Vote final au Parlement pour le dernier budget du quinquennat Macron

Une vue du ministère de l'Economie et des Finances à Bercy. (AFP).
Une vue du ministère de l'Economie et des Finances à Bercy. (AFP).
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Publié le Mercredi 15 décembre 2021

Vote final au Parlement pour le dernier budget du quinquennat Macron

  • Après avoir ouvert les vannes de la dépense publique pour sauvegarder l'économie face au Covid, le projet de budget 2022 avait la délicate mission de la canaliser
  • Droite et gauche ont toutefois peu goûté la performance vantée par le gouvernement, sur la forme comme sur le fond

PARIS: Le Parlement achève mercredi son marathon budgétaire avec un ultime vote des députés sur le dernier projet de loi de finances du quinquennat Macron, malgré l'agacement des oppositions qui dénoncent ses visées électoralistes. 


Passer du "quoi qu'il en coûte" au "quoi qu'il arrive", telle est la philosophie du ministre des Comptes publics Olivier Dussopt.


Après avoir ouvert les vannes de la dépense publique pour sauvegarder l'économie face au Covid, le projet de budget 2022 avait la délicate mission de la canaliser tout en tenant compte de la menace épidémique persistante.


Selon ses prévisions, le déficit sera ramené à 5% du PIB, mais l'endettement du pays atteindra des niveaux record à 113,5% du PIB l'année prochaine - loin des promesses de début de mandat d'Emmanuel Macron, épidémie oblige.


Au moment d'entamer la dernière ligne droite vers la présidentielle, l'exécutif peut cependant s'appuyer sur une prévision de croissance de 6,25% pour 2021 et de 4% pour 2022.


Droite et gauche ont toutefois peu goûté la performance vantée par le gouvernement, sur la forme comme sur le fond.


Elles dénoncent "un budget de campagne" et une méthode qui a consisté à muscler le texte à coups de milliards d'euros votés par amendements.


Plan d'investissement France 2030, plan pour Marseille, contrat d'engagement jeune pour les moins de 25 ans, mesures du bouclier tarifaire pour lutter contre la flambée des prix de l'énergie: le gouvernement a multiplié les promesses et annonces en les rajoutant au fil de l'eau de la discussion budgétaire.


"Ce sont des effets d'annonces qui auront par exemple très peu d'effets en termes d'investissement", tacle Eric Coquerel (LFI).

Régalien, plan France 2030, bouclier tarifaire: les mesures du budget 2022

Priorité au régalien, plan d'investissements France 2030, bouclier tarifaire contre la hausse des prix de l'énergie: le projet de loi de finances pour 2022 est marqué par une nette hausse des dépenses des ministères et table sur une croissance forte.

  • Une forte reprise économique

Le projet de budget repose sur une prévision de croissance de 6,25% pour 2021 et de 4% pour 2022, une des reprises économiques les plus fortes de la zone euro, après l'une des récessions les plus massives en Europe (-8% en 2020).


Le gouvernement table sur un déficit public de 8,2% du PIB en 2021 et de 5% du PIB en 2022.


Grâce à la reprise, le ratio de dette publique ne devrait finalement que légèrement augmenter cette année à 115,3% du PIB, puis reculer à 113,5% en 2022.

  • Les missions régaliennes à l'honneur

Les ministères régaliens tirent leur épingle du jeu de la négociation budgétaire, avec +1,7 milliard d'euros pour les Armées, +1,4 milliard pour l'Intérieur et +720 millions pour la Justice.


L'Education est également bien dotée (+1,7 milliard, après +4,3 milliards en 2021), notamment pour financer les revalorisations des rémunérations des enseignants, tout comme la Recherche (+760 millions d'euros).

  • Baisses d'impôts

Le gouvernement maintient le calendrier des baisses d'impôts décidées avant la crise mais ne souhaite prendre aucune nouvelle mesure fiscale.


Les 20% de ménages les plus aisés verront leur taxe d'habitation réduite l'an prochain, après une première étape en 2021. Déjà supprimée totalement pour 80% des ménages, elle le sera pour tous les contribuables en 2023.


De même, l'impôt sur les sociétés passera à 25% pour toutes les entreprises, dernière marche d'une réforme engagée en 2018 dans le but d'améliorer leur compétitivité.

"Stabilité" du nombre de fonctionnairesA l'issue de ce dernier budget, le gouvernement prévoit une stabilité du nombre de fonctionnaires durant l'ensemble du quinquennat, très loin de la réduction d'effectifs de 120.000 agents publics au total préconisée par Emmanuel Macron dans son programme électoral en 2017.

  • Plan d'investissement France 2030

Par un amendement voté durant les débats, ce projet de loi de finances décline le plan d'investissement France 2030 présenté par Emmanuel Macron en octobre. Il prévoit 34 milliards d'euros d'autorisations d'engagement durant plusieurs années avec une première tranche de 3,5 milliards en 2022.


Ils sont ventilés sur les différents objectifs attribués à France 2030, comme la "production en France d'au moins 20 bio-médicaments" (660 millions en 2022) ou l'ambition de "faire de la France le leader de l'hydrogène décarboné" (340 millions en 2022).

  • Bouclier tarifaire

L'Assemblée nationale a validé le "bouclier tarifaire" promis par le gouvernement pour atténuer la hausse persistante des prix de l'énergie, via le gel des tarifs réglementés du gaz et une limitation à 4% du tarif réglementé de l'électricité début 2022. Une mesure de dédommagement est prévue pour les fournisseurs.


Les incertitudes entourant la flambée des prix de l'électricité ont conduit le gouvernement à faire adopter un nouvel amendement en deuxième lecture, octroyant la possibilité de bloquer unilatéralement la hausse des tarifs réglementés de vente (TRV) d'électricité.


L'indemnité inflation de 100 euros pour les Français percevant moins de 2.000 euros net par mois est quant à elle comprise dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021.

  • Contrat d'engagement jeune

Le gouvernement prévoit 550 millions d'euros en 2022 pour son nouveau contrat d'engagement jeune, un dispositif fléché vers les moins de 25 ans les plus éloignés de l'emploi, avec une allocation pouvant aller jusqu'à 500 euros par mois en échange de 15 à 20 heures de formation et d'accompagnement. Le dispositif, voté via un amendement gouvernemental, vise "au moins 400.000 jeunes" en 2022.

 

  • Plan Marseille

Dans la foulée des déplacements d'Emmanuel Macron à Marseille, le budget prévoit des investissements pour la deuxième ville de France. En 2022, 32 millions d'euros de subventions directes et 100 millions d'euros d'avances remboursables sont destinés aux transports marseillais. Le gouvernement apporte aussi la garantie de l'Etat pour 650 millions d'euros d'emprunts de la future société chargée de piloter la rénovation des écoles de Marseille. Six millions de subventions directes sont également prévues en 2022 sur ce volet.

 

  • Harkis

Cinquante millions d'euros sont prévus pour apporter une première concrétisation de la promesse d'Emmanuel Macron de "réparation" à l'égard des harkis, ces Algériens ayant combattu aux côtés de l'armée française durant la guerre d'Algérie.

Désormais unie derrière Valérie Pécresse qui avait accusé Emmanuel Macron de "cramer la caisse", la droite, qui prétend incarner le sérieux budgétaire, fustige la dérive des comptes publics. 


Selon les calculs du président LR de la commission des Finances Eric Woerth, l'ajout de quelque 130 amendements en première lecture a gonflé de 12 milliards d'euros les dépenses par rapport au projet de loi de finances initial.


En deuxième lecture au Palais Bourbon, ce sont encore 500 millions de dépenses nouvelles qui ont été votées. 


Baisse de la fiscalité 

Entre-temps, le Sénat dominé par la droite avait refusé d'examiner la partie "recettes" du budget, entraînant mécaniquement le rejet de l'ensemble du texte. En nouvelle lecture mardi, les sénateurs ont voté une motion entraînant d'emblée son rejet.   


La droite sénatoriale s'alarme du niveau des dépenses qui "hypothèque sérieusement l'avenir et obère les marges de manoeuvre de la prochaine majorité", mais le rapporteur général LREM à l'Assemblée Laurent Saint-Martin n'y voit qu'une "posture politique".


Les députés LR ont annoncé une saisine du Conseil Constitutionnel au motif de "l'insincérité" de ce budget.


Dans une campagne présidentielle où règne une quasi-unanimité pour sanctuariser les budgets des ministères régaliens, l'exécutif défend son bilan en affichant les augmentations promises par Emmanuel Macron sur les crédits de l'Intérieur, la Défense, l'Education ou la Recherche mais aussi la Justice.


Ces hausses n'ont rien d'une assurance anti-contestation, comme en témoigne la fronde d'une large partie du monde judiciaire qui crie misère, alors que la place Vendôme peut se prévaloir d'avoir augmenté de 8% en 2021 puis en 2022 son budget. 


Au total, l'enveloppe pour les ministères a grimpé de 11 milliards d'euros. 


Au rayon des promesses tenues, le gouvernement peut en outre se targuer d'avoir allégé la fiscalité des ménages et des entreprises de 50 milliards sur le quinquennat, au grand dam de la gauche qui s'offusque de ces "cadeaux" aux plus riches et au patronat.


Alors que Paris entend convaincre l'UE et en particulier la nouvelle coalition au pouvoir à Berlin d'assouplir les règles du pacte de stabilité européen et la sacro-sainte règle des 3% du PIB pour le déficit, l'examen du budget 2022 par le Parlement est le dernier dans son genre.


Dès l'année prochaine, la discussion budgétaire sera rénovée grâce à l'entrée en vigueur d'une réforme pilotée par Eric Woerth et Laurent Saint-Martin. 


L'année budgétaire sera davantage calée sur le calendrier européen. Le débat parlementaire donnera davantage de place aux questions de dette et d'investissements. Reste à savoir qui à l'Elysée et à Bercy pilotera la prochaine politique économique du pays.


Vaste opération des forces de l'ordre en Nouvelle-Calédonie, après six morts dans des émeutes

Une rue bloquée par des débris et des objets brûlés est visible après les troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024.  (Photo Delphine Mayeur / AFP)
Une rue bloquée par des débris et des objets brûlés est visible après les troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur / AFP)
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  • Cette opération «avec plus de 600 gendarmes» vise «à reprendre totalement la maîtrise de la route principale de 60 km entre Nouméa et l’aéroport», a annoncé le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin dans un message sur X
  • Sur la route vers l’aéroport, des indépendantistes filtraient toujours le passage par de très nombreux barrages faits de pierres, d'engins divers ou d'autres objets, en fonction des véhicules qui se présentaient

NOUMÉA, France : L'Etat français a lancé dimanche une vaste opération des forces de l'ordre dans son archipel du Pacifique Sud de Nouvelle-Calédonie pour dégager la route vers l'aéroport, après six morts en six jours d'émeutes contre une réforme électorale.

Cette opération «avec plus de 600 gendarmes» vise «à reprendre totalement la maîtrise de la route principale de 60 km entre Nouméa et l’aéroport», a annoncé le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin dans un message sur X.

Une urgence pour les autorités, d'autant que la Nouvelle-Zélande a annoncé dimanche avoir demandé à la France de pouvoir poser des avions, afin de rapatrier ses ressortissants.

«Nous sommes prêts à décoller, et attendons l'autorisation des autorités françaises pour savoir quand ces vols pourront avoir lieu en toute sécurité», a indiqué dans un communiqué le ministre des Affaires étrangères, Winston Peters.

En l'absence de vols depuis et vers la Nouvelle-Calédonie, suspendus depuis mardi, le gouvernement de l'archipel estimait samedi que 3.200 personnes étaient bloquées, soit parce qu'elles ne pouvaient pas quitter l'archipel, soit parce qu'elles ne pouvaient pas le rejoindre.

- Plus de 3.000 personnes bloquées -

Pour déblayer la route vers l'aéroport, un convoi constitué notamment de blindés et d'engins de chantier à quitté Nouméa, dans un premier temps vers Païta.

Mais des journalistes de l'AFP ont constaté que dimanche à la mi-journée, à Nouméa et dans les communes avoisinantes, des indépendantistes filtraient toujours le passage par de très nombreux barrages faits de pierres, d'engins divers ou d'autres objets, en fonction des véhicules qui se présentaient.

«On est prêt à aller jusqu’au bout, sinon à quoi bon?», a dit un manifestant à l'AFP sur un barrage à Tamoa.

Les violences ont fait six morts, le dernier en date samedi après-midi, un Caldoche (Calédonien d'origine européenne) à Kaala-Gomen, dans la province Nord. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois civils kanaks, dans l'agglomération de Nouméa.

Dans un communiqué dimanche matin, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a fait cependant état d'une nuit «plus calme», soulignant que l'Etat se mobilisait.

«Au total, 230 émeutiers ont été interpellés» en près d'une semaine, a-t-il précisé.

Reprendre le contrôle par la force devrait être un travail de longue haleine pour les forces de l'ordre. La violence dans certains quartiers chaque nuit montre que les émeutiers restent très déterminés.

«La réalité c'est qu'il y a (...) des zones de non-droit (...) qui sont tenues par des bandes armées, des bandes indépendantistes, de la CCAT. Et dans ces endroits, ils détruisent tout», affirmait samedi sur BFMTV le vice-président de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie, Philippe Blaise.

La Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) est une organisation indépendantiste radicale accusée d'inciter à la plus grande violence.

- «Ingérences» -

Nouvel exemple des troubles dans la nuit de samedi à dimanche: d'après la chaîne de télévision publique Nouvelle-Calédonie La 1ère, la médiathèque du quartier de Rivière salée à Nouméa a été incendiée.

Interrogée par l'AFP, la mairie de Nouméa a répondu dimanche matin n'avoir «aucun moyen pour le moment de le vérifier, le quartier étant inaccessible».

La maire de Nouméa, Sonia Lagarde (Renaissance), estimait samedi sur BFMTV que la situation était «loin d'un retour à l'apaisement». «Est-ce qu'on peut dire qu'on est dans une ville assiégée? Oui, je pense qu'on peut le dire», ajoutait-elle.

Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18H00 et 6H00 (7H00 et 19H00 GMT), l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool, et le bannissement de l'application TikTok.

Signe d'une situation qui pourrait durer, le passage de la flamme olympique en Nouvelle-Calédonie prévu le 11 juin a été annulé.

Pour la population, se déplacer, acheter des produits de première nécessité et se soigner devient plus difficile chaque jour. De moins en moins de commerces réussissent à ouvrir, et les nombreux obstacles à la circulation compliquent de plus en plus la logistique pour les approvisionner, surtout dans les quartiers les plus défavorisés.

Dimanche matin, la province Sud, qui regroupe près des deux tiers de la population, a annoncé que toutes les écoles resteraient fermées dans la semaine.

Les autorités françaises espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak, qui redoutent une réduction de leur poids électoral.

Sans faire de lien direct avec les violences, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a accusé l'Azerbaïdjan d'ingérence en Nouvelle-Calédonie, Bakou dénonçant des accusations «infondées».

Le sénateur français Claude Malhuret, rapporteur d'une commission d'enquête sur TikTok, interdit sur l'archipel en raison des émeutes, a lui estimé qu'il fallait plus craindre «des ingérences de la Chine» qui «veut être dans son pré carré en mer de Chine mais également prépondérante dans le Pacifique». «Elle a besoin de nickel pour produire ses batteries», a-t-il expliqué dans un entretien à l'AFP, en référence au minerai brut dont l'archipel détient 20 à 30% des ressources mondiales.

 


Le premier procès en France pour juger les crimes du régime syrien s'ouvre mardi

Le nouveau procureur antiterroriste français Olivier Christen pose lors d'une séance photo à Paris le 28 mars 2024 (Photo, AFP).
Le nouveau procureur antiterroriste français Olivier Christen pose lors d'une séance photo à Paris le 28 mars 2024 (Photo, AFP).
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  • Prévue sur quatre jours, l'audience sera filmée au titre de la conservation d'archives historiques de la justice
  • Parallèlement, en juillet 2016, l'épouse et la fille de Mazzen Dabbagh étaient expulsées de leur maison à Damas, qui était réquisitionnée par Abdel Salah Mahmoud

PARIS: Une première en France: trois hauts responsables du régime de Bachar Al-Assad seront jugés à partir de mardi, par défaut, de complicité de crimes contre l'humanité et de délit de guerre devant la cour d'assises de Paris, pour leur rôle dans la mort de deux Franco-syriens arrêtés en 2013.

Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ce procès "jugera les plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l'éclatement de la révolution syrienne en mars 2011".

Des procès sur les exactions du régime syrien ont déjà eu lieu ailleurs en Europe, notamment en Allemagne. Mais dans ces cas, les personnes poursuivies étaient de rang inférieur, et présentes aux audiences.

Visés par des mandats d'arrêt internationaux, Ali Mamlouk, ancien chef du Bureau de la sécurité nationale, la plus haute instance de renseignement en Syrie, Jamil Hassan, ancien directeur des très redoutés services de renseignements de l'armée de l'Air et Abdel Salam Mahmoud, ancien directeur de la branche investigation de ces services, seront jugés, eux, par défaut.

Pour cette raison, la cour d'assises sera composée de trois magistrats professionnels, sans jurés.

Prévue sur quatre jours, l'audience sera filmée au titre de la conservation d'archives historiques de la justice. Et pour la première fois à la cour d'assises de Paris, un interprétariat en arabe sera assuré pour le public.

Les deux victimes, Patrick et son père Mazzen Dabbagh, étudiant à la faculté de lettres et sciences humaines de Damas né en 1993 pour le premier et conseiller principal d'éducation à l'Ecole française de Damas né en 1956 pour le deuxième, avaient été arrêtés en novembre 2013 par des officiers déclarant appartenir aux services de renseignement de l'armée de l'Air syrienne.

Torture 

Selon le beau-frère de Mazzen Dabbagh, arrêté en même temps que lui mais relâché deux jours plus tard, les deux hommes, de nationalités française et syrienne, ont été transférés à l'aéroport de Mezzeh, siège d'un lieu de détention dénoncé comme un des pires centres de torture du régime.

Puis ils n'ont plus donné signe de vie jusqu'à être déclarés morts en août 2018. Selon les actes de décès transmis à la famille, Patrick serait mort le 21 janvier 2014 et Mazzen le 25 novembre 2017.

Dans leur ordonnance de mise en accusation, les juges d'instruction jugent "suffisamment établi" que les deux hommes "ont subi comme des milliers de détenus au sein des renseignements de l'armée de l'Air, des tortures d'une telle intensité qu'ils en sont décédés".

Coups de barres de fer sur la plante des pieds, décharges électriques, violences sexuelles... lors des investigations, plusieurs dizaines de témoins - dont plusieurs déserteurs de l'armée syrienne et des anciens détenus d'al-Mezzeh - ont détaillé aux enquêteurs français et à l'ONG Commission internationale pour la justice et la responsabilité (CIJA) les tortures infligées dans la prison de Mezzeh.

Parallèlement, en juillet 2016, l'épouse et la fille de Mazzen Dabbagh étaient expulsées de leur maison à Damas, qui était réquisitionnée par Abdel Salah Mahmoud. Des faits "susceptibles de constituer les délits de guerre, d'extorsion et de recel d'extorsion", selon l'accusation, qui souligne que "l'appréhension des propriétés des Syriens disparus, placés en détention, déplacés de force ou réfugiés, représentait un véritable enjeu pour le régime syrien".

"Beaucoup pourraient considérer ce procès comme symbolique, mais il s'inscrit dans un long processus et doit se lire à l'aune des procès" déjà tenus ou en cours ailleurs dans le monde, observe Me Clémence Bectarte, qui défend plusieurs parties civiles. "Tout cela participe à un effort de lutte contre l'impunité des crimes du régime syrien, d'autant plus indispensable que ce combat pour la justice est aussi un combat pour la vérité".

"On a tendance à oublier que les crimes du régime sont encore commis aujourd'hui", met en garde l'avocate. Ce procès vient rappeler qu'"il ne faut en aucun cas normaliser les relations avec le régime de Bachar al-Assad".


En Nouvelle-Calédonie, situation «plus calme» mais vie quotidienne difficile

Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
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  • Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation
  • Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel

NOUMÉA, France : La vie quotidienne des Néo-Calédoniens devient de plus en plus difficile samedi, malgré une situation «plus calme» sur la majeure partie de l'archipel français du Pacifique Sud, au sixième jour des émeutes causées par une réforme électorale qui a provoqué la colère des indépendantistes.

Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation.

Mais pour les habitants, les dégâts de plus en plus étendus compliquent le ravitaillement dans les commerces, ainsi que le fonctionnement des services publics, notamment de santé.

Le danger subsiste par ailleurs dans les quartiers où les émeutiers sont les plus nombreux et les mieux organisés.

Dans l'un d'eux, la Vallée du Tir à Nouméa, un motard s'est tué vendredi en fin d'après-midi dans un accident de la route en heurtant une épave de voiture, selon le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a appelé lors d'une conférence de presse à cesser barrages et barricades.

«On est en train de s'entretuer et on ne peut pas continuer comme ça», a déclaré Vaimu'a Muliava, membre du gouvernement chargé de la fonction publique.

«Des gens meurent déjà non pas à cause des conflits armés, mais parce qu'ils n'ont pas accès aux soins, pas accès à l'alimentation», a-t-il ajouté.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a aussi recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel.

Les autorités françaises espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va continuer à faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak.

Depuis, la crise qui frappe ce territoire colonisé par la France au XIXe siècle a fait cinq morts, dont deux gendarmes et trois civils kanaks, et des centaines de blessés au cours de violentes nuit d'émeutes. En réponse, le gouvernement a envoyé des renforts policiers, interdit TikTok - réseau social prisé des émeutiers -, et déployé des militaires.

- Strict minimum -

Devant les rares magasins de Nouméa qui n'ont pas été ravagés par les flammes ou pillés, les files d'attente restaient très longues samedi.

«Cela fait plus de trois heures qu'on est là», soupirait Kenzo, 17 ans, en quête de riz et de pâtes.

Selon la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, les violences ont «anéanti» 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale de la ville.

Le représentant de l'Etat français en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a promis la mobilisation de l'Etat pour «organiser l'acheminement des produits de première nécessité» et un «pont aérien» entre la métropole et son archipel, séparés de plus de 16.000 km.

De son côté, un responsable de l'hôpital de Nouméa, Thierry de Greslan, s'est alarmé de la dégradation de la situation sanitaire. «Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d'accessibilité aux soins», en raison notamment de barrages érigés dans la ville, a-t-il avancé sur la radio France Info.

Face à la «gravité» de la situation et afin «de répondre aux besoins sanitaires de la population», l'Etablissement français du sang (EFS) a annoncé vendredi l'envoi de produits sanguins.

- «Grande fermeté» -

A Paris, le ministre de la Justice a demandé au parquet «la plus grande fermeté à l'encontre des auteurs des exactions». Eric Dupond-Moretti a aussi indiqué qu'il envisageait de transférer les «criminels» arrêtés sur le «Caillou» en métropole «pour ne pas qu'il y ait de contaminations (...) des esprits les plus fragiles».

Parallèlement, la justice française a ouvert une enquête sur «les commanditaires» des émeutes, ciblant notamment le collectif CCAT (Cellule de coordination des action de terrain), frange la plus radicale des indépendantistes, déjà mis en cause par le gouvernement.

«J'ai décidé d'ouvrir une enquête visant notamment des faits susceptibles de concerner des commanditaires», parmi lesquels «certains membres de la CCAT», a déclaré le procureur Yves Dupas, pointant «ceux qui ont instrumentalisé certains jeunes dans une spirale de radicalisation violente». Au total, depuis dimanche, 163 personnes ont été placées en garde à vue, dont 26 ont été déférées devant la justice, selon le parquet.

Jeudi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait qualifié la CCAT d'organisation «mafieuse».

Vendredi, ce collectif a demandé «un temps d'apaisement pour enrayer l'escalade de la violence». Sur la radio RFI, un de ses membres, Rock Haocas, a assuré que son organisation «n'a pas appelé à la violence», attribuant ces émeutes à une «population majoritairement kanak marginalisée».

Sur le front politique, après l'annulation d'une visioconférence avec tous les élus calédoniens jeudi, le président français Emmanuel Macron a commencé vendredi à avoir des échanges avec certains d'entre eux mais son service de communication a refusé d'en dire plus.

Présentée par son gouvernement, la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales sur l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral.

Paris a par ailleurs détaillé ses accusations portées contre l'Azerbaïdjan «d'ingérences» en Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique pour la France qui veut renforcer son influence en Asie Pacifique et de part ses riches ressources en nickel.

Paris a évoqué une «propagation massive et coordonnée» de contenus relayés par des comptes liés à Bakou et accusant la police française de tirer sur des manifestants indépendantistes.