Le camp de Al-Hol en Syrie ou le syndrome de la pépinière à jihadistes

Des femmes en niqab noirs parlent avec un membre des Forces démocratiques syriennes (FDS), dans le camp de déplacés d'Al-Hol qui abrite des milliers de personnes affiliées au groupe jihadiste Etat islamique (EI), dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2019. (Photo, AFP)
Des femmes en niqab noirs parlent avec un membre des Forces démocratiques syriennes (FDS), dans le camp de déplacés d'Al-Hol qui abrite des milliers de personnes affiliées au groupe jihadiste Etat islamique (EI), dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2019. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 07 novembre 2021

Le camp de Al-Hol en Syrie ou le syndrome de la pépinière à jihadistes

  • Ces dizaines de milliers de prisonniers, détenus dans des conditions déplorables comptent un grand nombre de femmes et d'enfants élevés dans la haine de l'Occident
  • Ils devraient pour certains renforcer les rangs de la prochaine génération de combattants de l'islam sunnite ultra-radical

PARIS : Anarchie, violence, cul-de-sac diplomatique et avenir effrayant. Dans les camps de réfugiés en Syrie grandit une partie de la prochaine génération de jihadistes, comme jadis le Camp Bucca en Irak dopait l'émergence du groupe Etat islamique.


Ces dizaines de milliers de prisonniers, détenus dans des conditions déplorables au sein de structures aussi vastes que fragiles et mal sécurisées, comptent un grand nombre de femmes et d'enfants élevés dans la haine de l'Occident, et qui, selon les analystes consultés par l'AFP, devraient pour certains renforcer les rangs de la prochaine génération de combattants de l'islam sunnite ultra-radical.


En février dernier, le général Kenneth McKenzie, chef du Commandement central de l'armée américaine (Centcom), évoquait avec inquiétude les 62.000 pensionnaires du camp Al-Hol, dont les deux tiers ont moins de 18 ans et plus de la moitié moins de 12. "Le risque à long terme est l'endoctrinement", déclarait-il.


"C'est une évolution alarmante avec potentiellement des implications générationnelles. Et soyons clair, il n'y a pas de solution militaire", ajoutait-il, appelant à rapatrier les réfugiés et à soutenir les programmes de réhabilitation.


Nul n'ignore le potentiel de nuisance du cloaque syrien. "C'est du capital humain piégé", résume pour l'AFP Craig Whiteside, professeur au Naval War College américain. A l'image d'autres observateurs, il craint que l'EI, toujours présent en Syrie, lance le moment venu un assaut contre le camp pour libérer les prisonniers.

Pépinière
"Ils veulent récupérer ces gens et attendent le bon moment", estime-t-il, assurant avoir vu des documents de l'EI budgétant des fonds pour "acheter" la libération de détenus.


La structure, par sa seule existence, est par ailleurs un "superbe outil de propagande" pour le grand rival d'Al-Qaïda, ajoute l'Américain. Si elle peut dissuader certains de rejoindre la région de peur d'y être enfermé, elle fournit "un narratif selon lequel la guerre des musulmans contre (les Occidentaux) est multiforme".


La porte de sortie est d'autant plus ténue que le sujet brûle les doigts de la terre entière. Les Kurdes, notent les experts, finiront par se lasser de s'en occuper. Ni Bagdad ni Damas ne veulent en entendre parler. Et les pays d'origine des détenus, Occident en tête, rechignent pour beaucoup à les rapatrier et à les confier à leurs systèmes judiciaires respectifs.


Quant aux services de renseignement, ils ont d'autres priorités et doivent développer d'importantes ressources pour comprendre ce qui se trame dans les méandres de ces excroissances para-urbaines, gangrénées par la violence et l'anarchie.


La question "n'est urgente pour personne, sauf pour ceux qui voient les risques qui peuvent en émaner", regrette Yoram Schweitzer, ancien des services israéliens, en charge du terrorisme à l'Institut d'études sur la sécurité nationale (INSS) de Tel-Aviv.


Le contexte dans lequel grandissent les enfants constitue pour lui une "pépinière" de jihadistes. Et l'expert d'ajouter à l'AFP : "Combien deviendront des terroristes ? C'est impossible à évaluer, mais cela (...) arrivera inévitablement".

D'abord un «désastre humanitaire»
Le général McKenzie prévient: "on ne s'en débarrassera pas en regardant ailleurs". On peut en revanche comprendre la réalité de la menace en regardant derrière. Car dans les années 2000, les Américains avaient détenu des dizaines de milliers de personnes au Camp Bucca, dans le sud de l'Irak. Dont d'anciens officiers de Saddam Hussein et des membres de son parti, le Baas.


"S'ils n'étaient pas jihadistes en arrivant, beaucoup le sont devenus avant leur départ" du camp, écrivait en 2015 Will McCants, expert de l'islamisme militant. "Des manifestes jihadistes radicaux y circulaient librement sous les yeux d'Américains attentifs mais ignorants".


Abou Bakr al-Baghdadi, ex-chef de l'EI mort en 2019 dans un assaut américain, et son successeur Amir Mohammed al-Mawla, y étaient aussi internés. Et à sa libération en 2004, Baghdadi disposait d'un carnet d'adresses rempli, constatait McCants : "ils s'étaient notés leurs numéros respectifs sur l'élastique de leur sous-vêtement".


Rampe de lancement, incubateur, couveuse. Les qualificatifs abondent pour décrire Bucca comme Al-Hol, alors même que leurs contextes respectifs sont très différents. Al-Hol participe ainsi activement du financement de l'EI, ce que Bucca n'a jamais été en mesure de faire.


Mais au delà du comparatif, Yoram Schweitzer insiste sur le drame essentiel qui se joue à Al-Hol: "c'est d'abord un problème de réfugiés détenus dans des conditions très dures et qui ont le potentiel de rejoindre les mondes criminel ou terroriste", estime-t-il, appelant à la dispersion des camps pour en finir avec ce "désastre humanitaire".


"C'est comme de l'eau stagnante qui deviendra bourbier", conclue-t-il. "Cela devrait être dispersé. Rien de bon ne peut en sortir".


Syrie: Chareh lance un appel à l'unité un an après la chute d'Assad

Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
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  • Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence
  • Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer

DAMAS: Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile.

"La phase actuelle exige que tous les citoyens unissent leurs efforts pour bâtir une Syrie forte, consolider sa stabilité, préserver sa souveraineté", a déclaré le dirigeant, endossant pour l'occasion l'uniforme militaire comme le 8 décembre 2024, quand il était entré dans Damas à la tête de forces rebelles.

Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence.

Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer.

Il a rompu avec son passé jihadiste et réhabilité la Syrie sur la scène internationale, obtenant la levée des sanctions internationales, mais reste confronté à d'importantes défis sécuritaires.

De sanglantes violences intercommunautaires dans les régions des minorités druze et alaouite, et de nombreuses opérations militaires du voisin israélien ont secoué la fragile transition.

"C'est l'occasion de reconstruire des communautés brisées et de panser des divisions profondes", a souligné dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

"L'occasion de forger une nation où chaque Syrien, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique, peut vivre en sécurité, dans l'égalité et dans la dignité".

Les célébrations de l'offensive éclair, qui ont débuté fin novembre, doivent culminer lundi avec une parade militaire et un discours du président syrien.

Elles sont toutefois marquées par le boycott lancé samedi par un chef spirituel alaouite, Ghazal Ghazal. Depuis la destitution d'Assad, lui-même alaouite, cette minorité est la cible d'attaques.

L'administration kurde, qui contrôle une grande partie du nord et du nord-est de la Syrie, a également annoncé l'interdiction de rassemblements et événements publics dimanche et lundi "en raison de la situation sécuritaire actuelle et de l'activité accrue des cellules terroristes".

 


Liban: l'armée annonce six arrestations après une attaque visant des Casques bleus

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
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  • L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban
  • "Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité

BEYROUTH: Six personnes ont été arrêtées au Liban, soupçonnées d'être impliquées dans une attaque d'une patrouille de Casques bleus jeudi dans le sud du pays, qui n'a pas fait de blessés, a annoncé l'armée libanaise samedi.

L'incident s'était produit jeudi soir, selon un communiqué de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) quand "des Casques bleus en patrouille ont été approchés par six hommes sur trois mobylettes près de Bint Jbeil". "Un homme a tiré environ trois coups de feu sur l'arrière du véhicule. Personne n'a été blessé".

L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban, où, déployée depuis 1978, elle est désormais chargée de veiller au respect du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

"Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité.

Bastion du Hezbollah, le sud du Liban subit ces dernières semaines des bombardements réguliers de la part d'Israël, qui assure viser des cibles du mouvement chiite et l'accuse d'y reconstituer ses infrastructures, en violation de l'accord de cessez-le-feu.

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre.

Mercredi, le quartier général de la Finul a accueilli à Naqoura, près de la frontière avec Israël, de premières discussions directes, depuis des décennies, entre des responsables israélien et libanais, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le président libanais, Joseph Aoun, a annoncé de prochaines discussions à partir du 19 décembre, qualifiant de "positive" la réunion tenue dans le cadre du comité de surveillance du cessez-le-feu, disant que l'objectif était d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban.


Les efforts pour panser les «profondes divisions» de la Syrie sont ardus mais «pas insurmontables», déclare Guterres

Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
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  • Antonio Guterres salue "la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", "la résilience et le courage" des Syriens
  • La transition offre l'opportunité de "forger une nation où chaque Syrien peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité"

NEW YORK : Les efforts pour guérir les "profondes divisions" de la Syrie seront longs et ardus mais les défis à venir ne sont "pas insurmontables", a déclaré dimanche le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'occasion du premier anniversaire de la chute du régime Assad.

Une offensive surprise menée par une coalition de forces rebelles dirigées par Hayat Tahrir al-Sham et des milices alliées a rapidement balayé les zones tenues par le régime à la fin du mois de novembre 2024. En l'espace de quelques jours, elles se sont emparées de villes clés et ont finalement capturé la capitale Damas.

Le 8 décembre de l'année dernière, alors que les défenses du régime s'effondraient presque du jour au lendemain, le président de l'époque, Bachar Assad, a fui la République arabe syrienne, mettant fin à plus de 50 ans de règne brutal de sa famille.

"Aujourd'hui, un an s'est écoulé depuis la chute du gouvernement Assad et la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", a déclaré M. Guterres, saluant la "résilience et le courage" des Syriens "qui n'ont jamais cessé de nourrir l'espoir en dépit d'épreuves inimaginables".

Il a ajouté que cet anniversaire était à la fois un moment de réflexion sur les sacrifices consentis en vue d'un "changement historique" et un rappel du chemin difficile qui reste à parcourir pour le pays.

"Ce qui nous attend est bien plus qu'une transition politique ; c'est la chance de reconstruire des communautés brisées et de guérir de profondes divisions", a-t-il déclaré, ajoutant que la transition offre l'occasion de "forger une nation où chaque Syrien - indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique - peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité".

M. Guterres a souligné que les Nations Unies continueraient à soutenir les Syriens dans la mise en place de nouvelles institutions politiques et civiques.

"Les défis sont importants, mais pas insurmontables", a-t-il déclaré. "L'année écoulée a montré qu'un changement significatif est possible lorsque les Syriens sont responsabilisés et soutenus dans la conduite de leur propre transition.

Il a ajouté que les communautés à travers le pays construisent de nouvelles structures de gouvernance et que "les femmes syriennes continuent de mener la charge pour leurs droits, la justice et l'égalité".

Bien que les besoins humanitaires restent "immenses", il a souligné les progrès réalisés dans la restauration des services, l'élargissement de l'accès à l'aide et la création de conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Des efforts en matière de justice transitionnelle sont en cours, a-t-il ajouté, ainsi qu'un engagement civique plus large. M. Guterres a exhorté les gouvernements à soutenir fermement une "transition dirigée par les Syriens et prise en charge par les Syriens", précisant que le soutien doit inclure le respect de la souveraineté, la suppression des obstacles à la reconstruction et un financement solide pour le redressement humanitaire et économique.

"En ce jour anniversaire, nous sommes unis dans un même but : construire les fondations de la paix et de la prospérité et renouveler notre engagement en faveur d'une Syrie libre, souveraine, unie et ouverte à tous", a ajouté M. Guterres.