La frustration et le mécontentement croissants du peuple iranien face à l'establishment théocratique de leur pays représentent une préoccupation majeure pour les religieux qui sont au pouvoir. En effet, ces derniers redoutent qu'un nouveau soulèvement national ne menace leur emprise sur le pouvoir.
Dernièrement, dans la province d'Ispahan, de nombreuses personnes se sont soulevées contre le régime. Des dizaines de milliers de gens se sont joints aux agriculteurs et sont descendus dans les rues pour protester contre les pénuries d'eau et critiquer les responsables gouvernementaux.
On a entendu des gens scander: «Les habitants d'Ispahan préfèrent mourir que de céder à la disgrâce», «Le fleuve Zayandeh Roud est notre droit inaliénable» et «Nous ne rentrerons pas chez nous tant que nous n'aurons pas récupéré notre eau».
Le régime ne semble pas disposer de solution pratique aux pénuries d'eau, car il continue d'utiliser une partie importante des ressources en eau du pays pour les projets gouvernementaux. Face aux protestations, le ministre de l'Énergie a reconnu: «Nous ne sommes pas en mesure de subvenir à leurs besoins en eau.»
Au lieu de cela, le régime a eu recours à son modus operandi habituel, qui consiste à utiliser la force pour réprimer les manifestants. La police et les forces de sécurité, armées de gaz lacrymogènes et de matraques, ont tiré sur eux, faisant des centaines de blessés, tandis qu’on enregistrait également de nombreuses arrestations. Mohammed-Reza Mirheidari, le chef de la police d'Ispahan, a menacé d’utiliser la force contre les manifestants.
Il est important de rappeler que le régime a déployé la même stratégie lors des soulèvements précédents. Dans les derniers jours de l’année 2017, des manifestations ont éclaté dans la deuxième ville la plus peuplée d'Iran, Machhad, et elles se sont immédiatement étendues à des dizaines d'autres agglomérations pour réclamer le changement démocratique.
Au mois de novembre 2019, un nouveau soulèvement a posé au régime des mollahs un défi encore plus grand. Terrifiées par l'ampleur et la nature organisée de ces manifestations, les autorités ont ouvert le feu sur la foule, tuant environ 1 500 personnes.
Ces manifestations ne se limitent pas aux agriculteurs préoccupés par les pénuries d'eau. Ces dernières semaines, les retraités en ont organisé plus d'une douzaine, chacune couvrant plusieurs villes. Le gouvernement ne leur a proposé pratiquement aucune réponse, alors qu’ils demandaient une politique économique qui réduise l'écart entre leurs revenus stagnants et la hausse du coût de la vie. En conséquence, la plus récente de ces manifestations a adopté des slogans tels que: «Nous n'avons vu aucune justice; nous ne voterons plus.»
Des slogans similaires ont été adoptés lors de manifestations qui ont attiré l'attention sur le vol commis par le régime de l'argent que les gens avaient investi en bourse. Pour ceux qui ont perdu leurs économies et ont rejoint les rangs des Iraniens appauvris, il est clair que la corruption du régime imprègne la hiérarchie politique et que personne n'a intérêt à réformer le système.
De fait, de nombreuses personnes en Iran sont en souffrance sur le plan financier. Au cours des dix dernières années, le taux de chômage du pays a compté deux chiffres. Bien que la population de l'Iran compte de jeunes instruits, qui représentent plus de 60% de la population totale, près de 30% d'entre eux sont au chômage. Plus de 40% des habitants, soit environ 32 millions de citoyens, vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Les gens sont également frustrés par le régime en raison de son bilan désastreux en matière de droits humains. Les militants des droits humains, les défenseurs et les avocats ont joué un rôle important dans la divulgation des violations commises dans le pays.
Le régime iranien demeure l'un des pires violateurs des droits de l'homme du monde. La situation continue de s'aggraver sous la houlette du président Ebrahim Raïssi, surnommé «le boucher de Téhéran». Selon le dernier rapport de l'organisme de surveillance international des droits humains Amnesty International, Téhéran se classe au premier rang mondial en termes de nombre d'exécutions par habitant.
Plus important encore, la nature politique de l'insatisfaction à l'égard du régime ne doit pas être ignorée. Les gens s'opposent fermement à l'autoritarisme et au despotisme des religieux au pouvoir. C'est pourquoi beaucoup risquent leur vie en scandant «Mort à Khamenei» (le Guide suprême, NDLR), un acte passible de la peine de mort. Parmi les autres slogans courants, citons «Honte à toi Khamenei, quitte le pouvoir» et «Mort au dictateur».
Il est clair que la corruption du régime imprègne la hiérarchie politique et que personne n'a intérêt à réformer le système.
Dr Majid Rafizadeh
Des personnes ont également risqué leur vie lors de précédentes manifestations en déchirant les bannières des anciens et des actuels dirigeants suprêmes de l'Iran, les ayatollahs Khomeini et Khamenei.
En outre, de nombreuses personnes semblent s'opposer avec véhémence à la politique étrangère du régime, car les cris de ralliement suivants sont devenus populaires dans le pays: «Oubliez la Palestine, oubliez Gaza, pensez à nous», «Mort au Hezbollah» et «Laissez la Syrie tranquille, pensez plutôt à nous».
Les décideurs politiques occidentaux, de même que l'ensemble de la communauté internationale, devraient indiquer clairement qu'ils soutiennent tous les efforts que fait le peuple iranien pour s’opposer à la répression d'État et plaider pour la démocratie. Seule la menace immédiate et écrasante d'une réponse internationale coordonnée peut garantir que l'effusion de sang des futurs soulèvements ne soit pas pire que celle qui s'est produite au mois de novembre 2019.
Si les décideurs politiques internationaux ne brandissent pas une telle menace, ils tourneront le dos au peuple iranien. Ils renforceront ainsi la position d'une dictature théocratique avide d'armes nucléaires et qui lutte désespérément pour trouver une bouée de sauvetage.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.