Les «éloignés du numérique», victimes de la crise sanitaire

Cette photo prise à Paris le 20 juillet 2021 montre un téléphone portable dont l'écran porte le certificat numérique Covid de l'UE. La France va rendre obligatoire le rappel de vaccin pour le laissez-passer vaccinal. (Joel Saget/AFP)
Cette photo prise à Paris le 20 juillet 2021 montre un téléphone portable dont l'écran porte le certificat numérique Covid de l'UE. La France va rendre obligatoire le rappel de vaccin pour le laissez-passer vaccinal. (Joel Saget/AFP)
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Publié le Samedi 27 novembre 2021

Les «éloignés du numérique», victimes de la crise sanitaire

  • 13 millions de Français demeurent "éloignés du numérique: ils n'utilisent pas ou peu internet et se sentent en difficulté avec ses usages".
  • Le récent plan France Relance prévoit de déployer 4.000 "conseillers numériques" qui proposeront des ateliers d'initiation sur tout le territoire

PARIS : Le "burn-out administratif" autre symptôme du Covid-19 ? La crise sanitaire a accéléré la dématérialisation des démarches de la vie courante et accentué l'exclusion des "éloignés du numérique", selon associations d'aide, élus et chercheurs.

Carte grise ou d'identité, RSA, retraite et désormais prise de rendez-vous via des plateformes pour se faire vacciner, pass sanitaire sur application mobile... Autant de démarches semées d'embûches pour qui n'a pas accès à un ordinateur ou ne sait pas bien s'en servir.

"Alors que l'objectif gouvernemental (d'arriver à) 100% des démarches dématérialisées faisait craindre une exacerbation des fractures numériques, les confinements consécutifs à la crise sanitaire en ont brutalement démontré l'ampleur. Soudainement, les guichets étaient fermés et les standards téléphoniques débordés", soulignent Nasta Belhumeur et Antoine Rode dans une étude sur les "éloignés du numérique face au nouveau fardeau administratif" parue en juin.

Pour ces chercheurs de l'Observatoire des non-recours aux droits et aux services (Odenore, université de Grenoble-Alpes), "si le paradoxe entre la promesse initiale de la dématérialisation – une simplification du +fardeau administratif+ pour les services publics et les usagers – et la réalité des éloignements numériques est depuis longtemps discuté, il a pris une acuité toute particulière depuis la crise sanitaire".

"L'exclusion numérique" devient un facteur aggravant de l'exclusion sociale, insistent les associations d'aide aux plus démunis comme les Restos du coeur, qui ont fait de la lutte contre cette fracture une des priorités de leur 37e campagne. Pour leur président Patrice Douret, la crise "a eu un effet d'accélérateur" de la fracture numérique.

Selon des chiffres de la Mission société numérique, chargée par le gouvernement d'accompagner les "stratégies locales d'inclusion numérique", 13 millions de Français demeurent "éloignés du numérique: ils n'utilisent pas ou peu internet et se sentent en difficulté avec ses usages".

- Ecrivains publics numériques -

Interrogé par l'AFP, le chercheur Antoine Rode voit remonter de ses observations du terrain "les besoins d'écrivains publics numériques".

Le récent plan France Relance prévoit de déployer 4.000 "conseillers numériques" qui proposeront des ateliers d'initiation sur tout le territoire.

"Si des lourdeurs existent, beaucoup a été fait depuis quatre ans" pour améliorer la relation entre citoyens et services publics, a affirmé jeudi à l'Assemblée nationale la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin.

Les députés ont adopté jeudi une résolution invitant le gouvernement à "reconnaître, prévenir et lutter contre le risque d'épuisement administratif des Français".

Ce texte, présenté par la députée du Nord Valérie Petit (groupe Agir), avance qu'un Français sur cinq dit avoir des difficultés à accomplir les démarches administratives courantes, et 12% d'entre eux avouent finir par lâcher prise.

La résolution dénonce "l'inflation normative et l'augmentation de la complexité et de la dématérialisation des démarches administratives qui créent stress, anxiété, dépression et qui contribuent à la hausse du non-recours aux droits".

Si l'attente est "forte" du côté des citoyens, elle l'est aussi chez les agents publics, qui souffrent de la dégradation des relations avec les citoyens, souligne encore le texte.

"Burn-out, dépression, charge mentale, fatigue numérique, épuisement professionnel, fatigue d'être soi... La fatigue semble avoir marqué de son sceau le début de notre XXIe siècle et avoir pris une nouvelle ampleur avec les restrictions liées à la pandémie", écrit le psychiatre Serge Hefez dans une contribution à l'essai intitulé "Une société fatiguée ?", que viennent de publier la CFDT et la Fondation Jean-Jaurès.

La crise a accéléré la fracture numérique, selon le président des Restos du coeur

La crise sanitaire a eu "un effet d'accélérateur" de la fracture numérique, alors que "l'accès au numérique est un droit fondamental", insiste le président des Restos du coeur, Patrice Douret, dans un entretien à l'AFP.

QUESTION: Pourquoi la lutte contre la fracture est-elle une priorité de la 37e campagne des Restos du coeur ?

REPONSE: "C'est même une priorité de notre nouveau projet associatif 2022-2027. On considère que l'accès au numérique est un droit fondamental et on en fait une priorité de nos actions. Depuis plusieurs années, le public que l'on accueille est éloigné du numérique. C'est une exclusion très marquée pour les démarches administratives. La dématérialisation, qui semble faciliter l'accès à un grand nombre de démarches, reste une véritable difficulté pour les personnes que l'on accueille: absence de contact physique au guichet, non-recours à l'équipement, à la connexion et crainte de ne pas bien faire."

Q : En quoi la crise sanitaire a aggravé cette fracture ?

R : "Elle a eu un effet d'accélérateur. Dans un premier temps, des guichets ont fermé. Il a fallu faire des démarches comme l'inscription pour aller se faire vacciner via des plateformes. Il faut avoir un smartphone et un accès qui permettent de le faire."

Q : Quels sont vos outils et vos besoins ?

R : "Nous développons des ateliers numériques dans plus de 200 de nos centres pour permettre un accueil par nos bénévoles et une écoute afin que l'outil numérique soit un peu plus apprivoisé. Cela ne remet pas en cause le maintien indispensable des guichets des services publics. Nous sommes complémentaires et développons des partenariats.

Ce sont des investissements de plusieurs millions d'euros. Nous avons besoin de dons pour acquérir ces moyens technologiques. Notre ambition est de booster le nombre de centres équipés d'ateliers informatiques. L'idée est aussi d'expérimenter des points d'accès wifi sur nos équipements de rue, c'est-à-dire les maraudes et les Camions du coeur, afin que les personnes sans abri puissent avoir accès au numérique à proximité des véhicules qui viennent leur donner à manger. Nous avons besoin aussi de bénévoles capables de déployer ces équipements. L'idée est de ne laisser personne sans solution."


Présidentielle : l'ex-Premier ministre Dominique de Villepin laisse entrevoir ses ambitions

Dominique de Villepin présente son livre intitulé Le Soleil noir de la puissance (Le Soleil noir du pouvoir) dédié à Napoléon et publié par les éditions Perrin, à Nantes, en France, le 4 octobre 2007 (Getty Images).
Dominique de Villepin présente son livre intitulé Le Soleil noir de la puissance (Le Soleil noir du pouvoir) dédié à Napoléon et publié par les éditions Perrin, à Nantes, en France, le 4 octobre 2007 (Getty Images).
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  • l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin laisse transparaître ses ambitions, refusant de « ne pas être aux avant-postes » pour mener « le combat ».
  • « L'enjeu est de savoir si votre parole, à un moment donné, peut amener le débat politique à évoluer, amener la scène politique à évoluer, amener le regard du citoyen à regarder différemment les acteurs politiques. » temporise-t-il

PARIS : Dans un entretien à Mediapart mis en ligne samedi, l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin laisse transparaître ses ambitions, refusant de « ne pas être aux avant-postes » pour mener « le combat ».

« Nous sommes confrontés à un choc historique qui a très peu de précédents », déclare l'ex-ministre des Affaires étrangères, interrogé sur le rôle qu'il compte jouer lors de la prochaine présidentielle. « Ce combat, je ne peux pas ne pas y participer. Je ne peux pas ne pas être aux avant-postes. »

Toutefois, « l'enjeu n'est pas de savoir si vous finirez par être candidat à une élection », temporise-t-il. « L'enjeu est de savoir si votre parole, à un moment donné, peut amener le débat politique à évoluer, amener la scène politique à évoluer, amener le regard du citoyen à regarder différemment les acteurs politiques. »

Dominique de Villepin, âgé de 71 ans, fait régulièrement entendre sa voix sur l’actualité internationale, comme la guerre au Proche-Orient ou la chute de Bachar al-Assad, mais aussi sur l'instabilité politique en France depuis la dissolution.


À Mayotte, après le cyclone Chido, fruits et légumes désertent les assiettes

Cette photographie montre un bâtiment détruit après le passage du cyclone Chido sur le territoire français de Mayotte dans l'océan Indien, le 14 décembre 2024 dans la capitale Mamoudzou. (AFP)
Cette photographie montre un bâtiment détruit après le passage du cyclone Chido sur le territoire français de Mayotte dans l'océan Indien, le 14 décembre 2024 dans la capitale Mamoudzou. (AFP)
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  • Le modèle agricole dominant est le "jardin mahorais", une forme de polyculture qui assure une certaine autonomie alimentaire à cet archipel de l'océan Indien

Mtsangamouji, France: Bananes et maniocs à terre, c'est le garde-manger d'Abdou Abdillah qui s'est envolé le 14 décembre. Le cyclone Chido a ravagé sa petite parcelle située à Mtsangamouji, dans l'archipel français de Mayotte, ne lui laissant que des débris d'arbres et de plantes à déblayer.

"C'était pour nourrir mes enfants, ma mère", regrette le cultivateur de 58 ans en tronçonnant un cocotier tombé il y a un mois. Depuis Chido, les légumes et les fruits ont quitté son assiette. A la place, "on mange du riz et des frites", déplore-t-il.

La situation l'inquiète d'autant plus que le ramadan approche. Son début est prévu vers la fin du mois de février et il ne sait toujours pas ce que sa famille aura pour le foutari, le repas de rupture du jeûne.

Ousseni Aboubacar, qui cultive la parcelle voisine, partage la même inquiétude car la nourriture n'aura pas repoussé d'ici là. "Si nous avons de la pluie, il faudra attendre sept, huit mois", prévoit l'habitant de 54 ans.

Le modèle agricole dominant est le "jardin mahorais", une forme de polyculture qui assure une certaine autonomie alimentaire à cet archipel de l'océan Indien. Essentiellement vivrière, cette agriculture disséminée sur des milliers de petites parcelles familiales a été dévastée par le cyclone, qui a aussi ravagé de nombreuses habitations.

Sur une pente au bord d'un bidonville, Issouf Combo, 72 ans, porte des coups de chombo (machette) au sol. "Je replante du maïs", indique-t-il tout en mettant deux graines dans un trou.

Là où il y avait auparavant du manioc et des bananes, il n'y a plus que de la terre rouge semée de débris. Cette parcelle était la principale source de fruits et légumes de cet habitant de Mangajou.

Depuis Chido, Issouf Combo et sa famille font leurs courses au marché "mais ça coûte cher", précise son petit-fils de 17 ans, Nassem Madi.

- Prix en hausse -

Car sur les étals des marchés, les prix ont augmenté. Celui de Nini Irene, à Chirongui (sud), affiche le kilo d'oignons ou de clémentines à cinq euros, le kilo de pommes ou de poires à quatre: c'est un euro de plus qu'avant le cyclone.

La vendeuse de 27 ans, qui achète ses fruits et légumes à "des Africains" les faisant venir de l'extérieur de l'archipel, explique la hausse par la rareté nouvelle des cultures.

"On nous a donné des sacs de 20 kilos d'oignons. Avant Chido, c'était à 35 euros, et maintenant à 70 euros", explique-t-elle. Dans ses bacs, plus rien ne vient de Mayotte. Elle voit seulement de temps en temps des brèdes mafanes et des concombres locaux sur les stands de ses voisins.

Venu acheter des oignons, Archidine Velou arrive encore à trouver ce qu'il lui faut, sauf les bananes. "Nos aliments de base, c'est le manioc et les bananes, ça va être compliqué", dit l'homme de 32 ans en évoquant l'approche du ramadan, qui revient sur toutes les lèvres.

Un peu plus loin, Rouchoudata Boina s'inquiète surtout de ne plus trouver de brèdes mafanes, une plante très populaire dans la région.

Celles qui avaient survécu à Chido ont été éprouvées par la tempête tropicale Dikeledi, la semaine dernière, dit-elle. "Comment je vais faire avec mes enfants ?", questionne cette mère d'une fratrie de cinq dont l'alimentation, faute d'argent, se base désormais sur les féculents: pâtes le matin, pain l'après-midi, riz le soir.

Prévoyant la pénurie, la préfecture de Mayotte a pris le 23 décembre un arrêté assouplissant les règles d'importation de végétaux.

"Il y a un besoin important d'approvisionner Mayotte en produits frais", justifie auprès de l'AFP Patrick Garcia, chef du service alimentation à la Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF). L'arrêté a engendré le renouvellement automatique pour six mois des permis d'importation de fruits et légumes.


Après la non-censure du PS, le gouvernement confiant pour le budget

Le Premier ministre français François Bayrou prononce un discours lors du débat précédant le vote de défiance à l'égard de son gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 16 janvier 2025. (AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou prononce un discours lors du débat précédant le vote de défiance à l'égard de son gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 16 janvier 2025. (AFP)
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  • Grâce aux concessions accordées aux socialistes sur des points-clés des textes financiers, le gouvernement estime désormais qu'il survivra à l'épreuve du budget
  • "Grâce à la décision d'hier, nous aurons un budget", a estimé jeudi le ministre de l'Economie et des Finances Éric Lombard

PARIS: Trêve hivernale pour François Bayrou ? Grâce aux concessions accordées aux socialistes sur des points-clés des textes financiers, le gouvernement estime désormais qu'il survivra à l'épreuve du budget. Mais le PS réfute tout accord et martèle que la censure reste sur la table.

"Grâce à la décision d'hier, nous aurons un budget", a estimé jeudi le ministre de l'Economie et des Finances Éric Lombard sur BFMTV-RMC, au lendemain du vote contre la censure du gouvernement d'une grande majorité du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.

Cette décision longuement mûrie par le PS "est basée sur des engagements que le Premier ministre a pris, qui calent les éléments les plus importants du budget", a analysé le ministre. "Donc sur le budget, je pense, mais c'est au Parti socialiste d'exprimer son point de vue, que nous avons un accord", a détaillé Éric Lombard.

Bercy trop confiant ? La réponse n'a pas tardé: "Non, il n'y a évidemment aucun accord avec les socialistes sur le budget", a martelé sur X le chef des députés PS Boris Vallaud.

"Notre décision d'hier est une mise à l'épreuve de la négociation et consolide nos premières avancées. Le chemin est encore long jusqu'au budget, la censure est toujours sur la table", a-t-il ajouté.

La veille, dans l'hémicycle, le patron du PS Olivier Faure, qui a pris un risque en assumant la mue réformiste d'un parti allié avec La France insoumise depuis 2022, avait déjà prévenu que son parti restait "dans l'opposition", prêt à dégainer une motion de censure si les engagements n'étaient pas tenus.

Dans une interview à Libération, le secrétaire général du PS Pierre Jouvet a précisé la ligne: "Le chemin est encore long jusqu’au budget" et le gouvernement sera "à chaque instant sous surveillance".

- "Relancer l'économie" -

En plus de la non-suppression de 4.000 postes dans l'Éducation, et de l'abandon du passage à trois jours de carence pour les fonctionnaires, les socialistes ont obtenu une négociation des partenaires sociaux sur la très controversée réforme des retraites de 2023.

Dans un cadre financier restreint, ils ont même arraché à la dernière minute l'engagement que le Parlement ait le dernier mot, même si l'accord trouvé entre les partenaires sociaux n'était que "partiel".

"Le fait qu'il y ait un budget qui soit en plus un budget où il n'y a pas de nouveaux impôts, va rassurer les entrepreneurs, va rassurer les chefs d'entreprise, va rassurer les artisans", d'autant plus que la BCE prévoit de poursuivre la baisse des taux, a souligné Eric Lombard.

Issu des rangs de la gauche, ce haut fonctionnaire est un ami personnel d'Olivier Faure. Et s'il a rencontré l'ensemble des groupes de gauche, sauf les Insoumis qui ont refusé, c'est bien avec les socialistes qu'il a été en contact permanent depuis dix jours.

Mais "si la copie finale n’est pas à la hauteur de nos attentes, qu’elle ne consacre pas plus de justice sociale, fiscale et écologique, affaiblit nos services publics (...) alors nous voterons contre ce budget sans état d’âme", a prévenu Pierre Jouvet.

- Examen au Sénat -

Dans le camp du Premier ministre, on se frotte tout de même les mains.

"Ça va apporter énormément aux socialistes dans leurs circonscriptions parce qu'ils ont quand même obtenu des trucs pour la gauche", veut croire un proche de François Bayrou.

Ne pas voter la censure donne "un signal très clair", assure un ministre et évite de laisser le gouvernement "de facto en tête à tête avec le RN".

Reste à savoir si l'examen du budget au Parlement ne fera pas hésiter un peu plus le PS.

En effet, la reprise du projet de loi de finances au Sénat depuis mercredi a fait grincer plus d'une voix à gauche. Le gouvernement, en quête d'économies, multiplie les coupes budgétaires de dernière minute, comme sur le budget des Sports, de la Culture ou sur l'aide publique au développement. Autant de coups de rabot rejetés par les sénateurs socialistes...

Sans compter que le gouvernement envisage, après l'examen au Sénat, de convoquer une commission mixte paritaire réunissant des élus des deux chambres pour forger un texte de compromis. Donc, en omettant la case Assemblée.