PARIS: Les candidats à la présidentielle font une profusion de propositions pour soutenir le pouvoir d'achat mais ne font pour l'heure qu'effleurer le sujet: il reste six mois de campagne, et le contexte de reprise post-Covid est des plus incertains.
Trois ans après la crise des « gilets jaunes », la question du pouvoir d'achat a fait un retour tonitruant avec le regain d'inflation alimenté par une flambée des prix de l'énergie. Elle a poussé le gouvernement à augmenter le « chèque énergie », déployer un « bouclier tarifaire » et ne pas exclure d'utiliser le « levier fiscal » si les cours sur les marchés ne baissent pas au printemps.
Le sujet est désormais en tête des thèmes qui compteront le plus dans le choix des Français au printemps 2022, devant l'immigration, selon un sondage Elabe pour BFMTV publié fin septembre.
Appelés à se positionner, les candidats prônent, à droite comme à gauche, hausses de salaires et du Smic, mais aussi, pêle-mêle, primes, création d'un revenu de base, baisse des taxes sur les prix des carburants, sur ceux de l'énergie dans leur ensemble, voire blocage des tarifs.
Mais dans un climat de défiance vis-à-vis de la parole politique, les électeurs semblent se méfier: aucun candidat n'apparaît pour l'heure majoritairement crédible à leurs yeux sur ce terrain.
« Les Français sont comme Saint Thomas: ils ne croient que ce qu'ils verront, ou pas, à un moment sur leur fiche de paie », explique Bernard Sananès, président de l'institut Elabe, tout en soulignant qu' »il est encore tôt » dans la campagne pour qu'ils s'intéressent précisément aux propositions.
« Bouclage macroéconomique »
Il est « très tôt » aussi pour les candidats qui « généralement sortent du bois en janvier/février et précisent alors le financement de leur programme », rappelle Alain Trannoy, professeur à l'Ecole d'économie d'Aix-Marseille.
Comment seraient financées les baisses de taxes sur l'énergie et les baisses de charges incitant à la hausse des salaires ? Quels effets attendre d'une hausse du Smic sur le coût du travail, la compétitivité des entreprises et l'emploi ? Et si hausses de salaires il y avait, jusqu'où aller sans pour autant tomber dans une spirale inflationniste, alors que la progression des prix s'est accélérée ? Les candidats restent évasifs.
Quant au sujet d'une politique globale de l'emploi, génératrice de hausses de salaires, il n'a pour l'heure pas émergé.
Les mois de crise Covid, où les vannes de l'argent public ont été ouvertes « quoi qu'il en coûte » pour soutenir l'économie, ont certes pu faire passer le sujet du financement à l'arrière-plan.
Et les prétendants à l'Elysée peuvent avoir intérêt à frapper médiatiquement avec des propositions fortes, tout en éludant le sujet sensible du financement et des règles budgétaires.
Mais « à un moment donné il y a une question de bouclage macroéconomique » et il faut savoir comment chaque mesure « va se diffuser dans l'économie », souligne Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Paradoxe
Autant d'éléments sur lesquels les candidats sont appelés à se prononcer, à l'aube d'une année 2022 économiquement incertaine.
Au-delà de la reprise forte après la crise, Alain Trannoy souligne un contexte « pas extraordinairement favorable » pour les entreprises et donc des hausses de salaires, entre baisse de productivité pendant la crise, perte d'emplois industriels, compétitivité moindre à l'international, hausses de prix des matières premières pas encore totalement incorporées dans les prix de production ni répercutées aux consommateurs.
Accusé par les candidats de ne pas en faire assez pour le porte-monnaie des Français, le gouvernement a, lui, sorti une batterie de chiffres pour souligner le travail accompli sous le quinquennat d'Emmanuel Macron, président sortant et probable candidat de la majorité. Parmi eux, une progression de 8% du pouvoir d'achat sous l'effet de mesures fiscales et sociales.
Les deux quinquennats précédents, ceux de Nicolas Sarkozy et François Hollande, s'étaient, eux, avérés peu favorables, entre effets de la crise financière pour le premier et « choc fiscal » en pleine crise de la zone euro pour le second.
Reste que les ménages rapportent bel et bien expérimenter une baisse de leur pouvoir d'achat, un paradoxe que certains économistes expliquent par l'augmentation des dépenses contraintes, soit les postes énergie et logement des budgets des Français.