Lorsqu’ils se sont quittés, vendredi dernier, presque aucun des différents membres des délégations qui participaient aux négociations de Vienne pour un accord sur le nucléaire iranien ne semblait croire à une conclusion heureuse après un septième round – relancé le 29 novembre dernier – dont le moins qu’on puisse dire est qu’il s’est soldé par un échec. Il semblerait que les réunions des équipes d’experts aient avancé, mais les principales négociations n’ont pas enregistré le moindre dénouement positif dans ces réunions à deux temps où le groupe des pays européens «3+1» joue le rôle de facilitateur entre Washington et Téhéran. La table des négociations à Vienne sera donc désertée pour un temps indéfini.
Plusieurs observateurs avertis pensent que Téhéran traîne le pas dans les négociations pour se donner le temps d’aboutir au rang de puissance nucléaire.
Aucune date n’a été fixée pour une reprise. Les puissances occidentales sont de plus en plus sceptiques quant au déroulement des événements, notamment avec l’accélération du processus d’enrichissement de l’uranium auquel se livrent les Iraniens. Ce dernier a désormais dépassé 60%, un niveau inquiétant qui pourrait ouvrir la voie à un enrichissement plus poussé, atteignant les 90% nécessaires à la production de la bombe nucléaire.
Plusieurs observateurs avertis pensent que Téhéran traîne le pas dans les négociations pour se donner le temps d’aboutir au rang de puissance nucléaire. Ce serait l’objectif ultime de la «république islamique»! Tout le processus diplomatique entamé avec le groupe «4+1» et les États-Unis ne serait, en réalité, qu’une manœuvre destinée à éloigner le spectre d’une possible action militaire dirigée, sinon cautionnée, par Washington.
Depuis des mois, Israël mène une campagne diplomatique effrénée qui vise à convaincre l’administration Biden du bien-fondé de sa conviction: l’Iran ne cherche pas un retour à l’accord nucléaire de 2015 (Accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou JCPOA), mais utilise à Vienne la table des pourparlers comme un leurre. En effet, il n’a de cesse de parfaire sa technologie nucléaire tout en gardant à distance les inspecteurs de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique, NDLR), refusant de leur remettre les enregistrements des caméras de contrôle.
Après une longue période d’apaisement, l’administration Biden commence à hausser le ton, évoquant un «plan B» assez vague qui consisterait à renforcer le régime des sanctions tout en conservant une position floue en ce qui concerne l’option militaire.
Téhéran continue d’empêcher l’accès des inspecteurs aux sites suspects. L’administration Biden traîne le pas et se garde bien de suivre Tel-Aviv, qui développe une rhétorique anti-iranienne et s’attache à bien faire comprendre que l’option militaire est bel et bien sur la table. Ses projets seraient même dans une phase avancée, avec des exercices militaires destinés à une éventuelle frappe israélienne sur les infrastructures nucléaires de l’Iran.
Washington témoigne toujours d’une forme de réticence au sujet de l’éventualité de recourir à la force contre Téhéran. Toutefois, après une longue période d’apaisement, l’administration Biden commence à hausser le ton, évoquant un «plan B» assez vague qui consisterait à renforcer le régime des sanctions tout en conservant une position floue en ce qui concerne l’option militaire. En effet, l’administration Biden avait misé sur une relance relativement rapide de l’accord de 2015 en assouplissant un bon nombre de sanctions et en évitant de mener des représailles militaires contre les milices pro-iraniennes qui s’en prenaient régulièrement aux intérêts américains en Irak et en Syrie.
Mais cette politique d’apaisement est un échec et Téhéran continue sa marche vers la bombe sans que le septième round des négociations, à Vienne, ne soit en mesure de l’arrêter. Si Washington, avec ses alliées du groupe européen «3+1», lance des mises en garde contre tout enlisement des pourparlers de Vienne, il se retrouve dans une position de faiblesse vis-à-vis de l’obstination iranienne du fait que l’option militaire soit bien peu crédible.
Téhéran est aujourd’hui plus proche que jamais de confectionner cette bombe. En la développant, l’Iran pourrait revenir à la table des négociations en position de force.
Car c’est bien la crédibilité de l’administration Biden qui est mise en question. En décidant de baisser le niveau d’engagement au Moyen-Orient en faveur d’une plus grande concentration des efforts en Asie de l’Est, où se déroule une grande rivalité stratégique entre les États-Unis et la Chine, l’administration Biden montre un signe de faiblesse dans la région, qui intervient juste après le retrait catastrophique de l’Afghanistan. Voilà qui pourrait encourager Téhéran à miser sur un ramollissement de la position américaine et à durcir sa position.
Il y a là de quoi pousser les Iraniens à tester la détermination des Américains au sujet du dossier nucléaire. Dès lors, une question légitime se pose: et si Washington et le monde se faisaient déjà à l’idée de coexister avec un Iran doté de la bombe nucléaire? Le fait est que Téhéran est aujourd’hui plus proche que jamais de confectionner cette bombe. En la développant, l’Iran pourrait revenir à la table des négociations en position de force, sur la base du fait accompli, pour reprendre à zéro le «deal» de 2015 et retirer de la table le dossier des ingérences iraniennes dans la région du Moyen-Orient et celui des programmes de missiles balistiques et des drones.
En conclusion, il n’y aura pas de rendez-vous pour une huitième réunion à Vienne. Entre-temps, Téhéran ne fléchit pas sur l’essentiel et Israël semble isolé dans sa croisade pour arrêter la marche à la bombe de l’Iran, à moins d’un soudain revirement américain qui réactiverait de manière crédible l’option militaire et serait capable de pousser Téhéran à rebrousser chemin.