Le nouveau paysage politique français: traits et tendances

À six mois de l’élection présidentielle française, le champ politique peine à trouver un équilibre. Les forces classiques de la droite et de la gauche (Les Républicains et le Parti socialiste) n'arrivent pas à percer et la brèche par laquelle s'est introduit le président Macron en 2017 reste ouverte. (AFP).
À six mois de l’élection présidentielle française, le champ politique peine à trouver un équilibre. Les forces classiques de la droite et de la gauche (Les Républicains et le Parti socialiste) n'arrivent pas à percer et la brèche par laquelle s'est introduit le président Macron en 2017 reste ouverte. (AFP).
Short Url
Publié le Lundi 04 octobre 2021

Le nouveau paysage politique français: traits et tendances

Le nouveau paysage politique français: traits et tendances
  • Zemmour a publié récemment un nouveau pamphlet, largement diffusé, qui a pour titre La France n'a pas dit son dernier mot
  • À six mois de l’élection présidentielle française, le champ politique peine à trouver un équilibre

En France, les derniers sondages d'opinion attestent de l'ascension fulgurante de l'éditorialiste Éric Zemmour dans le paysage politique, le créditant de 13% d’intentions de vote, presque à égalité avec le représentant de la droite classique, Xavier Bertrand, et le candidat de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon. Même l’éventualité que Zemmour accède au second tour de l’élection de 2022 devient plausible, ce qui suscite inquiétude et désarroi au sein du Rassemblement national, le parti de Marine Le Pen.


Zemmour a publié récemment un nouveau pamphlet, largement diffusé, qui a pour titre La France n'a pas dit son dernier mot. Dans cet ouvrage, il développe un programme politique axé sur sa vision xénophobe et anti-islamique qui lui a valu par le passé une condamnation pour «provocation à la haine raciale». Des formules telles que «le plus grand danger» (au sujet de l’islam), «submersion migratoire», «radicalisation exterminatrice», l'intégration prise dans le sens d'une «assimilation civilisationnelle» constituent la ligne de pensée de cette nouvelle figure de la vie politique française qui commence à devancer l'extrême droite populiste.


À six mois de l’élection présidentielle française, le champ politique peine à trouver un équilibre. Les forces classiques de la droite et de la gauche (Les Républicains et le Parti socialiste) n'arrivent pas à percer et la brèche par laquelle s'est introduit le président Macron en 2017 reste ouverte.


Dans un livre récent consacré au clivage droite/gauche et à ses enjeux actuels, Marcel Gauchet remarque que, même si cette dualité a structuré la vie politique française, elle a changé d'ancrage idéologique et social.
Les vieux antagonismes historiques entre les partisans de l'ancien régime et les révolutionnaires, les cléricaux et les laïcs, les bourgeois et les prolétaires se sont dissipés en faveur des nouvelles lignes de partage, entre conservateurs et progressistes, souverainistes et internationalistes.


La fin de la guerre froide et l'émergence de la mondialisation économique ont à la fois mis en cause le camp de la droite et celui de la gauche dans leurs traits distinctifs habituels. Gauchet souligne à juste titre l'épuisement du modèle collectiviste de la gauche sous l'effet des politiques de privatisation et de déréglementation suivies par des régimes socialistes européens qui se sont retranchés derrière des réformes sociétales et l'engagement européen, au moment même où la classe moyenne – qui était la base politique et électorale de la gauche – s’est effondrée sous le coup de la globalisation économique.


Le pôle de la droite, de son côté, a payé cher le prix des nouvelles transformations qui ont altéré la configuration politique classique. L'alliance historique entre les libéraux et les conservateurs a pris fin et un fossé s'est creusé entre une ligne progressiste et cosmopolite, qui soutient les réformes sociétales les plus audacieuses, et une autre, conservatrice et souverainiste, qui a pris des allures populiste et nationaliste.


Dans cette nouvelle tournure, la structure partidaire devient inopérante, puisque les mouvements d'opinion supplantent les formations politiques. En France, les trois structures les plus actives sont les mouvements La République en marche de Macron, La France insoumise de Mélenchon et Le Rassemblement national de Marine Le Pen. Des initiatives souples et élastiques se sont constituées autour des leaders en quête de pouvoir sans programme politique précis, sans base sociale stable ou clairement définie.


Si la position du centre a toujours représenté une opportunité dans le champ politique français comme le prouvent l'expérience de l'ancien président Giscard d'Estaing et celle d’Emmanuel Macron, les partis politiques qui revendiquent la ligne de synthèse entre la droite et la gauche n'ont que rarement obtenu un véritable écho sur la scène politique française.
Il est vrai que le grand parti de la droite (la mouvance gaulliste au sens large) a toujours été le fruit d'une coalition entre trois tendances: bonapartiste (autoritaire), libérale moderniste et conservatrice; le Parti socialiste est, lui, issu de la fédération des différentes gauches (ouvrière, sociale-démocrate et libérale). La fragmentation perceptible du champ politique français est le résultat de la dislocation de ces alliances synthétiques qui a fait le lit des mouvements populistes montants.


C'est pour cette raison que l’on peut conclure que la prochaine échéance électorale consacrera la montée en puissance de nouveaux acteurs étrangers au champ politique classique.

 

Seyid Ould Abah est professeur de philosophie et sciences sociales à l’université de Nouakchott, Mauritanie, et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l’auteur de plusieurs livres de philosophie et pensée politique et stratégique.

Twitter: @seyidbah

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français