La persistance est de mise pour les Libanais qui rêvent de changement

(Anwar AMRO/AFP)
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Publié le Lundi 07 septembre 2020

La persistance est de mise pour les Libanais qui rêvent de changement

La persistance est de mise pour les Libanais qui rêvent de changement
  • Chaque crise est également une opportunité, il ne s’agit pas de crier un slogan mais de construire un nouveau Liban
  • Macron ne peut aider le Liban que si les Libanais l’aident à le faire et s’aident en premier lieu

La seconde visite d’Emmanuel Macron au Liban a créé une réaction violente auprès de ceux qui, comme moi, s’opposent au Hezbollah et a l’influence iranienne dans la région. Les déclarations des équipes diplomatiques françaises donnant une légitimité à ce groupe furent ressenties comme une erreur, et pour certains comme une trahison. La raison est simple, nous considérons que ce groupe dans sa forme actuelle est un danger pour l’avenir du Liban, et contribue à l’érosion de la souveraineté du pays. De même, l’Iran joue un rôle néfaste et expansionniste dans l’ensemble du Moyen-Orient.

Comme moi, de nombreux Français d’origine libanaise espèrent et rêvent d’un Liban libre, proche de la France, et de prospérité malgré la situation du Moyen-Orient. Nous espérons que le président Macron le comprend.  

La visite de Macron au Liban a été suivie d’une visite en Irak et nous nous devons également d’écouter son message sur place. En effet, lors de sa visite en Irak, Macron s’est clairement opposé à toute ingérence dans les affaires du pays, insistant sur le soutien de la France pour la souveraineté de l’État irakien. L’Irak, avec son nouveau Premier ministre, Mustafa al-Kazimi, et même si la tâche est difficile, a peut-être la capacité de rééquilibrer les relations avec son voisin iranien. Les efforts français et américains peuvent aller dans ce sens. Le même principe s’applique au Liban, alors aucun homme ou groupe politique libanais n’est peut-être capable d’engendrer ce changement aujourd’hui.

Nous nous devons, d’autre part, d’écouter aussi le message de Macron au sujet de la Méditerranée, car il s’agit d’un message de prospérité et de stabilité. En parlant du principe de la Pax Mediterranea, il s’oppose clairement à une action impérialiste turque et à des méthodes d’intimidation que l’ensemble des pays de la Méditerranée refusent. Il s’agit, là encore, d’une vision plus complète dans laquelle s’inscrit le Liban, et qui peut être positive pour ce pays. À l’heure ou des groupes sunnites libanais semble inviter la Turquie à intervenir pour s’opposer au Hezbollah, il s’agit là d’une erreur qui peut plonger le pays dans plus de conflits encore.

La mission de Macron est bien plus difficile au Liban car le pays est complexe et représente une vision d’ensemble pour la région de l’Europe, de la Méditerranée et du Moyen-Orient. Pour le Liban, c’est d’ores et déjà le chaos, et les risques sont bien connus.

Il faut aussi noter que personne n’est venu pour tenter d’aider le Liban à part Emmanuel Macron. Il a eu un message clair vis-à-vis de la classe politique dirigeante, tout autant que sur la souveraineté du pays. Il existe en fait deux réalités dans le pays, et tous les signes à ce jour semblent en faveur du régime en place qui est celui du Hezbollah.

Pour ces raisons, et malgré une opposition à la transformation du Liban en un État iranien ou ottoman, il est important de donner du temps au président français avant de juger ses actions. En réalité, les Libanais n’ont pas grand-chose à perdre. Il est aussi important pour les forces politiques libanaises attachées à la souveraineté de rester actives et de montrer qu’elles ont un poids véritable sur la scène politique locale. Tout changement ou rééquilibrage ne peut se faire qu’avec persistance, constance, et sans s’aliéner les soutiens internationaux. Macron ne peut aider le Liban que si les Libanais l’aident à le faire et s’aident en premier lieu.

Les efforts du président peuvent alors peut-être réussir à garantir un accord iranien pour une transition du rôle politique du Hezbollah. Les chances sont minces, mais l’inactivité sur la scène locale, comme l’opposition aux actions du président français, contribuent à pousser le pays dans la mauvaise direction. Quelles sont les actions politiques qui peuvent accompagner les efforts de Macron et permettre un début de changement au Liban ? C’est la question que l’on doit se poser. Ce qui est certain, c’est que nous ne pouvons pas attendre que les initiatives aboutissent sans agir sur le terrain pour les soutenir.

Il est aussi important de noter que, pour l’instant, les États-Unis semblent soutenir les actions de la France au Liban et ce sera le cas aussi après les élections en novembre. Cependant, des désaccords semblent toujours exister sur la politique vis-à-vis de l’Iran, et aussi de la Turquie. Il faut donc également inscrire l’action libanaise en prodiguant les conseils nécessaires. Il est important de faire comprendre que, dans une région comme le Moyen Orient, la politique d’apaisement n’est pas toujours la meilleure et que certaines menaces ne sont pas perçues comme telles, ou sont considérées comme faibles.

Une plus grande entente entre les États-Unis et la France peut avoir un rôle très positif pour la région et permettre d’atteindre les objectifs que Macron s’est fixés. En ce qui concerne le Liban, ni l’État ni aucune force politique n’est capable de désarmer le Hezbollah ou de réduire son contrôle sur des points clés de l’État. La seule réponse est soit un accord avec l’Iran soit une guerre. Cependant, si sur l’armement rien n’est faisable à ce jour, accompagner les efforts de Macron peut permettre de réduire le contrôle du Hezbollah sur l’État, principalement en qui concerne les postes clés liés à la sécurité, qui sapent la légitimité de l’État.

Les Libanais ne doivent donc pas rester spectateurs et observer les efforts du président français sur la scène internationale car, en réalité, c’est à eux de créer le changement. Il faut travailler sur des solutions acceptables et ne pas sous-estimer la force de la population qui veut un changement.

Chaque crise est également une opportunité. Il ne s’agit pas de crier un slogan mais de construire un nouveau Liban. Comme le dit le dicton : « La goutte d'eau cave la pierre, non par la force mais en tombant souvent. » Notre persistance fera la différence.    

Il est aussi important de réussir à faire en sorte l’Iran traite avec l’État libanais et non avec un groupe. Même si ce groupe et l’Iran ont une religion commune.

Les Libanais peuvent peut-être tirer des enseignements de l’histoire de la Finlande qui a réussi à tracer une politique étrangère indépendante en étant proche des États-Unis et des pays européens, et en bénéficiant de leurs supports tout en restant neutre et en communiquant avec la Russie.

 

Khaled Abou Zahr est PDG d'Eurabia, une société de médias et de technologie. Il est également le rédacteur d'Al-Watan Al-Arabi.

Twitter: @KhaledAbouZahr

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com