, durée des contrats, etc.

"C'est l'indicateur de référence mais ce ne peut être le seul", renchérit Yannick L'Horty, pointant notamment le fait qu'environ un demandeur d'emploi sur deux est inscrit depuis plus d'un an, "un indicateur qui s'est détérioré avec la crise".

Il faut aussi tenir compte du "halo autour du chômage", soit 1,9 million de personnes au 3e trimestre 2021 qui souhaitent travailler mais ne sont pas considérées au chômage au sens du BIT parce qu'elles ne recherchent pas d'emploi, étant découragées ou indisponibles.

Enfin, le taux de chômage dépend aussi de la variation de la population active, très difficile à prévoir.

En dépit de fortes créations d'emplois au 3e trimestre, le chômage a quand même augmenté (+0,1 point), des personnes s'étant remises à chercher du travail (sortant ainsi du "halo"). Et le boom de l'apprentissage a augmenté le nombre de jeunes actifs.

L'Insee s'attend en 2022 à ce que la progression de la population active ralentisse ce qui, avec une hausse même modérée de l'emploi, suffirait à baisser le chômage à 7,6% au 2e trimestre 2022.

In fine, résume M. Plane, "le bon plein emploi, c'est un taux de chômage bas, un sous-emploi (temps partiel subi) faible et peu de halo". Or, "quand on est à 8% de chômage, si vous prenez le sous-emploi et le halo, vous doublez ce chiffre". Il reste donc du chemin à faire.


Voter une loi pour «sauver Marine Le Pen» est «impensable», estime Xavier Bertand

Xavier Bertrand a martelé que Marine Le Pen "n'était pas une victime" et regrette que certains soient tombés dans le "piège de la victimisation", appelant les responsables politiques à préserver "la stabilité des institutions et donc le respect de la séparation des pouvoirs". (AFP)
Xavier Bertrand a martelé que Marine Le Pen "n'était pas une victime" et regrette que certains soient tombés dans le "piège de la victimisation", appelant les responsables politiques à préserver "la stabilité des institutions et donc le respect de la séparation des pouvoirs". (AFP)
Short Url
  • Il a dénoncé la pression que subissaient les magistrats, ajoutant ne pas vouloir "qu'on joue un mauvais remake du Capitole", faisant référence à l'assaut du Capitole par les soutiens de Donald Trump après sa défaite à l'élection présidentielle de 2020
  • Xavier Bertrand a déploré un traitement de faveur envers la patronne des députés RN à l'Assemblée pour laquelle "on trouverait la place pour une loi d'exception pour (la) sauver", alors qu'"on ne trouve pas la place" pour voter les "urgences"

PARIS: Il est "impensable" de faire un traitement de faveur avec "une loi d'exception pour sauver Madame Le Pen", a fustigé mercredi Xavier Bertrand, en référence à la proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire qu'Eric Ciotti veut déposer.

"Ce serait impensable parce que ça voudrait dire que l'Assemblée nationale remplace la Cour d'appel, que l'Assemblée nationale intervient avant la Cour d'appel, arrêtons cette confusion des genres", s'est insurgé le président LR de la région Hauts-de-France sur RTL.

Eric Ciotti, patron des députés UDR à l'Assemblée et allié du RN, a annoncé mardi que son groupe déposerait une proposition de loi en juin pour "supprimer" l'exécution provisoire après la condamnation choc de Marine Le Pen à une peine d'inéligibilité de cinq ans avec effet immédiat.

Xavier Bertrand a déploré un traitement de faveur envers la patronne des députés RN à l'Assemblée pour laquelle "on trouverait la place pour une loi d'exception pour (la) sauver", alors qu'"on ne trouve pas la place" pour voter les "urgences", évoquant notamment la loi sur les homicides routiers ou celle sur la justice des mineurs.

Pour l'élu LR, cette proposition de "loi Ciotti, Le Pen" reviendrait à "contourner la justice".

Il a dénoncé la pression que subissaient les magistrats, ajoutant ne pas vouloir "qu'on joue un mauvais remake du Capitole", faisant référence à l'assaut du Capitole par les soutiens de Donald Trump après sa défaite à l'élection présidentielle de 2020.

M. Bertrand se réjouit de l'annonce de la Cour d'appel qui devrait rendre une décision à "l'été 2026", qui prouve selon lui qu'"il n'y a aucun complot contre Madame Le Pen" qui va pouvoir "épuiser les voies de recours".

Xavier Bertrand a martelé que Marine Le Pen "n'était pas une victime" et regrette que certains soient tombés dans le "piège de la victimisation", appelant les responsables politiques à préserver "la stabilité des institutions et donc le respect de la séparation des pouvoirs".


L'Assemblée s'empare de la sensible réforme du scrutin à Paris, Lyon et Marseille

Short Url
  • La commission des lois doit examiner dans la matinée une proposition de loi initialement portée par le député Sylvain Maillard, ancien président du groupe Renaissance, et chef des macronistes à Paris.
  • Le texte a le soutien du Premier ministre, à défaut de celui de Bruno Retailleau.

PARIS : Modifier le mode d'élection à Paris, Lyon et Marseille à un an des municipales : une gageure, tant le sujet est épineux et les oppositions nombreuses, y compris au sein de la coalition gouvernementale. Mais alors que le sujet fait ses premiers pas à l'Assemblée mercredi, les défenseurs du texte veulent croire au succès d'une réforme « populaire ».

La commission des lois doit examiner dans la matinée une proposition de loi initialement portée par le député Sylvain Maillard, ancien président du groupe Renaissance, et chef des macronistes à Paris. Son arrivée dans l'hémicycle est prévue en début de semaine prochaine.

Le texte a le soutien du Premier ministre, à défaut de celui de Bruno Retailleau, qui se fait l'écho des sénateurs LR dont il était encore il y a peu le chef. 

Selon les promoteurs de la proposition de loi, les sénateurs LR de Paris rejettent une réforme qui fragiliserait leur réélection.

Pour l'essentiel, cette réforme prévoit de mettre en place deux scrutins distincts pour les trois métropoles : l'un pour élire les conseillers d'arrondissement ou de secteur, l'autre pour élire ceux du conseil municipal, sur une circonscription unique.

Actuellement, les électeurs votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers d'arrondissement, et les élus du haut de la liste siègent à la fois au conseil d'arrondissement et au conseil municipal.

Ce mode de scrutin est décrié, car il peut aboutir à l'élection d'un maire ayant réuni une minorité de voix. De plus, l'élection se joue dans une poignée d'arrondissements clés.

Dans ces trois villes, « tout se joue sur deux ou trois arrondissements, tout le reste ça ne compte pas », ce qui conduit les maires à s'occuper « en priorité » des arrondissements qui les ont élus, explique M. Maillard à l'AFP. « On pense que c’est un problème démocratique », ajoute-t-il, en défendant le principe « un électeur, une voix », et en soulignant le soutien dont bénéficie la réforme dans l'opinion.

Le texte prévoit aussi de modifier la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête, en l'abaissant à 25 % au lieu de 50 % comme c'est le cas actuellement dans l'ensemble des communes.

- LR grand perdant ? 

Mais les oppositions sont multiples, issues de la droite comme de la gauche hors LFI (le RN et les Insoumis se montrant plus enclins au changement, alors qu'ils n'ont quasiment pas d'élus dans ces villes). Les députés Léa Balage, El Mariky (EELV), Sandrine Runel (PS) et Olivier Marleix (LR) ont ainsi déposé des amendements de suppression du principal article du texte.

La porte-parole du groupe écologiste dénonce une « réforme précipitée, sources d'inégalités, de déséquilibres démocratiques et d'évidentes difficultés pratiques ».

Sur le fond, certains s'étonnent notamment qu'une réforme prétendant rapprocher le scrutin municipal des trois villes opte pour une prime majoritaire spécifique. D'autres encore craignent une dilution du rôle des arrondissements.

Sur la forme, beaucoup contestent la volonté d'appliquer le texte dès 2026, alors que le code électoral prévoit qu'on ne puisse modifier le mode de scrutin ou le périmètre des circonscriptions moins d'un an avant le premier tour d'une élection.

Désigné rapporteur du texte, le député MoDem Jean-Paul Mattei s'est efforcé de déminer le sujet en multipliant les rencontres et en proposant des amendements de réécriture avec différents scénarios.

Cet effort a contribué à décaler l'examen en commission, initialement prévu le 12 mars. Il a aussi conduit le président de la Commission des lois, Florent Boudié (Renaissance), à demander au ministère de l'Intérieur des projections sur les conséquences des modifications envisagées, en se fondant sur les résultats de 2020.

Selon ces projections consultées par l'AFP, le nombre de sièges de LR connaîtrait un très net recul, tandis que celui des macronistes augmenterait. À Paris, par exemple, la droite aurait obtenu, avec la réforme proposée par Sylvain Maillard, 34 sièges de conseillers de Paris, contre 55, et les listes conduites par Agnès Buzyn et Cédric Villani 31 sièges, au lieu de 11.

« On ne peut pas dire qu'il y ait un énorme consensus », convient M. Mattei, qui ne désespère pas cependant de parvenir à une réforme qui s'applique dès 2026.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Short Url
  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.