Une nouvelle année se termine au Liban, et peu de signes laissent entrevoir une avancée. Le conseil des ministres ne peut se réunir, bloqué par le Hezbollah et par le mouvement Amal, son allié.
Tout indique que la situation va se dégrader. Les élections du mois de mai ne devraient pas apporter de changement radical. Le seul espoir vient de l’élection présidentielle, prévue plus tard en 2022. Mais l’année que les Libanais devront traverser sera difficile.
Pendant la période des fêtes, le taux de change du dollar s'est stabilisé entre 26 000 et 27 000 livres libanaises. Cependant, il a récemment connu une certaine stabilité dans la mesure où de nombreux expatriés sont rentrés pendant les vacances de Noël pour passer du temps avec leurs familles, apportant avec eux des devises fortes.
Ce petit épisode d'activité économique devrait se dissiper au cours de la nouvelle année et le taux de change par rapport au dollar continuer à augmenter.
Personne ne sait réellement le montant des réserves de la banque centrale du Liban. Le gouverneur est évasif sur cette question et, en l'absence de réserves en devises fortes, la livre devrait continuer de baisser.
L'économiste et expert financier Samir Nasr explique: «Sans un plan global qui comprendraitdes réformes fiscales, une restructuration bancaire, des mesures administratives, des mécanismes de soutien social et un coup de pouce au secteur privé ainsi qu'aux investissements publics, il n'y a pas de perspectives positives. Les mesures partielles et les réformes incomplètes ne fonctionnent pas; elles ne renforcent pas la confiance. Si le gouvernement accepte un programme du FMI [Fonds monétaire international, NDLR], ce sera un bon signe.»
Cependant, il n'existe pas d'accord au sein de la classe politique pour entamer des négociations avec le FMI.
Lors de sa visite au Liban, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a déclaré que les politiciens n'avaient pas le droit de rester divisés et de paralyser le pays. L'alliance du Hezbollah avec le président du pays, Michel Aoun, qui en fait la force gouvernant de facto le pays, est dans une situation précaire. Le président du parlement, Nabih Berri, un allié du Hezbollah, entretient une relation toxique avec Aoun.
Alors que la classe politique s'accroche au pouvoir, ses membres ne peuvent même pas s'entendre entre eux. Cela conduit à une impasse qui est susceptible de se prolonger. Puisqu'ils contrôlent «l'État», ils contrôlent tous les services qui peuvent être fournis au peuple libanais. Cela signifie que chaque leader peut contrôler sa communauté – encore davantage maintenant, avec des personnes dans le besoin.
La communauté internationale pourrait toujours introduire des sanctions, mais il est peu probable que la classe politique flanche. Gebran Bassil, le gendre du président, ne semble pas en être affecté. Il espère toujours devenir président en 2022.
L'administration américaine et la communauté internationale tiennent à fournir une aide humanitaire et à éviter un effondrement total, mais ce n'est pas une solution. Il est peu probable que les élections prévues au mois de mai déracinent la classe politique actuelle, qui a des décennies d'expérience et une solide machine électorale.
Cependant, ce vote pourrait changer l'arithmétique parlementaire et prendre le pouvoir au Hezbollah, alors que l'électorat chrétien se dirige vers le rival d'Aoun, le parti des Forces libanaises, dirigé par Samir Geagea. Cela affaiblira le Hezbollah, qui perdra sa «couverture» chrétienne ainsi que sa majorité parlementaire.
Lundi dernier, Aoun a prononcé un discours dans lequel il a promis de «renverser la situation», mais il n'a rien apporté de nouveau. Il s’agissait d’une tentative désespérée et infructueuse pour récupérer une partie de la popularité que le président a perdue à cause de son alliance avec le Hezbollah. Bien qu’il ait critiqué ceux qui «bloquent» le gouvernement, il n'a pas osé évoquer l’organisation.
Malgré ces perspectives sombres pour le Liban, les militants ont une lueur d'espoir. Hayat Arslan, une militante politique chevronnée, m'a révélé qu'il y avait trois axes sur lesquels les Libanais pouvaient fonder leur optimisme: l'inscription élevée des électeurs grâce auxexpatriés (qui ne sont pas soumis aux mêmes pressions que les Libanais chez eux), la résilience de la justice, et la fiabilité de l'armée.
En ce qui concerne l'inscription sur les listes électorales, le Conseil constitutionnel a jusqu'à présent refusé la demande du Courant patriotique libre de restreindre le vote des expatriés, ce qui pourrait avoir de l’importance pour six sièges. Au total, 225 000 expatriés sont enregistrés, dont 27 000 dans la circonscription représentée par Gebran Bassil, le principal allié du Hezbollah. Ces votes feront la différence et ils auront certainement le pouvoir de changer la majorité parlementaire.
En outre, le chef du pouvoir judiciaire a résisté aux pressions destinées à déposséder le juge Tarek Bitar, en charge de l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth, survenue en 2020.
Entre-temps, les forces armées se sont révélées une institution cohérente, cohésive, professionnelle et patriotique. Elles ont fait leurs preuves lors des violents affrontements dans le quartier de Tayouneh, à Beyrouth, au mois d’octobre dernier, lorsque l'armée est intervenue contre des militants du Hezbollah.
Malgré la percée que la société civile pourrait effectuer au mois de mai, il y a peu d'espoir d'un changement du système. Cependant, il existe une chance de changement vers la fin de l’année 2022. Si une pression suffisante est exercée sur la classe politique, et si ce phénomène est associé à un changement de Parlement, la prochaine élection présidentielle pourrait amener une personnalité engagée dans les réformes, qui disposerait de suffisammentde courage pour affronter la classe politique et lui refuser ses privilèges. Cela pourrait être le début d'un long processus qui mènerait à un Liban réformé.
Dans la mesure où les Libanais voient leur pauvreté s’aggraver, il y a peu d'espoir de changement dans un avenir proche. Cependant, il est de plus en plus clair pour les Libanais et pour la communauté internationale que le système politique actuel est la source de tous les maux du pays et que, à moins que cela ne change, il n'y aura pas de résurrection pour le pays.
Le Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes spécialisée dans le lobbying. Elle est cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II. Elle est également chercheuse affiliée à l'Institut Issam Fares pour la politique publique et les affaires internationales de l'Université américaine de Beyrouth.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com