Pour l’acteur et réalisateur Lyes Salem, l’Algérie «suscite l’envie de cinéma»

Lyes Salem, acteur franco-algérien et scénariste et réalisateur, a avoir commencé à écrire et à réaliser des films «pour parler de mon Algérie». Photo fournie.
Lyes Salem, acteur franco-algérien et scénariste et réalisateur, a avoir commencé à écrire et à réaliser des films «pour parler de mon Algérie». Photo fournie.
Short Url
Publié le Mercredi 01 septembre 2021

Pour l’acteur et réalisateur Lyes Salem, l’Algérie «suscite l’envie de cinéma»

  • Cette édition a fait la part belle aux productions algériennes, avec douze longs métrages
  • Arab News en français a rencontré Lyes Salem, acteur, scénariste et réalisateur franco-algérien

PARIS: Créé par Marie-France Brière et Dominique Besnehard, et soutenu, entre autres, par la Ville d’Angoulême, le Grand Angoulême, le Département de la Charente et la Région Nouvelle Aquitaine, le Festival du film francophone d’Angoulême (FFFA), qui défend un cinéma populaire, s’est déroulé du 24 au 29 août.

Cette édition a fait la part belle aux productions algériennes, avec douze longs métrages: Chronique des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamina (1975), Omar Gatlato de Merzak Allouache (1977), Nahla de Farouk Beloufa (1979), De Hollywood à Tamanrasset  de Mahmoud Zemmouri (1990), Cheb de Rachid Bouchareb (1991), Le Harem de madame Osmane de Nadir Moknèche (2000), Le Soleil assassiné d’Abdelkrim Bahloul (2003), À mon âge je me cache encore pour fumer de Rayhana (2016), Abou Leila d’Amin Sidi-Boumédiène (2019), Cigare au miel de Kamir Aïnouz (2020) et La Famille de Merzak Allouache (2021).

Arab News en français a rencontré Lyes Salem, acteur franco-algérien et scénariste et réalisateur. Certains de ses longs métrages – comme Mascarades et L’Oranais – ont été récompensés. Il nous confie avoir commencé à écrire et à réaliser des films «pour parler de mon Algérie».

La sélection de films effectuée du FFFA offre-t-elle un bon aperçu du cinéma algérien?

Absolument. La sélection de Marie-France Brière et Dominique Besnehard propose une belle entrée en matière pour découvrir chaque période de la cinématographie algérienne. Bien évidemment, il a fallu faire des choix, mais il était important que cette liste de douze films reflète les différents courants du cinéma algérien.

Entre le FFFA et vous, c’est une longue histoire. Et des films primés…

Ma relation avec le FFFA est marquée par la fidélité de ses deux fondateurs; le festival a présenté l’intégralité de mes films. Lors de la 1re édition, mon film Mascarades a reçu le Valois d’or. Puis j’ai obtenu le prix d’interprétation pour L’Oranais. J’ai été également membre du jury à plusieurs reprises. C’est un festival que j’aime particulièrement. J’y ai connu des moments agréables et galvanisants sur le plan artistique.

film

Lors de sa sortie, L’Oranais a rencontré un franc succès en France. Par ailleurs, il a suscité une polémique en Algérie. Le cinéma est-il un moyen de dépassionner le débat autour des sujets sensibles liés aux relations entre l’Algérie et la France?

Le cinéma me permet, en effet, d’aborder des sujets que je voudrais dépassionner, notamment ceux qui concernent des thématiques sociétales ou historiques, comme c’est le cas pour L’Oranais. Le cinéma sert à cela. Je ne cherche pas nécessairement la polémique. S’il résulte d’un film des discussions, tant mieux; si c’est une polémique, tant pis.

Ce que je trouve intéressant avec ce film, c’est qu’il a suscité le débat, même si on connaît bien l’exubérance de l’Algérie. La polémique a souvent été provoquée, sur les plateaux de télévisions notamment, par des personnes qui n’avaient pas vu le film. Ce sont, à mon sens, des débats stériles. En revanche, j’ai pu accompagner le film à Alger et à Oran, où, après la projection, les échanges furent extrêmement dynamiques, pour ne pas dire tendus, mais sans le moindre débordement. Les spectateurs qui préfèrent la vision officielle des anciens moudjahidines n’ont pas apprécié la mienne – en particulier, le fait qu’ils aient de l’alcool ou qu’ils utilisent un certain langage de rue. Mais je l’assume totalement, car je me suis documenté pour écrire ce film et j’ai notamment puisé dans le cercle familial, dans mes souvenirs d’enfance.

film

Pour moi, le but du cinéma, et c’est ce que j’essaie de faire en tant que réalisateur, c’est de proposer au public, qu’il soit local ou international, un miroir de l’Algérie – parler de cette société, de sa langue, de sa façon d’être et d’aimer, d’une manière qui me soit propre et dans laquelle je me reconnaisse.

Depuis une décennie, voire un peu plus, une nouvelle génération de cinéastes semble penser le cinéma autrement. Elle propose des films qui confrontent les idées et, parfois, brisent des tabous. Selon vous, est-ce une nouvelle vague du cinéma algérien ou franco-algérien?

Effectivement, cette génération à laquelle j’appartiens s’est emparée de l’art cinématographique. Les cinéastes avec lesquels j’ai pu travailler, notamment en Algérie, font du cinéma parce qu’ils ont quelque chose à dire. C’est différent en France, où il existe une véritable industrie du cinéma.

En Algérie, les équipes d’un film – acteurs, techniciens, réalisateurs et producteurs – sont conscients qu’ils participent à l’écriture de la cinématographie d’un pays en déficit d’images. Cette situation, cette ferveur à vouloir faire les choses de cette façon, je ne les vis pas de la même manière lorsque je fais des films en France. Tourner en Algérie me galvanise.

film

Selon moi, le cinéma est une affaire d’attitudes, notamment dans les façons dont on parle, dont on marche... Le cinéma algérien ou maghrébin a un aspect théâtral; il aime l’exubérance. Les sociétés qu’il filme sont très cinématographiques. Lorsqu’on est en Algérie, on a envie de filmer les gens dans leur vie quotidienne. Ce pays suscite l’envie de cinéma; il y a tant d’histoires à raconter!

Au sujet de la professionnalisation du métier en Algérie, il y a de nettes améliorations: le matériel est plus facilement disponible et le travail des techniciens, entre autres, est de bien meilleure qualité. Il faut savoir que beaucoup de films sont produits avec la collaboration de pays étrangers, la France par exemple. Même si le contenu des productions est parfois critiqué en Algérie, je constate que ce peuple accomplit des choses magnifiques, comme le Hirak et son élan de solidarité qui, à mon sens, n’existe nulle part ailleurs.

Quels sont les films algériens qui vous ont marqué?

Ce sont des films anciens qui m’inspirent le plus lorsque j’écris, comme Le Vent des Aurès de Mohammed Lakhdar-Hamina, L’Opium et le Bâton d’Ahmed Rachedi, qui reste un film culte pour toutes les Algériennes et tous les Algériens. Il y a aussi L’inspecteur Tahar de Moussa Haddad, dans lequel les deux acteurs, Hadj Abderrahmane et Yahia Benmabrouk, font preuve d’une complémentarité remarquable, sont excellents.

film

Je citerai également le réalisateur le plus prolifique du cinéma algérien, Merzak Allouache, dont le film Bab El-Oued City a été tourné dans les années 1990 avec une caméra à l’épaule, en pleine période de la décennie noire.

 

Actualité de Lyes Salem

  • Cigare au miel, de Kamir Aïnouz (sortie prévue le 6 octobre 2021).
  • La Vraie Famille, de Fabien Gorgeart, avec Mélanie Thierry (sortie prévue en février 2022).
  • Z (comme Z), de Michel Hazanavicius, avec Bérénice Bejo, Romain Duris et Grégory Gadebois (sortie prévue en 2022)

 


Jeux paralympiques de Paris: pour une athlète d'Irak, de l'or plein les yeux

L'athlète paralympique irakienne de tennis de table Najlah Imad s'entraîne dans les locaux du club Al-Mawaheb à Baqubah, le 26 février 2024 (Photo, AFP).
L'athlète paralympique irakienne de tennis de table Najlah Imad s'entraîne dans les locaux du club Al-Mawaheb à Baqubah, le 26 février 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • Elle avait trois ans, le 19 avril 2008, quand elle a perdu ses deux jambes et son avant-bras droit, dans l'explosion d'un engin explosif fixé à la voiture de son père, ex-militaire
  • Cette histoire familiale, elle la raconte d'un ton presque détaché, tant des expériences semblables ont accompagné les générations ayant grandi dans un Irak déchiré

BAQOUBA: Quand Najlah Imad s'initiait au tennis de table, son entourage en Irak pensait qu'avec son handicap elle s'épuiserait pour rien. Une décennie plus tard, la championne n'a rien perdu en ténacité: qualifiée pour les Jeux paralympiques de Paris, elle vise une médaille d'or.

"Ce sport a changé ma vie. J'y consacre tout mon temps", confie-t-elle à l'AFP, dans la cour d'un centre sportif délabré de sa bourgade de Baqouba, au nord-est de Bagdad, où l'athlète multimédaillée s'entraîne toujours,

Elle avait trois ans, le 19 avril 2008, quand elle a perdu ses deux jambes et son avant-bras droit, dans l'explosion d'un engin explosif fixé à la voiture de son père, ex-militaire. Cette histoire familiale, elle la raconte d'un ton presque détaché, tant des expériences semblables ont accompagné les générations ayant grandi dans un Irak déchiré par des décennies de guerre.

Petite brune de 19 ans, le visage encadré par des cheveux noirs sagement coupés au carré, Najlah Imad exhibe un sourire à toute épreuve, qui ne la quitte que quand elle empoigne sa raquette de ping-pong. Elle se concentre alors sur ses coups, ses sourcils se froncent et l'éclat de ses yeux rieurs durcit.

"En me lançant dans le sport, j'ai rencontré d'autres joueurs avec des handicaps, qui pratiquaient même s'il leur manquait un membre", poursuit-elle. "Ils avaient tellement d'énergie positive, ça m'a encouragée."

«Surprise»

Quand elle a dix ans, un entraîneur cherchant à monter une équipe paralympique se rend visite dans sa maison. Six mois d'entraînement, et Najlah Imad participe à son premier championnat, rassemblant toutes les provinces irakiennes. Elle gagne.

"J'étais la surprise de la compétition", se souvient-elle, d'une fierté candide.

A l'étage de la maison familiale, une étagère croule sous les trophées et médailles, glanés au fil de la trentaine de compétitions internationales auxquelles elle a participé.

Elle était à Tokyo en 2021 pour les JO paralympiques, avant de remporter en 2023 une médaille d'or en Chine au championnat paralympique d'Asie.

Généralement, elle s'entraîne quatre jours par semaine, dont deux à Bagdad, où elle se rend accompagnée de son père. Pour mieux préparer les rencontres internationales, elle s'envole vers l'étranger afin de profiter d'infrastructures sportives de pointe --au Qatar par exemple, où elle était en mars, en vue des Jeux paralympiques de Paris, du 28 août au 8 septembre.

Etoile montante du sport, elle bénéficie de subventions mensuelles --modestes-- du comité paralympique irakien, outre la prise en charge de certains voyages pour les compétitions.

Malgré les succès, son quotidien reste lié à Baqouba et à son centre sportif. Dans une salle poussiéreuse aux vitres cassées, quatre tables de ping-pong mangent tout l'espace. Le cliquetis incessant des balles résonne tandis que s'affrontent huit joueurs, femmes et hommes, l'un d'eux en fauteuil roulant.

"Les tables sur lesquelles on s'entraîne, c'est de la seconde main. On a dû les réparer pour les utiliser", confie à l'AFP l'entraîneur Hossam al-Bayati.

Même cette salle sommaire menace de leur être retirée, assure celui qui a rejoint en 2016 les entraîneurs de l'équipe nationale de tennis de table paralympique.

Un discours qui ne surprend pas, dans un pays pourtant riche en pétrole, mais miné par la corruption et des politiques publiques défaillantes: les professionnels du sport déplorent régulièrement infrastructures et équipements déficients ainsi que des subventions insuffisantes.

«Défier le monde»

Sur son moignon droit, la sportive enfile un tissu noir avant de fixer sa prothèse, qui l'aide à s'appuyer sur sa béquille. De sa main gauche tenant sa raquette, elle lance la balle dans les airs, l'expédie par dessus le filet.

A ses débuts, la famille était réticente.

"C'est un sport impliquant du mouvement, moi il me manque trois membres, j'étais jeune", se souvient-elle. "Mes proches, la société, disaient +C'est pas possible, tu vas te fatiguer pour rien+".

Après sa première victoire son père Emad Lafta réalise qu'il faut la soutenir, tant elle était "passionnée".

"Elle a persévéré. Elle a surmonté un défi personnel, et elle a défié le monde", reconnaît M. Lafta, qui a sept enfants en tout.

Avec le ping-pong, "elle se sent mieux psychologiquement, le regard de la société a changé", se réjouit-il. "Les gens nous félicitent, dans la rue il y a des filles qui veulent se photographier avec elle".

Lycéenne, Najlah Imad rêve d'être présentatrice. "Même quand elle voyage elle prend ses livres pour réviser pendant son temps libre. Durant le trajet pour Bagdad, elle étudie".

A Paris, l'objectif c'est la médaille d'or, espère le sexagénaire. "Quand elle nous promet quelque chose, elle s'y tient".


Dernières arabesques à l'Opéra de Paris pour l'étoile Myriam Ould-Braham

La danseuse française Étoile du Ballet de l'Opéra de Paris Myriam Ould-Braham pose lors d'une séance photo à Paris le 6 mai 2024 (Photo, AFP).
La danseuse française Étoile du Ballet de l'Opéra de Paris Myriam Ould-Braham pose lors d'une séance photo à Paris le 6 mai 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • Il faut voir comme elle paraît flotter, dans une diagonale de piétinés ou encore dans les portés avec son partenaire
  • Cette fille d'un couple franco-algérien, née à Alger, qui a les deux nationalités, a découvert la danse en Algérie

PARIS: Prendre sa retraite, c'est le bon moment pour la danseuse étoile Myriam Ould-Braham, qui, à 42 ans, fait samedi ses adieux à la scène de l'Opéra de Paris et dit avoir besoin de moins exposer son corps à la "souffrance".

Elle tire sa révérence lors d'une dernière représentation au Palais Garnier de "Giselle", ballet emblématique du répertoire classique romantique, qui la "faisait rêver petite" et dont "la magie et la beauté l'éblouissent" encore autant aujourd'hui, comme elle le raconte à l'AFP dans sa loge, la numéro "55".

Il faut voir comme elle paraît flotter, dans une diagonale de piétinés ou encore dans les portés avec son partenaire, l'étoile Paul Marque mercredi soir: bras et port de tête graciles, la ballerine, cheveux blonds ondulés et yeux clairs, est, dans son long tutu blanc, tout en délicatesse.

"Je suis très heureuse, très sereine. J'ai eu une merveilleuse carrière. J'ai dansé tous les grands rôles que j'avais envie de danser. J'ai pu partager beaucoup d'émotions avec beaucoup de partenaires", y compris des étoiles "du monde entier", résume-t-elle.

"Malgré la difficulté de notre art" - un "sacerdoce", un "don de soi permanent" -, "j'ai réussi à trouver énormément de bonheur", affirme la danseuse, analysant: "on rentre à 17 ans (dans la compagnie, NDLR), on repart à 42, il s'en passe des choses".

Nommée étoile à 30 ans, pour le rôle de Lise dans "La fille mal gardée", elle se remémore les ballets qu'elle a le plus aimés: la découverte du travail en duo dans "La Belle au bois dormant", le "Lac des cygnes", dont la partition "ne (lui) a jamais autant donné d'émotions", ou encore "Roméo et Juliette", à la chorégraphie "tellement dure" et pour lequel elle est allée "chercher loin dans ses tripes".

Elle évoque aussi le public, qui "nous porte", venant parfois de très loin - "Japon, Australie, Brésil, etc" - et cette première fois où elle a reçu cette "montagne de fleurs" après un rôle de soliste.

«Doute» et «célébration»

Cette fille d'un couple franco-algérien, née à Alger, qui a les deux nationalités, a découvert la danse en Algérie fortuitement avec un cours de sa sœur. Arrivée en France en 1986, elle suit brièvement le Conservatoire supérieur de Paris, puis intègre, à 14 ans, l'Ecole de danse de l'Opéra. "A ce moment-là, je ne savais absolument pas qu'on pouvait en faire un métier".

Myriam Ould-Braham ne raccroche cependant pas tout à fait ses pointes, puisque qu'elle a accepté pour l'année prochaine plusieurs propositions de galas - en Chine, à Hong Kong et au Japon - lors desquels elle dansera des "pas de deux".

Elle qui donne des cours dans un centre de sport pour enfants et des coachings privés auprès de danseurs depuis quatre ans confie aussi ressentir "plus de plaisir à enseigner, aujourd'hui, qu'à danser".

"Ma carrière, il ne fallait pas qu'elle se prolonge plus", confie-t-elle. Pendant 25 ans, elle a appris à "gérer" et "connaître" son corps mais elle a envie désormais "de moins être en souffrance".

Depuis des années, elle doit régulièrement faire "remettre en place" sa cheville par un kinésithérapeute, à la suite d'une rupture des ligaments.

"Mentalement aussi", la pause est bienvenue. "J'ai ma vie de famille, besoin de penser à moi" et de découvrir ce que la vie me réserve", ajoute l'artiste, mère de deux garçons âgés de 4 et 9 ans qu'elle a eus avec Mickaël Lafon, danseur dans la compagnie.

Dans la loge qu'elle occupe au Palais Garnier depuis sa nomination d'étoile, Myriam Ould-Braham a commencé à mettre de l'ordre, pour laisser place à la nouvelle génération. Un lieu qui a vu "des choses incroyables: des moments de doute, de peur, de bonheur et de célébration".


«  Megalopolis »: Coppola débarque à Cannes avec son film de tous les superlatifs

45 ans après sa Palme d'or pour "Apocalypse Now", Francis Ford Coppola brigue un troisième trophée avec "Megalopolis", film hors normes au parfum testamentaire dans lequel il a englouti une partie de sa fortune. (AFP).
45 ans après sa Palme d'or pour "Apocalypse Now", Francis Ford Coppola brigue un troisième trophée avec "Megalopolis", film hors normes au parfum testamentaire dans lequel il a englouti une partie de sa fortune. (AFP).
Short Url
  • D'un budget de 120 millions de dollars, ce film sur la destruction d'une ville évoquant New York couve dans son esprit depuis plus de quarante ans.
  • Coppola avait abandonné le projet suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avant de le reprendre

CANNES: C'est le film le plus attendu du Festival de Cannes: 45 ans après sa Palme d'or pour "Apocalypse Now", Francis Ford Coppola brigue un troisième trophée avec "Megalopolis", film hors normes au parfum testamentaire dans lequel il a englouti une partie de sa fortune.

D'un budget de 120 millions de dollars, ce film sur la destruction d'une ville évoquant New York couve dans son esprit depuis plus de quarante ans. Coppola avait abandonné le projet suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avant de le reprendre.

"Quand s'éteint un empire? S'effondre-t-il en un moment terrible?", interroge la voix off de la bande-annonce.

Présenté comme un film de science-fiction de 02H18, projeté sur écran IMAX, "Megalopolis" tourne autour de la destruction d'une mégalopole et sa reconstruction qui se joue entre un architecte (Adam Driver) et le maire de la ville (Giancarlo Esposito).

C'est un film sur "un homme qui a une vision du futur" et parle du "conflit" entre cette vision et les "traditions du passé", confiait Coppola en 2019, au Festival Lumière où il avait été distingué. "Je dirais que c'est mon film le plus ambitieux, même plus ambitieux qu'+Apocalypse Now+".

De quoi faire saliver les cinéphiles du monde entier qui se passionnent pour ses films autant que ses tournages épiques, à commencer par celui d'"Apocalypse Now", prévu pour durer quelques semaines et qui dura finalement 238 jours.

A cela se sont ajoutés les accès de paranoïa de Coppola, drogué, qui a perdu une quarantaine de kilos et a dû hypothéquer ses biens pour financer le film. Le budget, de 13 millions de dollars à l'origine, passera à 30 millions, le conduisant au bord de la ruine.

« Tête brûlée »

"Coppola est une tête brûlée", rappelle pour Tim Gray, vétéran du journalisme cinéma aux Etats-Unis qui travaille désormais pour l'organisation des Golden Globes. Il "a toujours pris d'énormes risques. Et sa carrière a défié la logique", confiait-il récemment à l'AFP.

Le géant du cinéma avait aussi évoqué le souhait de tourner une histoire d'amour "avant de partir". C'est chose faite avec le couple formé par Adam Driver et Nathalie Emmanuel ("Game of Thrones") dans "Megalopolis".

Autour d'eux gravitent de multiples personnages interprétés par des acteurs de légende des années 1970, comme Jon Voight et Dustin Hoffman.

"Tout le monde espérait que Francis Ford Coppola continuerait à faire des films. On savait qu'il avait décidé de faire ce film et de le financer avec son propre argent", a raconté lundi Thierry Frémaux, le délégué général cannois, avant le coup d'envoi du Festival.

"Je trouve admirable que cet homme de 85 ans se comporte comme un cinéaste indépendant, comme un artiste qui veut venir montrer son travail. Cannes est important pour lui et lui est important pour Cannes."

Film-testament génial ou oeuvre poussive et démesurée? La presse y va de ses pronostics et vient de publier des témoignages de membres de la production évoquant un tournage chaotique.

Le réalisateur de la trilogie du "Parrain" n'avait plus dirigé de long-métrage depuis "Twixt", sorti en 2011, et semblait s'adonner à son autre passion, le vin, lui qui possède de nombreuses vignes.

C'était sans compter ce projet qu'il dédie à son épouse Eleanor, à qui il a été marié soixante ans, décédée le 12 avril.