PARIS: Les routiers, la filière bois. Après un été déjà discret, Marine Le Pen a entamé une drôle de campagne présidentielle, sans presse ou très peu, sur des thèmes spécialisés, ce qui laisse de la place à son potentiel rival Eric Zemmour.
« On va aller sur le terrain, beaucoup » pour « faire connaître aux Français les mesures que je vais leur soumettre », avait assuré la candidate à l'Elysée en marge de sa rentrée à Fréjus (Var) le 11 septembre.
Désireuse de « prendre le temps » d'expliquer son projet, elle avait évoqué des déplacements de deux-trois jours, précisant qu'il n'y aurait pas forcément toute la presse. « Mon objectif ce n'est pas le barnum », avait justifié la responsable d'extrême droite.
Marine Le Pen s'est ainsi rendue mardi dans l'Isère avec des médias locaux et régionaux, pour déambuler sur un marché, partager un déjeuner avec la presse, puis visiter une scierie afin de mettre en lumière la filière bois, « filière profondément écologique ».
« Il faut aller au plus près des Français » notamment ceux « qui n'intéressent plus la classe politique », explique Marine Le Pen, dont le parti a subi aux élections régionales une forte abstention.
Mardi dernier, celle qui se présente comme « la candidate des solutions concrètes » avait visité le salon du Transport et de la Logistique (Sitl), avec le seul hebdomadaire spécialisé L'Usine Nouvelle, et promis un « crédit d'impôt péage » aux routiers français, après avoir proposé en 2017 de taxer les camions étrangers.
Chats
Il s'agit pour Marine Le Pen de « montrer aux Français qu'elle est capable de parler de sujets techniques sur lesquels elle avait largement trébuché en 2017 » lors de son débat face à Emmanuel Macron, explique le politologue Jean-Yves Camus.
En outre, « pourquoi jeter ses forces dans la bataille alors que le paysage politique n'est pas complètement sécurisé », ajoute ce spécialiste du RN. Marine Le Pen « ne sait pas encore qui elle va affronter. L'espace médiatique est mangé par le suspense autour de la candidature d'Eric Zemmour, LR n'a pas choisi encore son candidat et la primaire des Verts n'est pas terminée ».
C'est aussi « un peu le moment médiatique d'Eric Zemmour », admettait récemment le porte-parole du RN Sébastien Chenu.
Mais un élu du parti considère lui que Marine Le Pen « est dans le déni » de la candidature du polémiste identitaire et qu'« il faut se réveiller » au lieu de faire des « déplacements confidentiels ».
Pour le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui doit débattre jeudi soir avec Eric Zemmour, se pose la question de l'envie de Marine Le Pen. « Elle considère que ses chats sont plus importants que la vie politique », a-t-il raillé lundi soir sur LCI.
Médias
Difficile de faire aussi une grosse campagne quand les finances du parti sont encore dans le rouge et la dette à 22,9 millions d'euros (en 2019), ce qui limite les possibilités pour le Rassemblement national de trouver des prêts auprès des banques.
Marine Le Pen a récemment « alerté » Emmanuel Macron sur les difficultés de financement de la campagne présidentielle, où le candidat ne peut plus emprunter d'argent à des banques non européennes --comme le RN en Russie en 2014--, ni à des entreprises privées.
La discrétion de la candidate du RN contraste avec la couverture médiatique d'Eric Zemmour, qui n'a pas annoncé sa décision pour la présidentielle mais dont une conférence samedi à Nice a pris l'allure d'un meeting politique.
Crédité de 7 à 11% des intentions de vote, il pourrait faire perdre des points à Marine Le Pen, même si cette dernière est toujours donnée au second tour face à Emmanuel Macron, comme en 2017.
« C'est mon intérêt de faire durer l'ambiguïté » sur ma candidature, assume le polémiste identitaire, en ironisant sur ses « amis journalistes » qu'il raille pourtant souvent dans ses discours.
Privé d'émission sur CNews après la décision du CSA de décompter son temps de parole, Eric Zemmour est devenu « candidat au débat » et aux plateaux télévisés.